16. Andreia

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Point de vue d'Andreia

J'ai l'impression de n'être qu'une secousse, mais je ne peux pas détacher mon regard de lui. Comment a-t-il osé ?

Un nouveau coup sec de la chaîne m'oblige à le suivre en direction du pub, mais je suis trop sous le choc. Depuis quand a-t-il ses menottes ? Pourquoi a-t-il ces choses ? Pourquoi il refuse de me regarder ?

J'essaie de lire ses émotions, mais elles sont bien trop chaotiques pour être lisibles. Je ne perçois qu'un cocktails de rage, de haine et de dégoût, le tout entremêlé par une déception que je ne comprends pas, mais peut-être est-ce aussi mes propres émotions que je perçois.

— Tu traines, avance plus vite, me sermonne Jack d'une voix dénuée de toute émotion.

J'ai l'impression de m'être fourvoyée sur lui. Je croyais que c'était un bon gars, il m'avait protégé là-bas, chez lui. J'ai senti qu'il m'avait compris, qu'il savait ce qui m'effrayait le plus, alors pourquoi ce revirement ? Pourquoi me traiter devant tout le monde comme une esclave ?

Je n'ai pas vraiment le loisir de m'y pencher plus longtemps, nous entrons dans le pub. Une fumée épaisse me frappe et je mets à tousser ; l'odeur arrache, j'ai l'impression qu'elle s'encastre dans ma gorge. Je ne vois pas très bien non plus ce qui nous entoure, mais cela ne semble pas être le cas de Jack. Il se dirige comme un habitué des lieux vers la gauche. Des rires gras s'élèvent au côté de rires et des cris de réjouissance, par contre je ne parviens pas à discerner clairement la tête des clients. Je ne vois que des silhouettes colorées, parfois éclairées par des bougies ou des lampions, mais les traits sont flous. Je ne pourrais pas reconnaître un individu en particulier, mais les races sont plutôt facile à deviner : des vampires, des sorcières, des garous sont les plus évidents, mais pas les seuls.

Je sens quelque chose me frôler la cuisse dénudé par l'habit de Ménade que je porte et un frisson me saisit. Est-ce une main ou une patte, mais elle a tenté de me toucher. Pivotant brusquement sur lui-même, Jack s'élance près de moi et un hurlement de douleur surgit à ma gauche. Je crois savoir qui m'a touchée finalement, mais difficile de déterminer si le cri de cochon est dû à sa nature ou l'effet d'une arme blanche transplantée dans sa main. La cacophonie des lieux a baissé légèrement, mais pas complètement.

— On ne touche pas les biens des autres, gronde la voix furieuse de Jack. Compris ?

Jack retire son arme sans attendre la réponse, puis il glisse son bras autour de ma taille. Il me plaque contre lui et j'ai le réflexe de me débattre, mais je dois m'immobiliser. Je sens nettement l'objet suintant de sang contre mes côtes. Le message ne peut pas être plus clair et j'oblige mon corps à devenir docile.

Je n'arrive pas à croire que j'ai pu trouver cet homme bon, il est comme les autres.

— Salopard, grincé-je entre mes dents.

— Je peux trouver une autre utilité à ta bouche, si tu préfères, réplique Jack contre son oreille.

Je ne peux retenir un tremblement parcourir mon corps, mais je suis contente que la fumée l'empêche de voir mes yeux même si c'est réciproque. Je serre les dents, mais je le laisse m'emmener jusqu'à un box quelques mètres plus loin. Il prend ses aises sur le box après m'avoir jeter un coussin sur lequel je m'installe en me pinçant les lèvres. Je me retiens de cracher sur lui, de le traiter de tous les injures que je connais, mais quelqu'un s'approche de nous. Je tourne la tête et pour découvrir deux employés, un homme et une femme se présentent devant nous. Ils nous questionnent :

— Que peut-on vous servir, messire ?

Je louche sur les deux employés ; je peux les voir clairement, mais le reste non. L'homme ne porte qu'un pantalon moulant qui descend outrageusement bas sur ses hanches étroites et une sorte de collier ou bijou. Quant à la fille, elle porte un ajuste-corps très moulant dont la matériaux me rappelle du latex, mais il ne cache que l'essentiel. Je ne peux m'empêcher de rougir face à ce duo qui est plutôt beau, mais également mal à l'aise.

Un déclic se fait dans ma tête. Je sais où je me trouve et je n'aime pas ça. Je me trouve dans un de ses bras où on peut consommer n'importe quoi : alcool, drogue, élixirs magiques et mêmes êtres vivants. Il est évident qu'aucun des deux employés ne veut travailler ici, mais ils sont obligés. Tout ceci est illégal, même pour notre peuple, les Chtoniens.

— Noah, répondit le jeune homme.

— Alice, renchérit la fille.

— Une douzaine de shooters de votre meilleur whisky et je vous prends tous les deux.

Les deux acquiescèrent et ils s'éloignent, mais je n'en vois pas plus. Jack en profite pour glisser une main dans mes cheveux, mais je le repousse instantanément. Il fait une seconde tentative, sauf lorsque je le repousse une autre fois, il me saisit une poignée de cheveux. J'agrippe sa main en couinant de douleur, mais je me tais lorsqu'il me force à le regarder dans les yeux. Je sens quelque chose de doux et chaud se faufiler discrètement jusqu'à mon creux d'oreille, toutefois, je n'ai pas le temps de me pencher sur la question. Jack me gronde :

— Arrête de te battre contre moi, Ménade.

Il insiste sur le mot «Ménade», puis il m'oblige à coucher ma tête sur sa cuisse. Il reprend ses caresses dans mes cheveux, ces faux cheveux que je hais comme jamais à cet instant. Je tremble, j'ai envie de me débattre, or, une petite voix familière murmure :

Nous sommes surveillés.

Des larmes m'envahissent, c'est la voix de la Lanterne. Celle-ci pose une minuscule main derrière mon oreille, je crois qu'elle essaie de m'apaiser, mais rien n'y fait. J'ai vraiment eu peur que Jack soit sérieux, merde, moi-même j'ai été bernée par son jeu d'acteur, néanmoins, la colère prend le dessus.

Pourquoi ne m'a-t-il pas parlé de cette possibilité ? Pourquoi avoir fait toute cette scène, me traiter ainsi ? Je croyais qu'on était une équipe !

J'agrippe la jambe de Jack et j'enfonce mes ongles dans sa peau en représailles. Un coup d'œil vers le haut me montre qu'il n'a pas réagi. Au contraire, on dirait qu'il veut faire croire à tous que je me suis laissée apprivoiser, mais qui essait-il de convaincre ? A-t-il reconnu un visage parmi les clients ?

Mais alors, comment fait-il pour voir avec cette fumée ensorcelante qui empêche une sorcière comme moi de voir ?

Le retour des deux employés me donne un bon prétexte pour regarder autour de moi. Les deux tiennent entre leurs mains un petit plateau, Jack leur désigne la table face à lui.

— Alice, à ma droite, Noah, tu vas t'occuper de ma Ménade.

Les deux employés s'exécutent sans broncher. Ce qui n'est pas mon cas. Mon cœur s'agite, il bat plus fort et plus rapidement. Je ne sais pas ce qui se passait, je ne suis jamais venue mettre les pieds dans un endroit pareil.

Jack est mieux d'avoir un plan. 

Ô ! Lanterne, c'est pas le temps de me lâcherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant