17. Jack

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Point de vue Jack

J'enfile un shot. Je suis toujours en colère, mais au moins, l'alcool permet de calmer mon humeur massacrante. Je peux sentir tous mes tendons être crispé, c'en est presque douloureux. J'enfile deux autres shots, et je sens la tension baisser d'un cran. Je ferme les yeux et renverse la nuque contre la banquette, la chaleur m'envahit tout doucement. Un feu agréable s'enflamme dans mes tripes avant de se diffuser dans mon corps. Toujours comme dans le passé, cet endroit a un whisky d'enfer, un des meilleurs et des plus chers qui soit, un luxe de chez luxe. Sans me redresser, je tends la main et Alice me file un nouveau shot. Elle connaît bien son travail, j'espère qu'elle s'en sort bien.

Je tourne ma tête dans sa direction, nos regards se croisent et elle se penche vers moi. Elle cambre son dos et son décolleté pigeonnant devant moi, je devine de mes pensées la vue de ses reins et de son fessier. Je lui souris et je glisse mes doigts sur sa peau, la chair de poule répond à l'appel. Ses pupilles se dilatent, rétrécissant son regard d'un vert hypnotisant. Sa bouche s'entrouvre, elle tombe sur moi telle une vague et ses lèvres effleurent mon oreille.

Et elle murmure d'un son suave :

— Eh bien, Jack, je ne te croyais pas aussi suicidaire.

Mes doigts continuent sur leurs routes, glissant sur son habit et je pose ma main aux creux de son dos. Je me mets à rire silencieusement, caché par sa dense chevelure ondulée. Je penche la tête, mon regard trouvant le ciel ; ainsi positionné, nous aurions l'air de nous embrasser pendant un certain moment. Chacun de nous suit une vieille mélodie, nous sommes en diapason.

— Que veux-tu, j'ai eu de la chance de t'avoir au premier tour.

Alice se mordille qu'un bref instant sa lèvre inférieure, son regard pétille d'une joie à ma visite interdite. Après tout, l'interdit est toujours aussi excitant, surtout avec moi.

— Je peux rafler la mise sur toi.

— Je sais, Alice.

Je la repousse tout en douceur, elle s'assoit sur mes cuisses. Je récupère les derniers shots d'un plateau pour les ramener entre nous. La jolie nymphe dépose délicatement ses mains sur moi, elle s'étend comme une reine, en tout contrôle de la situation. Je suis plus que ravi qu'elle ait accepté aussi facilement de me rencontrer.

Je poursuis, nullement dérouté :

— J'ai besoin d'informations, et je ne serai pas bon joueur.

Alice parut totalement détendue, mais son regard durcit à mes mots. Je soutiens son regard, totalement au-dessus de son avis et elle finit par me lancer, surprise :

— C'est si sérieux ?

J'acquiesce et ma vieille connaissance vient picorer mon cou de baiser.

— Mais pourquoi es-tu avec cette fille ?

Alice désigne d'un léger mouvement en direction d'Andreia.

— Et le gamin ? la questionné-je comme réponse.

Elle fusille mon regard, puis d'un mouvement du poignet, la brume s'épaisse à son commandement. Celle-ci est si dense qu'elle nous ferme du reste du monde ; le bruit, les odeurs et la chaleur de l'endroit. Je soupire :

— Je déteste ta boutique.

— C'est ça, l'anarchie, mon chérie.

Alice s'élance et atterrit sur un nuage condensé qu'il n'était pas là une seconde plus tôt. Elle fait apparaître une cigarette marine magique, mais grosso modo, c'est une vapoteuse adaptée à la nature des nymphes.

— Bon, qu'est-qui est si important que tu oses refoutre les pieds ici ?demande Alice, réellement soucieuse. Le patron veut encore te descendre.

— Ça arrive souvent avec ceux qui peuvent me supporter, c'est-à-dire mes copains.

— T'as pas de copains, Jack.

— Je peux me lever sans être maltraitée ?

Je baisse les yeux vers Andreia, un objet contre l'intérieur de ma cuisse, je crois qu'elle a trouvé ma veine fémorale. Je la regarde et je me rappelle l'altercation et j'assène méchamment :

— Je t'ai sauvée le cul, idiote. Tu n'as pas vu qu'il avait plusieurs opposants ?

— Je contrôlais la situation, se justifie-t-elle spontanément.

— Je dis ça aussi quand je merde, Andreia.

— Andreia, dérivé de andros du portugais. Bravoure. Je le confirme.

La concubine regarde Alice ahurie et c'est hilarant à voir. Je ris.

— Merci de nous avoir sorti du terrier de l'ignorance.

—T'es pas gentil, Jack, se plaint la nymphe en souriant largement et elle s'adresse à la femme à mes pieds. Eh bien, j'ignore qui tu es, mais le sort d'illusion dont tu te sers est dès plus bluffant.

Andreia roule des yeux et réplique :

— Ce n'est pas grand chose face au succube, comme Lilith, ni à toi.

Son ton était cinglant, limite méprisant à l'égard d'Alice. Un blanc s'installe, il est lourd. Elles se fusillent du regard. Je fronce les sourcils, je ne suis pas sûr de comprendre la situation. Pourquoi Andreia est-elle jalouse ? Je le sens, mais je ne comprends pas, Andreia n'avait réellement rien à envier à Alice ?

— Andreia ?

Elle ne me lance même pas d'œillade, elle se contente de me dire :

— Enlève les chaînes, Jack O'Lantern.

Ma mâchoire se crispe, je sais que je venais de foutre en cendre le peu de confiance qu'elle avait en moi. La ruelle où Lanterne l'a terrorisée, la rencontre avec ma famille de Feu Follets et les excuses qu'elle m'a dit, j'ai tout balayé. Je n'avais plus eu trop le choix, elle a pris un risque idiot. Ici, une Ménade en pleine crise peut être le prétexte pour être maîtrisée et récupérée par des guildes de trafic d'êtres, ici, les alliés sont indispensables pour survivre à une bataille.

Mon déguisement me permet de faire un usage excessif de mon egeiro sans que quiconque ne soit méfiant à mon égard, après tout, personne ne cherche des noises à des faes sans être préparé.

Expérience à l'appui.

— Tu vas devoir les remettre pour quitter l'endroit, petite, explique Alice avec nonchalance. C'est plus prudent pour vous deux.

— Et pourquoi, la nympho ? s'énerve Andreia pour pointer son arme sur la concernée plutôt que moi.

Je sens de la tension dans l'air et je confirme l'information :

— Elle a raison, il suffira que de monter à l'étage avec Alice, nous aurons une pièce privée et tu pourras nous sortir d'ici. Si nous disparaissons, nous allons mettre en danger Alice et Ban.

Ban est resté silencieux tout le long. Il s'est occupé de soigner Andreia, surtout vu l'état dans lequel elle s'est mise. Je me penche vers elle et je regarde son visage, à la recherche de traces de son agression. Je sais que j'ai été brutale, j'étais énervé, mais merde, je ne peux rien y changer. Oui, je devais faire croire à tous que j'étais dangereux, même pour elle. Il y aurait pu avoir sur place des gens capables de lire les pensées, les émotions ou les auras. Il fallait que je convainc à tous les témoins que j'étais pour prendre en situation la Ménade.

Il est préférable de passer pour un fou ; on ne s'approche pas des fous, même dans ce bas-monde.

Je me tourne vers la nymphe, laissant Andreia faire son choix ; ma famille est danger, je n'ai pas de temps à perdre.

— Alice, que sais-tu sur celui qui traque les miens, la questionné-je sans préavis.

L'ambiance s'alourdit, une tension presque électrique se fait ressentir. La femme étendue sur son nuage ne bouge plus, son regard est absent.

Me crachera-t-elle la vérité ? 

Ô ! Lanterne, c'est pas le temps de me lâcherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant