28. Andreia

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Point de vue d'Andreia

Je suis loin dans mes pensées, imbriquée dans une boucle temporelle dont je suis la seule responsable. Le bruit de la Cité et des gens qui circulent autour de moi me parviennent si difficilement, mais je ne trouve pas la force de me sortir de cette torpeur.

Je ne perçois que mes mains qui tiennent ses mèches blondes, ces faux cheveux dont la ressemblance vient de Lilith. J'ai toujours envié sa crinière soyeuse aux fils fins d'or blanc, si différente des miens. Deux visions se bousculent et se confondent dans ma tête, la réalité sur laquelle je n'ai aucune emprise et la douloureuse illusion qui m'offre un répit, mais qu'est-ce un répit face à l'immuable ? J'ai beau mettre un masque, me cacher sous des fausses apparences, je ne peux pas changer qui je suis.

Voilà pourquoi je hais autant mes cheveux.

Quelqu'un me bouscule et je tombe au sol. Étrangement, aucune colère ne m'envahit, je me laisse seulement tomber au sol telle une loque. J'entends quelqu'un me parler, on me demande si je vais bien, mais je ne réponds rien. Je n'en ai pas le force, j'ignore quoi leur répondre. Leur malaise m'effleure, je n'ai pas besoin de voir leurs yeux pour y entendre la pitié.

Finalement, on me laisse là, au sol lorsque la pluie se met à tomber. On pourrait trouver curieux qu'il puisse pleuvoir dans l'Intramonde, ce monde sous la surface de celui des humains, mais il peut pleuvoir. Il y a une atmosphère, une source de lumière similaire au soleil qui est rythmée avec la course du Soleil et de la Lune. Le grondement d'un éclair se fait entendre, mais celui-ci restera prisonnier des nuages. Le contact par millier de l'eau me paraît glaciale et je ne bronche pas.

Revoir mes consoeurs, devoir faire face à mes émotions et au passé que je fuis depuis plus de 10 ans, je suis submergée. Faire semblant, ignorer les pensées traitresses qui m'envahissent, je ne peux plus. J'ai beau me convaincre, je peux bien me répéter que je n'ai besoin de personne, que je suis assez forte, que j'accepte le plus beau et le plus laid en moi : là, je suis épuisée.

Si épuisée d'être forte, de repousser la noirceur qui habite dans chacun de nous. Cette noirceur insondable n'a pas de couleur malgré la description, mais elle n'est pas tangible, du coup, on n'a pas d'emprise. Ça me rappelle un document que j'ai déjà vu sur des marais extrêmement dangereux.

Ces lieux sont recouverts en surface d'une végétation dense, mais le sol est extrêmement instable et mou. On peut voir une belle mousse et si on saute, on peut voir la surface s'agiter. C'est marrant, et j'aime appuyer mon poids sur cette zone. L'odeur de marais et d'eau stagnante me parvient, mais je m'amuse étrangement. Je vois la surface du sol remuer, j'appuie plus fort et je sens ma main s'enfoncer : le sol n'est plus mou, il est soudainement liquide.

Une alarme sonne en moi, mais elle me semble si lointaine. Non, ce n'est pas une alarme, c'est une voix... Je trouve qu'elle a un côté chansonnier cette voix-là.

À qui appartient cette voix ?

Je bouge ma tête, mais tout me semble plus difficile comme si je me trouvais dans une glue, de la gélatine. Je vois un portail derrière moi, c'est moi qui l'ait ouvert ? Je reconnais les contours d'une rue de la Cité de la Purge, mais je ne sens pas les odeurs de pierre et de vent frais, non. Il n'y a qu'une odeur de végétation en décomposition, ni agréable ni désagréable, et une personne se dirige vers moi. Je crois reconnaître l'homme, mais je n'en suis pas sûre. Une peur me tord les tripes, et instinctivement, je veux refermer le portail que j'ai ouvert.

À mesure qu'il s'approche, je vois la panique dans son regard, il crie, mais je ne l'entends pas... Du moins, je ne l'entends pas avec des mots physiques, mais internes. Je ressens quelque chose s'agiter en moi ; des émotions, je le sais maintenant c'est mes pouvoirs qui sont en causes.

Pourquoi déjà ?

Je sens ma main s'enfoncer dans la gélatine du marais jusqu'au coude et même plus, mais mon regard continue de regarder cet homme. Son regard noisette me parle, je le connais. Je ralentis la fermeture du portail alors que mes émotions se clarifient.

Ce n'est lorsqu'il passe le portail qui l'élastique claque et que je reprends conscience. J'étais dans un état second, je ne contrôlais plus rien et là, je disparais sous la végétation.

Je vois de véritables ténèbres, l'eau me submerge et là, je panique pour vrai. Vais-je mourir une seconde fois ?

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Un chapitre très court, mais bon, il fallait que ce soit Jack qui vous raconte la suite ;)

Ô ! Lanterne, c'est pas le temps de me lâcherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant