[recueil en cours, publication aléatoire]
"L'idée sans laquelle aucun bouquet n'existerait." - LouEffect
/!\ Je tiens à préciser que ces textes m'appartiennent, je ne tolérerai aucun plagiat (partiel ou non). Je prendrai les mesures nécessaires si c...
NDA : J'ai récemment vu le film 'Tu ne tueras point' et, outre le fait que c'est un pur chef-d'œuvre de 2H, il fallait que j'écrive dessus. Si vous n'avez pas vu ce film, foncez. Il est exceptionnel.
Univers : Tu ne tueras point (2016, par Mel Gibson)
Titre alternatif : aucun
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La première fois qu'il la vit, elle descendait de l'arrière d'une voiture, accompagnée d'une petite dizaine de soldats. Outre le fait qu'elle fût une femme, son uniforme la différenciait des autres. Elle était d'un rang supérieur au sien, et il n'en fut pas le seul surpris.
Alignés au garde à vous, les soldats de la 77è Division d'Infanterie patientaient.
Le sergent Howell et le capitaine Glover s'étaient éloignés, s'approchant de la voiture qui venait de traverser le camp. À son bord résidaient une petite troupe de soldats armés, la tête basse.
Chaque membre de la 77è savait qu'ils revenaient du front, et que les dégâts étaient importants. Mais ils ne poseraient pas de questions, car ils savaient ce qu'était une guerre, et le prix qu'il y avait à payer.
Ils observèrent donc en silence les soldats quitter le véhicule et se mettre au garde à vous devant leurs supérieurs. Seul l'un d'entre eux ne quitta pas sa place à l'arrière de la voiture. La tête dans les mains, il ne réagit que lorsque le capitaine Glover vint s'asseoir à son côté. Ils eurent une courte discussion et, finalement, l'inconnu se leva. Il suivit Glover devant les soldats et s'adressa à eux longtemps, comme si c'était la première fois qu'il leur parlait depuis les horreurs d'Okinawa.
Et alors que l'agitation commençait à se répandre parmi la 77è, les nouveaux arrivants furent autorisés à rejoindre leurs couches.
Sergent et capitaine accompagnèrent finalement le dernier soldat jusqu'à leur division, échangeant quelques mots. Le pauvre boitait, mais semblait refuser l'aide de ses interlocuteurs. Et plus il s'approchait des soldats en devenir, plus ces derniers pouvaient contempler les marques qu'avait laissé la guerre sur lui. Un lui qui s'avéra être une femme d'une vingtaine d'années, mais dont le regard s'illuminait d'une expérience bien plus grande.
Enfin, le capitaine Glover s'adressa à sa division : « Messieurs, laissez-moi vous présenter le colonel (nom). Elle était à la tête de l'Unité spéciale sur Hacksaw Ridge au Japon. » Appuyée sur sa jambe valide, la jeune femme ne dit rien. Elle était fatiguée, et participer à l'entraînement de jeunes recrues n'était pas ce qu'elle avait prévu de faire à son retour aux US. Glover continua : « Ne vous laissez pas avoir par son genre, (prénom) est colonel et vous ne pouvez que rêver d'accomplir autant qu'elle en deux ou trois vies. » À cette remarque, le colonel roula des yeux, le fantôme d'un sourire aux lèvres. « Je pense qu'ils ne sont pas idiots, Jack. Ils sauront montrer le respect qu'ils doivent à leurs supérieurs. » Glover tourna vers la plus petite un regard amusé. Ils avaient combattus côte à côte et se connaissaient bien. « On n'est jamais trop prudent. » Prenant soin de ne pas défaire ses bandages en glissant ses mains dans ses poches, le colonel fit un pas en avant. « Quoi qu'il en soit, ces deux vieilles branches veulent que j'assiste à votre entraînement. Je vous demanderai simplement de faire comme si je n'existais pas et de donner le meilleur de vous-même. » S'attirant des sourires pour son franc parler, elle autorisa le sergent Howell à prendre la parole. Celui-ci s'avança à son tour. « Vous l'avez entendu bande d'idiots, on se bouge le cul ! Et plus vite que ça ! » La 77è s'activa alors, et le colonel ne prononça pas un mot de la matinée.
Lorsque vint l'heure de manger, soldats et instituteurs rejoignirent le self. Seuls le capitaine Glover et le colonel (nom) ne participèrent pas au repas. Les soldats les virent rejoindre les bureaux, endroit qu'ils ne quittèrent pas du reste de la journée.
« Eh sergent ! » Smitty Ryker, sûrement le meilleur élément de la 77è, sentait sa curiosité le démanger. « Un problème, soldat DuCon ? » Howell, accompagné du caporal, était assis en bout de table et s'apprêtait à entamer son repas. Ryker s'humecta les lèvres avant de parler. « Comment une femme est-elle entrée dans l'Armée des États-Unis ? » De nombreuses têtes se levèrent à cette question. Tous étaient curieux d'en apprendre plus sur le parcours de leur supérieure.
Le sergent Howell échangea un regard avec le caporal, silencieux. Lui-même ne connaissait pas tous les détails car l'histoire du colonel était de celles auxquelles on ne croyait qu'à moitié, tellement son lot de bizarreries était important.
Avec un souffle résigné, il posa sa fourchette dans son assiette de ragoût. « Disons qu'elle a passé un certain temps dans une prison militaire avant d'obtenir la clémence du conseil. » Ce n'était pas Howell qui avait prononcé ces paroles, et tous se retournèrent vers le nouvel arrivant ; le capitaine Glover. Il ignora les regards le suppliant de continuer et attrapa deux assiettes de ragoût avant de faire demi-tour.
Derrière-lui, chacun fut forcé de reprendre son repas, ils n'en sauraient pas plus pour le moment.
Lorsqu'il la revit, il se trouvait au bas de Hacksaw Ridge, une cigarette entre les lèvres. Il l'observait du coin de l'œil, immobile et silencieuse. Il ignorait alors que ce serait la dernière fois qu'ils se tiendraient côte à côte.
Pinçant une cigarette entre ses lèvres, la jeune femme attrapa le briquet que lui tendait Glover. Elle alluma le tube de tabac et rendit l'objet à son propriétaire, le gratifiant d'un signe de tête reconnaissant. Le capitaine hocha la tête en retour et s'approcha des plans qui leur servirait à mettre en place une stratégie.
« Smitty Ryker ? » Tirant une taffe de sa cigarette, elle tourna la tête vers lui. Une cicatrice barrait son nez, mais elle gardait l'élégance d'une femme. Surpris qu'elle adressât directement la parole, le soldat redressa le dos. « Oui, colonel. » La jeune femme hocha la tête, le fantôme d'un sourire aux lèvres. « D'après Howell, t'es le meilleur élément de la 77è. » Smitty ne répondit rien. Le colonel reprit : « Là-haut, vous devrez tous faire face au plus grand des obstacles. » Fronçant les sourcils, le soldat raffermit sa prise sur son arme. « Les japonais sont-ils si redoutables ? » La jeune femme tira une taffe de sa cigarette. « Oui. Mais ce n'est pas de ça que je veux parler. » Elle leva le regard sur le falaise, pensive. « Là-haut, tout est différent. La perception des distances, l'ambiance, les Hommes... » Dans sa bulle, insensible au reste du monde, elle continua : « Sur le champ de bataille, ton plus grand adversaire, c'est toi-même. » Sous les yeux ébahis de son cadet, elle tira la dernière taffe de sa cigarette et la jeta au sol, l'écrasant sous sa semelle. Avec une tape dans le dos, elle le gratifia d'un sourire. « Ton seul objectif là-haut, c'est pas de tuer les Japs. C'est de survivre un jour de plus. »
Elle fit quelques pas avant de se retourner. « Si tu tiens jusqu'à ce qu'on redescende, je t'offre un verre. » Muet comme une carpe, mais motivé à bloc, Smitty tira sur sa propre cigarette, un léger sourire aux lèvres.
Malheureusement, des deux combattants, seule le colonel survécut à la bataille.
Et ce fut sur la tombe du soldat Smitty 'DuCon' Ryker qu'elle but le verre promis.
