Un jour, j'irai à New York avec toi (1/3)

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Sinnerman - Felix Da Housecat's (Heavenly House Mix), Nina Simone.

12 Décembre.

Cette fois, j'y suis !

Après six mois à cravacher dans un restaurant miteux – le seul qui a daigné m'embaucher –, trois autres de formation intensive afin de décrocher le CCA, une journée de sélection aussi drastique que pour intégrer les services secrets (comprenant des tests psychotechniques, psychologiques et plusieurs entretiens avec des recruteurs dont le seul but est de vous faire craquer) et encore des semaines de stage, j'y suis : sur le point de réaliser mon rêve. M'envoler en tant qu'hôtesse de l'air pour la compagnie nationale. Enfin, de nos jours, on dit PNC : pour « personnel navigant commercial ».

Hôtesse de l'air, c'est désuet, ringard... Le terme ne recouvre plus les réalités du métier d'aujourd'hui. Cela fait des lustres, au moins depuis la séparation des Beatles, qu'on ne se contente plus d'accueillir, ou de servir les passagers. On veille avant tout à leur sécurité, même si dans l'esprit de beaucoup de gens, cet aspect reste largement sous-évalué.

J'aimerais pouvoir dire que mes parents m'ont encouragée dans ce choix de carrière et qu'ils sont fiers de moi à présent... Mais on serait loin du compte : ils m'ont coupé les vivres dès l'instant où j'ai quitté la fac de droit !

Dans ma famille, la nouvelle passe mal. À la maison, le leitmotiv a toujours été « exigence ». Il semble maintenant clair que le métier d'hôtesse de l'air ne colle pas à la définition du mot selon mes parents. Mais, peu importe. À l'heure actuelle, je me sens trop excitée pour me laisser parasiter.

Je me trouve à l'aube de ma nouvelle vie, dans le saint des saints : la salle de briefing. La dernière étape avant notre envol. Autour de moi, les autres hôtesses et stewards sont assis sur des chaises disposées en arc de cercle. Les deux chefs de cabine viennent de faire leur entrée. Suit de près la cheffe de cabine principale. Je la reconnais aux deux galons argentés accrochés sur sa veste. Le trac et l'impatience me nouent l'estomac.

À ma droite, Oli me décoche un sourire qui semble vouloir dire : « Attache ta ceinture, ça va être de la folie ! ».

Pour tous les deux, c'est notre premier vol en solo (sans supervision, j'entends). On s'est rencontré lors de la sélection. Ce matin-là, j'avais la nausée et les mains qui tremblaient. J'étais en panique totale à l'idée de me planter. Un échec aurait signifié un an d'attente avant de pouvoir repostuler, et donc un an de plus à trimer comme serveuse dans une gargote... une perspective qui m'horrifiait d'autant plus que j'imaginais la réaction de mes parents ! Jamais nous n'aurions cru que tu tomberais si bas, Laurine...

Heureusement, Olivier était là. Avec un simple sourire, il m'a tendu un bonbon à la menthe. Sur le coup, je me suis demandé si mon haleine l'indisposait, ou s'il avait juste décelé ma nervosité. Il m'a alors dit de souffler un grand coup et j'ai penché pour la deuxième option. Parce qu'à moins d'être maso, personne ne demande à quelqu'un qui pue du bec d'exhaler son air fétide. Je l'ai remercié et il a commencé à me raconter des blagues pour détourner mes pensées de l'interminable attente qui suivait le test d'anglais. Puis, lors de l'entretien de groupe, il s'est arrangé pour me donner la parole à plusieurs reprises. J'étais encore trop stressée pour m'exprimer spontanément, de peur de raconter des sottises et de me disqualifier. Mais, au pied du mur, je me suis fait violence. Après tout, ce n'était pas la première fois que je prenais la parole en public. En arborant mon plus beau sourire – le plus crispé, aussi –, j'ai avancé des arguments censés étayer le point de vue d'Oli sur le projet absurde qui nous était soumis.

Résultat des courses : j'ai été retenue, lui aussi et les trois autres candidats de notre groupe ont été éliminés...

Depuis ce jour, Oli et moi, on ne s'est plus quittés : on a suivi la même session de stage commercial et de qualification avion. Et dire qu'aujourd'hui, après tant de soirées passées à réviser, de fous rires et autant de crises de nerfs, on va faire nos premiers pas dans le ciel, ensemble... J'ai encore peine à le croire !

Ciel, Amour et TurbulencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant