Lau-Li-Ta (2/3)

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Moi... Lolita - Alizée

— Et voilà ! C'est ma tournée, annonce Armand en déposant un gigantesque plateau sur notre table.

Trône dessus un nombre incalculable de shots surmontés de rondelles de citron. Au centre, il y a aussi un petit tas de poudre blanche. Non, pas de la coke. Du sel ; pour un tek paf. Ou dix, vu la quantité.

Chose à noter : j'ai horreur de la tequila. Ça remonte à ma première cuite, en Terminale. Rien que de regarder les verres remplis, ça me file la nausée.

En fait, je suis dans cet état depuis qu'on est entré et que j'ai découvert la disposition des lieux.

Coincée sur la banquette entre Oli et Armand, je tente de me faire oublier. Pendant que les autres parlent, je surveille avec nervosité ce qui se passe au premier plan.

Sur scène, un employé du bar anime la soirée, semblant par ailleurs prendre son rôle très à cœur. Il distribue le micro à qui le veut, et entre chaque prestation, il y va de son petit commentaire, cherchant à ambiancer la salle. Enfin... c'est ce que j'imagine, puisque je ne pige pas un mot : il s'exprime en japonais.

Quoi de plus logique ? À l'exception de notre groupe d'intrus, la clientèle est exclusivement locale. Je devine à leurs tenues – costumes et tailleurs – qu'il s'agit en majorité de collègues venus se détendre après le travail. Comme nous, finalement.

Ceux assez braves pour s'aventurer sur scène chantent dans leur langue, donc même les musiques, je ne les connais pas, ni n'en comprends les paroles.

Une de plus s'achève – l'accueil du public est mitigé – et l'animateur remonte sur scène tandis que l'artiste en herbe en descend. Il s'égosille alors avec ferveur dans le micro. Plus le temps passe, plus il paraît survolté.

Et ivre.

Il tend le micro en direction de l'assistance et je détourne vivement les yeux. Erreur monumentale. Cette dérobade a attiré l'attention du prédateur à mes côtés qui bondit de la banquette comme un ressort et pointe ma tête avec l'index :

My friend ! She wants to sing !

Forcément, un grand dadais étranger qui s'exprime en anglais, ça interpelle. Et puis, c'est Armand ; un beau dadais.

L'animateur a un immense sourire. Poisse totale, lui aussi parle anglais :

Oh really ?

Je réponds alors avec des gestes désespérés.

No, no. I'm OK, here...

Mais Armand refuse de céder. Il m'attrape sous les bras pour que je me lève.

— Yes, she wants !

Quelle raclure !

Je fais en sorte d'être aussi lourde que possible – un poids mort – malheureusement, il a la force de me soulever.

De me relever*, je veux dire.

Je me retrouve donc debout, à faire des simagrées comme une pauvre idiote afin qu'on me laisse tranquille. Mais le gars sur scène s'obstine, bien entendu :

Where are you from ?

France. Paris, précise Armand.

Et au sourire du Nikos Aliagas nippon, je devine que rien ne peut plus me sauver de l'échafaud.

— Greaaaaaaat ! Come, come...

Et les autres en rajoutent :

— Allez, file ! m'ordonne presque le CCP comme si on était en service.

Ciel, Amour et TurbulencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant