Tokyo, mon amour (1/2)

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Voyage Libre - Thievery Corporation, Lou Lou Ghelickhani

30 mars.

À cette heure indue, même le soleil n'a pas encore daigné se lever.

La Cité PN est pourtant déjà une véritable fourmilière. Une centaine de costumes et de robes bleu marine ont envahi l'atrium, parfois désert à d'autres moments de la journée. Le bruissement indistinct de bavardages, émaillées de rires et d'interpellations, flotte autour de moi tandis que je me fraye un passage.

Les échanges que j'arrive à saisir au vol me remettent directement dans le bain.

— Oh, ça faisait longtemps ! Tu pars où ?

— Vancouver ! 4 ON.

— La chance ! Moi, Dallas. (Ça souffle d'exaspération.) Ouais, encore. Il y a deux semaines, c'était Houston. Je n'en peux plus !

— Ma pauvre... Allez, ça va passer vite. Télécharge des bouquins sur ta liseuse pour t'occuper et... commande McDo !

Rire aigre de l'intéressée.

— Je vais exploser à force.

S'il y a foule de bon matin, la raison est simple : les vols long-courriers de la compagnie décollent du Hub de Roissy par vagues successives, concentrées sur six plages horaires. Afin d'éviter qu'ils ne partent à moitié vides, ils sont alimentés en passagers par les vols moyen-courriers arrivant des quatre coins de l'Europe de façon coordonnée.

C'est ainsi qu'Air Liberté parvient à piquer des clients à la Lufthansa et la British Airways – les autres majors européennes. De même que ces dernières cherchent à attirer les passagers sur leurs plateformes de Francfort, Munich et Heathrow.

Dans le ciel encombré, c'est une guerre commerciale sans merci que se livrent ces trois sœurs ennemies.

Ici, la première salve de long-courriers s'apprête à s'élancer à la conquête du monde. L'agitation est maximale au Forum. On fait la queue devant les ordinateurs pour pointer.

Quand c'est mon tour, je pousse un soupir de soulagement.

Bienvenue, Laurine Vasseur.

Rendez-vous salle Caravelle pour briefing : vol NRT de 6h25 UTC.

Mon badge fonctionne, l'appel d'hier n'était donc pas un canular. Me voilà rassurée. Je cède ma place au steward derrière moi et me dirige vers la salle en question, non sans stress.

Qui sait quel genre de mise à l'épreuve la compagnie me réserve...

Lorsque je découvre les deux nigauds qui m'attendent dans le couloir, je ne peux prétendre être étonnée. J'ai vu leurs noms sur la liste de l'équipage en consultant mon planning hier. Oli et Armand sont tout sourire. Et d'après leurs expressions satisfaites, j'ai la forte intuition qu'ils ne sont pas étrangers à ce retournement de situation inespéré.

— J'aurais dû m'en douter...

— Je mourrais d'envie de te le dire, l'autre jour ! piaille Oli, excité comme une puce. Mais rien n'était vraiment acté avant hier, alors...

Il coule un regard vers Armand ; l'instigateur de cette manigance, je suppose.

— Je te le ferai tout de même payer, crois-moi ! T'as intérêt à surveiller que je ne verse rien dans ton café...

Nous nous esclaffons tous les deux, puis je reprends :

— Ce qui m'intéresse maintenant, c'est de savoir comment vous êtes parvenus à convaincre la compagnie.

Ciel, Amour et TurbulencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant