Un jour, j'irai à New York avec toi (3/3)

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Extreme Ways - Moby

Le vent glacial de décembre, accompagné d'un crachin qu'on pourrait penser breton, me cinglent le visage. Je resserre mon long manteau contre moi en frissonnant.

Un à un, nous montons l'escalier étroit qui mène à la passerelle reliée à l'avion. Nos valises en soute ont déjà été triées et chargées, nous ne conservons que nos petits bagages dans la cabine.

— À tout à l'heure les jeunes ! nous apostrophe Sophie.

— À demain, plaisante Oli.

Nous ne travaillerons pas ensemble, puisqu'avec Karine elles officieront en classe affaires.

Dans un balai millimétré, chacun rejoint son poste et entame les vérifications d'usage. En un temps restreint et en suivant le plan d'armement, je m'assure de la présence dans ma zone de tous les équipements de sécurité, qu'ils sont en nombre suffisant et en bon état. Extincteurs, cagoules de protection respiratoire, gants ignifugés, lampes torches, gilets de sauvetage, mégaphone, ceintures bébés, défibrillateur, trousse de premiers secours... Tout y passe !

Je veille également à ce que les interphones fonctionnent dans les deux-sens - qu'on puisse m'appeler, mais aussi que l'on reçoive mes appels à l'avant de la cabine. L'éclairage d'urgence est testé partout dans l'avion, jusque dans les toilettes. En même temps que nous effectuons ces contrôles de sécurité, nous procédons à des vérifications de sûreté. C'est à dire, qu'aucun objet suspect n'ait été introduit à notre insu : sous les sièges, dans les pochettes ou les coffres à bagages, et même à l'intérieur d'un four.

Comme on nous l'apprend pendant la formation : un individu mal intentionné n'a besoin de tromper notre vigilance qu'une seule fois, là où nous devons être constamment en alerte.

Depuis le 11 septembre 2001 - période que je suis trop jeune pour avoir connu, cependant - les mesures de contrôle ont été sévèrement renforcées. Maintenant, la porte du cockpit est même blindée afin de résister à des impacts de balles. Rassurant, n'est-ce pas ?

Lorsque je me relève après avoir terminé mon inspection, je suis tout essoufflée ; ça doit être le stress. Des mèches rebelles se sont échappées de mon chignon banane.

— Tu as terminé ? me demande gentiment Thierry.

D'un œil avisé, il est en train de compter les cassolettes, ainsi que les prestations équipage. D'après ce que j'ai entendu, une erreur dans le chargement hôtelier n'est pas si rare. Et personne n'a envie de prendre le risque que des clients se retrouvent sans repas durant près de huit heures de vol...

Ils risqueraient de mordre.

— Oui, checks sécurité-sureté OK !

— Pareil ici ! renchérit Oli, de l'autre côté de l'allée.

Les autres membres d'équipages en éco donnent tour à tour confirmation et Thierry informe Myriam via l'interphone que nous sommes prêts pour l'embarquement. La cabine affaires a été plus rapide que nous, car la CCP s'exclame immédiatement au micro :

— Premiers PAX dans deux à trois minutes.

PAX, pour passagers, bien entendu.

Un dernier regard dans le miroir des toilettes et je me poste à ma porte, prête à les accueillir.

Quand on y pense, ce métier est une vraie représentation de théâtre. On revêt notre costume (l'uniforme) pour interpréter un rôle (celui d'ambassadeur de la compagnie). À partir du moment où les spectateurs (clients) arrivent, on se met en condition et on monte sur scène. Alors, on est plus totalement soi-même. On devient une figure rassurante, quelqu'un sur lequel on compte pour résoudre les problèmes où lorsqu'une urgence survient.

Ciel, Amour et TurbulencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant