Everybody's Talkin' - Harry Nilsson
Si la température m'avait semblé basse à Paris, ici, elle est tout bonnement polaire. Les rafales glaciales qui s'engouffrent entre les gratte-ciels font couler mes yeux. J'ai l'impression que mon nez et mes oreilles vont tomber. De petits nuages de vapeurs évanescents s'échappent de nos bouches tandis que nous évoluons parmi la foule pressée et marchons entre ces files ininterrompues de véhicules.
Il fait si froid que je me crois presque dans « Le Jour d'Après », au cœur du cyclone. Celui qui gèle les gens sur place...
Le pire, c'est que je suis la seule à souffrir. Armand ne semble pas gêné plus que ça par le blizzard. Il a noué son écharpe autour de son cou et enfilé de jolis gants en cuir marron. Quant à moi, je me contente de garder les mains bien enfoncées dans mes poches afin de ne pas perdre un doigt.
Sur le chemin qui nous mène au grand magasin d'Herald Square, nous venons de traverser Times Square, à deux pas de l'hôtel. C'était grandiose ! Tellement d'écrans géants, tellement d'informations, d'images et de publicités, que je ne savais même plus où regarder. Ça m'a rappelé mon voyage à Londres, il y a quelques années, quand je suis allée à Piccadilly Circus. En carrément plus impressionnant, cela dit !
— On arrive bientôt ?
À la base, j'avais prévu de me servir de mon téléphone pour m'orienter puisque je dispose maintenant d'un forfait international, mais Armand démontre ici son utilité : il fait office de GPS sur pattes. Pratique. Ça m'évite des engelures aux doigts !
— Presque !
Et en effet, après quelques minutes de marches ponctuées par un silence embarrassant entre nous, j'aperçois enfin le grand carré rouge de l'enseigne. Une horloge ancienne et dorée surmonte la devanture, et des fleurs roses habillent la façade art déco.
Je soupire d'aise dès que je franchis les portes : le chauffage fonctionne ici à plein tube. Le choc thermique rougit aussitôt mon visage, et cette sensation de chaleur s'étend bientôt à tout mon corps.
Comme je m'y attendais, l'endroit est immense – d'où le terme de « grand magasin ». Mais il n'a rien d'extraordinaire du point de vue architectural. En tout cas, c'est nettement moins majestueux que les Galeries Lafayette Boulevard Haussmann, connues pour la coupole et ses célèbres vitraux. Néanmoins, ce n'est pas l'intérêt historique qui m'amène ici ; plutôt la perspective de faire de bonnes affaires. Les articles des marques américaines sont évidemment vendus moins chères qu'en Europe, et le taux de change reste avantageux, même s'il l'euro s'est récemment déprécié face au dollar.
Sur les panneaux d'affichage, je cherche des yeux le rayon qui m'intéresse et une fois repéré, je grimpe l'escalator, Armand sur mes talons.
— Tu ne veux pas regarder des trucs de ton côté en attendant ? On pourrait on se retrouver en bas.
Il secoue la tête d'un air dégouté en détaillant le stand Levi's qui s'éloigne.
— Non, je n'achète rien ici. Les tailles US, c'est affreux, mal coupé...
— Ah oui, il faut de la haute couture pour Monsieur...
— Juste pas des chiffons, merci.
Bon, eh bien que je vais me le coltiner jusqu'au bout.
Heureusement que ce ne sont pas des petites culottes que je compte acheter... Quoique ça pourrait l'intéresser, j'en suis sûre !
Le deuxième étage est consacré à la mode féminine. Et il y a l'embarras du choix : toutes les marques de renoms sont présentes et rivalisent d'ingéniosité pour attirer l'œil des clients. Couleurs vives, lumières pétantes, vendeurs en ordre de bataille... À travers le flot de touristes, je me fraye un passage jusqu'au corner Michael Kors, pris d'assaut.
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Ciel, Amour et Turbulences
RomanceElle, est hôtesse de l'air. Lui, est pilote de ligne. Entre eux, il y a bien plus que cette porte blindée qui sépare la cabine du cockpit. Il y a surtout... un immense fossé. Laurine est discrète ; Armand a le monde à ses pieds. C'est simple : ils...