Queen of Disaster - Lana del Rey
— Non, toujours pas, renâcle Éric.
— Ah ? Et pourquoi – cette fois ?
C'est déjà la troisième que je m'échine à discipliner ma crinière et qu'il juge que « ça ne va pas ».
— Le chignon est encore trop volumineux.
— Je n'y peux rien, mes cheveux sont épais !
— Il faudra les couper dans ce cas.
— Certainement pas, rétorqué-je en rentrant à nouveau dans les toilettes.
Rageusement, j'arrache les épingles de ma tignasse.
Ce type est infect, pensé-je en fusillant mon reflet dans le miroir comme s'il était responsable de la situation. Quand j'y repense, j'aurais dû accepter d'être placée en réserve. On m'aurait sûrement programmé un autre vol d'instruction et je me serais évité et la compagnie d'Éric et celle d'Armand...
Bref, il est trop tard maintenant.
À bout de patience, je noue ma chevelure en une longue tresse qui m'arrive entre les omoplates. Puis je ressors.
— C'est mieux ?
— On s'en contentera, me dit-il avec le sourire faussement aimable du cadre zélé. Cessons maintenant de perdre du temps, allez plutôt en cabine. Les premiers clients embarquent. Je compte sur votre proactivité.
Je lui réponds sur le même ton doucereux, mais dans ma bouche cela sonne plutôt insolent.
— É-vi-de-mment.
Limite foutage de gueule, j'avoue.
— Ah, une dernière chose !
Je me retourne à demi, craignant un retour de flamme.
— Oui ?
— Ce rouge à lèvres ne convient pas. Il est trop clair, ajoute-t-il avec un air de pinailleur qui énerverait jusqu'au Dalaïlama.
— Je croyais que les teintes naturelles de rose étaient autorisées.
Il secoue la tête, son expression n'est que morgue et suffisance.
— Privilégiez le rouge à l'avenir.
C'est ça...
Qu'est-ce que ce mec y connaît au maquillage ?! Il est hors de question que je ressemble à une voiture volée pour lui faire plaisir.
Avant qu'il ne trouve autre chose à redire sur ma tenue – ou mon grooming – je déguerpis en cabine pour accueillir les passagers de la classe Affaires. Je me charge du vestiaire avec un entrain un tantinet surjoué, enchainant les aller-retour avec le galley pour y entreposer les manteaux.
Lorsque je reviens auprès des PAX, ma collègue Caroline me glisse un mot discret depuis l'allée voisine :
— Il a l'air très chiant celui-là...
Elle regarde par-dessus son épaule et je comprends qu'elle parle d'Éric. Au moins, je ne suis pas la seule ici à le penser! Un peu parano, je n'ose toutefois approuver explicitement. Encore moins en rajouter une couche ; des fois qu'il s'agirait d'une tactique visant à me faire parler. Je rebondis plutôt par une question innocente :
— Ils sont tous comme ça ?
Elle rit sans bruit, témoignant une tendre indulgence pour ma naïveté :
— On est treize mille PNC, et eux ne sont qu'une poignée. Comment tu crois qu'ils sont arrivés tout en haut de la pyramide ? (Elle m'observe d'un œil sarcastique.) Je te le donne dans le mille : ils ont piétiné tous les autres.
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Ciel, Amour et Turbulences
RomanceElle, est hôtesse de l'air. Lui, est pilote de ligne. Entre eux, il y a bien plus que cette porte blindée qui sépare la cabine du cockpit. Il y a surtout... un immense fossé. Laurine est discrète ; Armand a le monde à ses pieds. C'est simple : ils...