Voyage voyage - Foé
L'inconvénient des vols de jour, c'est que les PAX sont réveillés.
Comme le dit l'adage des PNC : un passager en or est un passager qui dort.
Là, les enfants encombrent les allées. Ils nous empêchent de passer avec les trolleys tandis que leurs chers parents s'adonnent à des étirements grotesques dans le galley, envahissant notre espace de travail déjà exigu.
Cela n'altère pourtant en rien ma bonne humeur. Je suis si reconnaissante de retrouver la voie des airs que je leur pardonne volontiers et garde le sourire. On ne peut en dire autant d'Oli qui tire une gueule de six pieds de long. Il claque bruyamment les armoires, sa façon à lui de manifester son mécontentement et d'éloigner les indésirables.
Efficace !
Le type qui faisait de l'aérobique à côté de moi retourne dare-dare à son siège. Avant qu'un autre ne rapplique, nous fermons vivement le rideau. Le message est clair : « défense d'entrer ».
Nous profitons de ce court répit pour nous restaurer en papotant. Oli a retrouvé sa bonne humeur maintenant que nous sommes juste tous les deux. Avec de la nourriture, pour ne rien gâcher. Ce n'est pas de la grande cuisine, qu'on se le dise. C'est bourré d'additifs et de sel (afin de donner du goût en altitude), mais ça fait du bien de s'asseoir quelques instants. Car une fois notre repas englouti, nous enchainons ensuite les patrouilles en cabine pendant des heures. Dehors, la nuit est tombée depuis un moment (en raison des fuseaux horaires que nous traversons) quand, soulagement, le CCP vient nous annoncer le début de notre tour de repos.
Il n'a pas à le répéter. Je monte les marches du PRE presque ventre à terre.
Les lumières y sont tamisées et, pour une fois, l'air est moins frais que dans le reste de l'appareil. Mieux vaut en revanche ne pas souffrir de claustrophobie, car le plafond est très bas. Et pour cause, cet espace se situe au-dessus de la cabine, dans ce qu'il restait d'exploitable du fuselage. Même moi, qui ne suis pas grande, dois progresser à demi-penchée.
De part et d'autre de l'étroit couloir s'alignent huit couchettes individuelles, munies de rideaux afin de garantir un semblant d'intimité. La promiscuité des lieux n'empêche pourtant en rien d'entendre les ronflements de certains collègues...
Ou les pets, c'est selon.
Je devrais sérieusement songer à emporter des bouchons d'oreilles, mais je redoute toujours de ne pas entendre une alarme. Même durant les phases de repos, je demeure en alerte constante.
Les autres PNC nous ont devancé Oli et moi. Ils ont déjà pris leurs quartiers, si bien que je me trouve reléguée au fond, dans la dernière couchette.
Si par malheur une urgence survient, je serai la dernière à sortir.
À ne pas sortir, d'ailleurs.
Je sais... Je ne devrais pas entretenir ce genre de pensée morbide, surtout pas maintenant, mais tandis que je m'assois sur le matelas, je considère l'espace étriqué délimité par des cloisons et j'ai l'impression d'entrer dans un cercueil.
Un cercueil volant.
Je secoue la tête pour chasser l'image de mon esprit. J'installe plutôt l'oreiller et défais le plastique qui entoure la couette. Les draps jetables ont déjà été changés par le crew précédent.
— Bonne nuit, me chuchote Oli pendant qu'il se déshabille.
Il enlève ses chaussures et déboutonne sa chemise.
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Ciel, Amour et Turbulences
RomanceElle, est hôtesse de l'air. Lui, est pilote de ligne. Entre eux, il y a bien plus que cette porte blindée qui sépare la cabine du cockpit. Il y a surtout... un immense fossé. Laurine est discrète ; Armand a le monde à ses pieds. C'est simple : ils...