Paris, c'est fini (2/2)

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Capri c'est fini - Hervé Vilard

Le moteur tourne au ralenti. Armand a activé les feux de détresse pour me déposer dans l'impasse.

J'ai l'impression d'y être dans tous les sens du terme...

— T'as beaucoup de route pour rentrer chez toi ? demandé-je avec le début d'une grimace.

Bien qu'il ait été à l'initiative, je culpabilise de l'avoir fait conduire si longtemps. S'il avait su mon adresse plus tôt, pas sûr qu'il aurait proposé de me raccompagner.

Il balaye néanmoins ma question comme si elle n'avait pas lieu d'être.

— Ne t'en fais pas pour ça.

— Sois quand même prudent sur la route, OK ?

Il hoche le menton, le buste tourné vers moi, et l'Audi que j'avais trouvé spacieuse en m'y installant me parait soudain aussi minuscule que ma Twingo. Son regard parcourt mon visage à un rythme lent, papillonnant entre mes yeux et mes lèvres comme s'il ne parvenait à choisir un point précis sur lequel se fixer.

J'ignore s'il utilise la fameuse technique du triangle – œil gauche, bouche, œil droit – , cette redoutable arme de séduction, ou si cela est purement fortuit, mais c'est pour moi un signal.

Évacuation immédiate !

— Allez, j'y vais.

Il ne dit rien, continuant de m'observer.

— J'aimerais bien réussir à voir mon copain-pas-chauve avant qu'il parte au boulot.

— Hugo, corrige-t-il, et je hausse un sourcil.

Je le considère, étonnée.

Si on m'avait demandé de parier, je n'aurais pas misé un seul centime sur le fait qu'il se rappelle son prénom.

— Hugo, oui, répété-je dans un murmure.

La main sur la poignée, j'entrouvre la portière. Je m'apprête à sortir quand, dans un élan fugace, je me retourne vers Armand pour lui dire quelque chose que je regrette déjà.

— Merci.

— Je t'ai juste servi de Uber, c'est pas la lune.

— Je ne parlais pas seulement d'aujourd'hui. C'est sympa de m'avoir montré toutes ces choses, en escale.

— Quand tu dis, toutes ces choses, tu parles de...

Il baisse le regard sur son entrejambe.

— Hein ? Non ! Pas du tout.

— Je me disais bien, aussi.

— Je pensais plutôt au Corcovado ou aux animaux, dans la réserve, le recadré-je en fronçant les sourcils.

— Suis-je bête.

Il ébauche un sourire et je me détourne pour me glisser hors de l'habitacle, les joues rosies par ma déclaration aussi spontanée qu'irréfléchie. Prévenant, il m'accompagne et m'aide à sortir la valise du coffre ; elle pèse une tonne.

Mal à l'aise par ce qui ressemble à des adieux, je lui adresse un signe maladroit de la main et tourne ensuite les talons vers l'immeuble sans jeter un regard en arrière ; j'ai un pincement au cœur.

C'était sûrement la dernière fois que nous nous voyions, lui et moi. J'en éprouve une nostalgie inattendue. Presque de la mélancolie, mais je me concentre sur ma hâte de retrouver Hugo.

Il s'est passé tant de choses depuis mon départ...

Je ressens le besoin de vider mon sac, de tout lui raconter en détail et de pleurer un bon coup. Je n'attends pas qu'il trouve des solutions au problème – il en serait incapable – ou qu'on débatte du sujet pendant des heures, seulement qu'il m'écoute et me prenne dans les bras.

Ciel, Amour et TurbulencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant