Lau-Li-Ta (1/3)

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Belong Together (sped up) - Lucky Socks

31 Mars

On n'arrive au Méridien Grand Pacific qu'en milieu de matinée, puisqu'il se trouve à près d'une heure de l'aéroport de Narita où nous avons atterri. Avec Armand, on est tombé d'accord pour s'accorder une courte sieste avant de partir en vadrouille. Enfin... on a fini par tomber d'accord. Après de rudes négociations. Car si je l'écoutais, on serait sorti sur le champ et je me serais probablement écroulée de fatigue au bout d'une heure...

L'idée de se trimballer au bras une fille en pleine crise de narcolepsie a semble-t-il, réfréné son entrain.

— Ça te dit ? lancé-je à Oli tandis qu'on attend les clés de nos chambres.

Il jette un œil en direction d'Armand qui patiente au comptoir avant de formuler sa réponse :

— Non. Je crois que je vais plutôt faire des trucs de mon côté cet aprèm...

— Oh... d'accord.

Si j'étais une bonne amie – une meilleure que je ne suis en réalité, en tout cas – j'insisterais et... je devrais me montrer excessivement déçue. Je le suis, bien sûr... un peu. Mais une partie de moi que j'ai longtemps ignorée et à laquelle je ne veux pas céder trop rapidement du terrain se satisfait aussi de sa décision. Avec beaucoup d'allant, je le crains.

— On se retrouve ce soir de toute façon !

Sa façon de me consoler me fait culpabiliser davantage. S'il savait qu'en ce moment même, le petit diable sur mon épaule se frotte les mains...

— Carrément. J'ai hâte.

***

Quand je redescends dans le hall, il est presque quatorze heures et Armand m'attend déjà dans l'une de ses chemises bouffantes, flanqué d'un pantalon fluide. Noir. Basique. Du genre que vend Uniqlo. Même si je devine à son tombé parfait que le sien provient d'une marque obscènement chère.

Pour ce qui est de ma propre tenue...

— T'as mis la robe...

En m'apercevant, sa voix s'est éraillée et je décèle la surprise dans son regard. Parce que... non, ça n'est pas juste une robe. L'un comme l'autre, connaissons la signification de ce choix, même si aucun de nous ne prendra le risque de le formuler à voix faute, de peur de rompre le charme.

C'est un message. Et il l'a reçu...

Soudain embarrassée, je quitte la cabine d'ascenseur, les bras ballants. Ils me paraissent tout à coup aussi longs, encombrants et disproportionnés que ceux d'un singe. N'ayant pas de régime de bananes à portée de main, je ne trouve rien de mieux à faire pour les occuper que d'attraper mon coude. J'ai l'air encore plus gourdasse comme ça, j'en suis sûre...

C'est sans doute contradictoire, mais la part rétive de ma personnalité espérait en secret que le choix de la robe passe inaperçu. Comme une bouteille à la mer qui n'attend pas de réponse. Ouais, bon, cette image n'est peut-être pas la plus adéquate; ça fait vraiment désespéré !

Bref, connaissant Armand, il était naïf d'y compter ; il se montre attentif à chaque détail.

Nerveuse, je continue d'avancer vers lui, au moins lucide d'un point : notre relation arrive à un tournant.Qu'importe ce qu'il adviendra, les choses ne seront plus jamais les mêmes après aujourd'hui...

J'ignore encore si Armand peut être un chapitre de ma vie, rien qu'un bref interlude, ou bien le reste de l'histoire, façon « ils vécurent heureux »... mais je crois qu'il est temps de le découvrir.

Ciel, Amour et TurbulencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant