Lau-Li-Ta (3/3)

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Un peu plus souvent - Alexia Gredy

À l'heure de quitter le bar pour rejoindre la boite de nuit qu'Oli a repérée sur son téléphone, mes appuis ne sont plus ce qu'ils étaient au début de la soirée. Mon sens de l'équilibre s'est nettement détérioré, depuis.

Les désagréments des shooters !

Ça se boit tellement vite... on ne se rend pas compte de la quantité d'alcool ingérée. Et quand les premiers vertiges se pointent – en même temps qu'un rire tapageur et une attitude de bécasse – il est trop tard. On n'a plus qu'à espérer atteindre le pic de l'ivresse sans vomir, sans raconter d'idioties qu'on regrettera le matin venu, et bien sûr, que cet étourdissement se dissipera le plus rapidement possible.

Pour ce qui est du pic, c'est bon, on l'a passé. Pour le reste... je vais devoir m'armer de patience, hélas.

C'est vraiment injuste, pensé-je alors que la fraicheur du soir me mord soudain les épaules. Armand a bu au moins autant que moi, si ce n'est plus ; pourtant, il garde une trajectoire rectiligne sur le trottoir. Faut croire que ses kilos de muscles, ou tout simplement sa constitution masculine, lui confèrent une meilleure résistance que moi à la tequila.

C'est un roc, solidement ancré dans le sol, dont je me sers à présent de béquille.

Ses baskets sur lesquelles j'ai les yeux rivés pour suivre le cap restent soumises à la gravitation terrestre. Mes talons, au contraire, paraissent répondre à d'autres lois, aussi incompréhensibles que changeantes.

Je bute sur quelque chose – probablement sur rien, en vérité – manquant de tomber.

— Le gommage au goudron, on va éviter, suricate. Essaye de tenir debout, tu veux. Sinon je jure de te porter, même si c'est devant tout le monde.

— N'y pense même pas, rétorqué-je avec le semblant d'autorité que j'arrive à insuffler à ma voix.

Mais de peur qu'il mette sa menace à exécution, je raffermis toutefois ma prise autour de sa taille. Quelques pas devant, Oli s'inquiète :

— La station de métro est juste là, ça va aller ?

Une sensation de chaleur sur le haut de mon crâne, couplée à un silence, m'indique qu'Armand a baissé les yeux sur moi. Il évalue mon état.

— Il vaudrait mieux qu'on rentre, lâche-t-il finalement. Je vais la raccompagner en taxi.

— Tu veux que je monte avec vous ? s'enquiert aussitôt Oli.

Armand patiente, muet comme une carpe et je réalise que la question m'est destinée. Je relève la tête. À l'angle bizarre que forment ses sourcils, je devine qu'Oli hésite à me confier aux mains du pilote dont il soupçonne les tendances baladeuses ; de surcroit, dans mon état éméché.

Mon ami ignore seulement que c'est ce dont je rêve – des mains baladeuses, et plus encore. L'innocent ! Et il est hors de question que je laisse passer cette occasion. Je dois juste lui prouver que je dispose de mon libre arbitre, malgré les traitres de verres que j'ai enchainés tout à l'heure.

Je tâche donc de me montrer convaincante.

— Non, profite du reste de la soirée. T'avais envie de danser ! Ne te prive pas pour moi. Ça va aller, affirmé-je avec aplomb, usant d'un ton qui pourrait presque paraitre sobre.

Oli hésite pourtant. Il insiste :

— Promis ?

— Promis, assuré-je.

Je sens qu'il est en train de plier. Il jette un rapide coup d'œil derrière lui, surveillant le reste de l'équipage qui l'attend près de la bouche de métro.

Ciel, Amour et TurbulencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant