Empire State of Him (3/3)

723 57 84
                                    

Unwritten - Natasha Bedingfield

Au sommet de l'Empire State Building, le vent est plus cinglant, le froid plus mordant, mais la vue est à couper le souffle. Ça vaut la peine. Et accessoirement, les 44 dollars d'entrée. On domine presque toute la ville, même si certaines tours, comme la Freedom Tower, et d'autres dont j'ignore le nom, se rapprochent davantage encore de l'épaisse couche nuageuse qui nous surplombe.

Les contours arborés et rectilignes de Central Park tranchent sur cet amas de verre, d'acier et de béton.

Je m'approche des garde-corps vitrés autant pour m'abriter des bourrasques que pour admirer le paysage. Tandis qu'armée de mon téléphone je mitraille de photos depuis chaque côté du bâtiment afin d'enregistrer toutes les vues, Armand reste en retrait. Je tourne la tête pour voir ce qu'il fabrique, et m'arrête aussitôt, les yeux grands ouverts.

J'y crois pas.

Portable en main, bras tendu et cheveux au vent, il prend la pose en selfie. Avec aisance, il pivote légèrement, oriente l'objectif et penche la tête vers son épaule pour immortaliser son meilleur profil. Sourire publicitaire en prime. Il a tellement l'habitude que ça ne prend pas plus de quelques secondes, il a dû beaucoup s'entrainer.

À sa place, je me sentirais tellement ridicule...

Lui l'est aussi – ridicule – mais son assurance compense en partie sa clownerie.

— On y va ? demande-t-il d'un ton dégagé quand il s'approche.

— C'est que je ne voulais pas interrompre ton petit shooting...

— Si tu étais plus aimable, tu aurais peut-être eu droit d'être sur la photo.

Avec un faux air de regrets, je lance :

— Si j'avais su...

Notre joute puérile se poursuit alors que nous redescendons par l'ascenseur et prenons la route de notre prochaine destination : Central Park. C'est Armand qui l'a décidé, et je dois avouer que ça me va bien de me laisser guider. J'aurais juste aimé que ça soit par Oli. Ou quelqu'un d'autre.

N'importe qui d'autre, en vérité.

En route, nous faisons une halte devant un stand de hot dogs.

— Il faut absolument que tu en goutes un, insiste Armand. C'est les meilleurs de la ville.

— T'as testé tous les hot dogs de New York ? demandé-je, sceptique et agacée par son air de monsieur-je-sais-tout.

— Ça ferait beaucoup de saucisses, tu crois pas ? (Je ne sais pourquoi j'y vois un sous-entendu...) Allez, fais-moi confiance.

Dubitative, j'accepte le pain brulant qu'il me tend, mais j'attends qu'on se remette en marche et qu'il détourne le regard pour mordre dedans. Je n'ai aucune envie qu'il m'observe enfoncer cet objet phallique dans ma bouche...

Délicieux objet, cela dit.

Il avait raison, mister connard. Mais comme il me tape sur les nerfs, je me garde de l'en informer. Ce n'est pas un repas gastronomique, certes. Toutefois ça tient au corps, ce qui est appréciable dans ce froid de gueux.

Au lieu de filer en ligne droite en direction du parc, Armand nous fait faire un crochet par la gare de Grand Central. Un site qui me rappelle aussitôt le premier épisode de Gossip Girl avec l'arrivée tonitruante de Serena ; décidément ma seule et unique référence dans cette ville (avec le Diable s'habille en Prada)...

Pour ma défense, je suis trop jeune pour avoir regardé Sex and the City. Même si j'ai bien vu quelques épisodes...

Sur les coups de 15 h, après une longue promenade à travers les allées peuplées d'écureuils affamés auxquels Armand a balancé quelques friandises – même les rongeurs lui mangent dans la main –, il a proposé que nous fassions escale dans un salon de thé de l'Upper East Side.

Ciel, Amour et TurbulencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant