Chapitre 20

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Alex

- Alors les jeunes, comment ça se passe la coloc ? demande Anthony, le père de Nastia.

Assis l'un à côté de l'autre à table, la petite blonde et moi nous tournons l'un vers l'autre et échangeons un regard complice. Qu'est-ce que c'est facile de mentir putain.

- On a eu du mal à trouver notre rythme, mais maintenant je pense qu'on peut affirmer que ça va beaucoup mieux, déclare Nastia en me faisant un clin d'œil.

Intérieurement, je prie pour que nous n'ayons pas à tenir cette comédie longtemps. Extérieurement, je souris et suis ravi d'être ici aux côtés de cette merveilleuse femme. Et ce que je ressens vraiment se trouve quelque part entre les deux.

- Si je ne vous voyais pas de mes yeux, je crois que je ne vous aurais pas cru, ricane mon meilleur ami qui nous observe depuis la chaise en face de la mienne.

Je rigole avec lui tout en m'abstenant de répondre. Et pour enfoncer le clou un peu plus profondément, je passe mon bras sur le dos de la chaise de ma coloc. Elle me met un coup de pied dans le tibia que je prends pour un « ça ce n'était pas nécessaire, tu vas me le payer plus tard », et vu que je ne sais pas m'arrêter quand il s'agit d'elle, je vais jusqu'à jouer avec une mèche de ses cheveux que j'enroule entre mes doigts.

Je vois son sourire vaciller et sa poitrine monter et descendre rapidement. Elle n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle est énervée contre moi. Mais le plus jouissif dans tout ça, c'est que je suis le seul à voir ce qu'il se passe réellement en elle actuellement.

- Je ne crois qu'aucun de nous ne pouvais prévoir ça, répond Nastia en passant sa main avec une lenteur exagérée le long de mon bras.

Je tente de garder la face, tandis que je vois l'étonnement passé sur tous les visages de ceux qui nous entoure. Je crois qu'on est passé un peu trop vite à l'étape du dessus, mais tant pis. Il est trop tard pour revenir en arrière, donc autant ce lancé dans le grand bain maintenant.

Ma main toujours dans ses cheveux, je la glisse doucement vers sa nuque que je caresse pour attirer son attention. Elle comprend à mon regard ce que je m'apprête à faire et se précipite pour me devancer.

- Maman, tu ne trouves pas que ça sent un peu le cramé ? intervient-elle.

- Non je...

- Si, tu devrais vraiment aller voir, insiste Nastia.

Je me marre intérieurement devant sa tentative d'esquive bidon. Mais Elizabeth, sa mère, mort à l'hameçon et va tout de même vérifier les dires de sa fille en cuisine. Il faut vraiment qu'on fasse une mise au point elle et moi. Vite.

- Nastia, je ne me rappelle plus où sont les toilettes tu peux me montrer s'il te plait ?

- Bien sûr ! saute-elle sur l'occasion.

Sans prendre la peine de jeter un coup d'œil en direction de son patriarche, elle attrape mon poignet et nous entraine à l'étage. On monte ses escaliers en colimaçon et une fois devant les toilettes, elle me pousse pratiquement dedans et verrouille la porte derrière nous. La pièce est tout juste assez grande pour nous deux, ce qui fait qu'on se retrouve un peu trop collé l'un à l'autre.

- Qu'est-ce qu'on a fait, dit-elle en se prenant la tête entre les mains.

- Je crois que le problème c'est plutôt ce qu'on n'a pas fait, et en l'occurrence : une transition, rétorqué-je.

- Merci Clayton, sans toi je ne serais jamais parvenue à cette déduction si brillante, contre-t-elle.

Je ne réponds pas, trop occupé à la regarder réfléchir à ce qu'on doit faire maintenant. J'adore la mettre dans la merde, je crois que cela devient officiellement mon activité favorite.

- Bon je sais, reprend-t-elle. Ma mère sera probablement la seule qui risque de poser des questions sur nous, mon père restera silencieux et mon frère attendra qu'on soit rentré à l'appart. Donc j'ai juste à dire à ma mère qu'il se passe un truc entre nous mais qu'on ne veut pas encore en parler à Tristan. Voilà, ça fera l'affaire !

Je vois qu'elle tente de se convaincre elle-même, mais son corps trahi sa nervosité puisque qu'elle craque ses doigts tout en regardant dans le vide. Je ne connais personne de plus anxieux qu'elle.

- Bon est-ce que je peux pisser tranquille ou est-ce que tu veux me la tenir ? l'interrogé-je.

- Hein ? répond-elle confusément.

- Les toilettes. J'ai vraiment envie de pisser un bol, expliqué-je en la regardant avec un air las.

Sa bouche s'ouvre mais aucun mot n'en sort. Elle se contente de sortir en silence, très probablement outrée par mon attitude de con et en train de se dire à elle-même que les mecs sont vraiment tous des clochards. Un sourire se rive à mes lèvres en l'imaginant.

***

Elle a menti. Ou plutôt elle a mal calculé son coup, parce que son père n'est clairement pas silencieux, putain. Pendant que madame est avec sa mère je ne sais où, je me retrouve comme un con avec son père et son frère en train de faire une partie de carte. Et son père a visiblement décidé que j'étais une menace à abattre.

- Ma fille et toi, vous êtes quoi exactement ? me demande-t-il tout en distribuant les cartes.

- Colocataires ? tenté-je.

- Ne joue pas à sa avec moi fiston, tu es pratiquement un membre de la famille alors ne me mens pas, s'il te plait, me dit-il simplement.

Pendant ce temps-là, mon meilleur ami me regarde d'un air qui me dit clairement « alors là, tu te débrouilles ». Au secours, je commence à regretter sérieusement cet accord. J'ai vraiment des idées à la con parfois. Je prends mon courage à deux mains et me lance.

- On est amis, Anthony, rien de plus. Et c'est la vérité...

- J'ai rarement vu des amis se regarder comme vous le faites, me coupe-t-il.

- ...mais la vérité, repris-je, c'est que Nastia et moi on n'a jamais eu des rapports très traditionnels. Je pense que ni l'un ni l'autre ne pouvons mettre de mots sur ce qu'on est vraiment, et je ne sais pas comment t'expliquer quelque chose que je ne comprends pas moi-même.

J'inspire profondément à la fin de mon monologue, perturbé par mes propres mots. Parce que je me rends compte que ce que j'ai dis n'était pas calculé, c'étais sincère. Et bon sang, cela ne devrait pas l'être.

Anthony hoche simplement la tête, et nous parlons d'autre chose durant tout le reste de la partie. Une dizaine de minutes plus tard, les filles refont leur apparition et Elizabeth m'adresse un clin d'œil complice dans le dos de sa fille. Bon, j'imagine que Nastia à dû subir le même type d'interrogatoire que moi, c'est au moins cela, je n'étais pas le seul dans la merde.

- Vous ne nous avez même pas attendus pour jouer ! s'outre faussement Elizabeth.

- On ne faisait que s'échauffer, chérie. Tu sais bien que la partie ne commence vraiment que lorsque tu es là, dit-il en se levant pour rejoindre sa femme et planter un baiser sur sa joue.

- Mais quel beau parleur ! Arrête donc de me chanter la messe et va préparer la table de poker, ordonne-t-elle en riant.

Si je devais parler d'amour, je parlerais d'Elizabeth et Anthony. Ces deux-là représentent l'amour sain par excellence. Je me rappelle que lorsque j'étais petit cela me faisait toujours bizarre de les voir rigoler tous les deux, c'était tellement différent des hommes que Natalie ramenait à la maison. Même Abby et Dan ne rayonnait pas autant qu'eux, et je me rappelle que moi aussi je voulais être aimé comme Elizabeth aime son mari. A l'époque où je croyais encore que les rêves pouvaient devenir réalité.

Soudain, Tristan se place à côté de moi et m'attrape par le cou avec une expression malicieuse sur le visage avant de se tourner vers ses parents.

- En fait je crois que j'ai une meilleure idée que le poker, maman.

Our Broken Love [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant