Chapitre 18 - Questions délicates

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Lina ne pouvait plus reculer maintenant. Elle n'avait que trop tardé à rendre visite à son grand-père. Elle enfila son manteau ainsi qu'une longue écharpe beige, puis sortit dans la rue.

Les quelques rayons de soleil perçant la couche nuageuse ne suffisaient pas encore à compenser le froid mordant qui régnait. Les rares passants déjà levés en ce samedi matin avançaient d'un pas rapide, le nez et les yeux à demi-cachés sous leurs vêtements.

Essayant de se détendre, Lina traversa le dédale de rues familières et frappa à la porte du petit appartement de son grand-père.

Celui-ci avait toujours catégoriquement refusé d'entrer dans une maison de retraite. Cependant, une femme de ménage venait l'aider chaque jour à entretenir le logis. Les autorités avaient jugé que Lina aurait un meilleur cadre de vie au pensionnat de son établissement scolaire et c'était la raison pour laquelle elle ne vivait pas avec lui.

Elle sentit l'esprit de son grand-père l'effleurer, puis l'inviter à entrer. Il s'agissait d'une vieille habitude qu'il avait acquise des années auparavant, lorsqu'il travaillait pour le GISEM. Sa détection était trop légère pour être perçue par un non-mage – et même sans doute un non-télékinépathe – mais ne pénétrait pas les pensées de la personne, ce qui aurait été contraire à la loi. Elle permettait seulement de connaître l'identité du nouveau venu, et ainsi, de se préparer à son arrivée.

Lina franchit le seuil et essaya de chasser de son esprit ce qui la tracassait.

« Bonjour grand-père ! lança-t-elle d'un ton aussi léger que possible.

- Bonjour Lina. Comment s'est passé ta semaine ?

- Plutôt bien, dans l'ensemble... hasarda l'adolescente. Si l'on excepte mon attaque par des nécro-mages vendredi soir et le fait que j'aie un peu trop forcé en cours, mercredi... »

Rodolphe releva ses yeux bleus perçants du journal qu'il était en train de feuilleter pour la dévisager. Brun et de taille moyenne, rien n'aurait pu le différencier de n'importe quel soixantenaire ordinaire. Pourtant, à l'intérieur résidait l'un des esprits les plus puissants de la région.

« Ah, oui, on m'a prévenu de ce qui s'est passé ce soir-là. Comment vont tes poignets ? »

Lina se raidit légèrement. Se pourrait-il qu'il ait compris la véritable origine de ses blessures ? Elle se força à se détendre. Après tout, son grand-père ressentait la moindre émotion un peu trop prononcée, et savait utiliser ce savoir pour reconnaître certains mensonges.

« Beaucoup mieux.

- Je peux voir ? »

Lina s'approcha doucement et releva l'une de ses manches d'une main tremblante. Bien qu'encore assez rouge, son poignet n'était presque plus douloureux.

Son grand-père grommela quelque chose en fronçant les sourcils.

« J'espère que ça ne te laissera pas de cicatrices, » grogna-t-il finalement.

Il releva les yeux sur sa petite fille, qui pinçait inconsciemment les lèvres.

« Vas-y, pose-la, ta question. Je t'écoute.

- Je ne pense pas que tu aies la réponse, hésita Lina.

- On ne sait jamais.

- Pourquoi avoir déclenché cette Révolte ? demanda-t-elle enfin. Quels étaient leurs buts ? Qu'est-ce qu'ils espéraient réellement ? »

Rodolphe resta silencieux un moment.

« J'ai enquêté à ce sujet quand les troubles étaient à leurs points culminants. Si mes recherches avaient abouti, on aurait peut-être pu empêcher une partie de cette catastrophe... Ça a toujours été mon plus grand regret. »

Mages - 1. Le complot des nécro-magesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant