Chapitre 19

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Comparé à Gabin, je me suis levée dès l'aube ce matin. Le restaurant est vide, pas étonnant vu l'heure qu'il est. Ça ferait presque peur. Je n'aime pas les grands espaces sans aucun bruit. Je n'aime pas le calme en général, j'ai toujours besoin d'un fond sonore pour pouvoir me concentrer, je sais, c'est assez paradoxal. Alors, je mets ma playlist de musiques de Noël et je chasse ces idées, j'ai un boulot monstre à accomplir avant que mes deux acolytes n'arrivent.

Je commence par terminer la base de mes gâteaux. Les fours sont petits et tout ne peut pas être fait en une fois.

Une fois qu'ils sont tous cuits, il faut que je coupe chaque sommet en biseau pour donner l'effet rechercher de montagne dans un style cartoon.

Et comme je suis sur ma lancée et que je n'ai pas envie de m'arrêter là, je recouvre chaque centimètre carré de ses gâteaux avec leurs pâtes à sucre associé. Ça me prend un temps fou que je n'avais pas imaginé, a telle point que Gabin et Beth sont là avant que je n'aie pu terminer.

- Tu m'excuseras pour l'affront que je fais te faire Madi, mais j'ai grand besoin d'un café.

- Mon cœur est brisé, je ne veux plus de toi dans cette cuisine, je dis en montrant la porte du doigts mais en restant tout de même concentrée sur ma tache.

- Ok, je pars.

- Non, non, reviens, j'ai besoin de toi, je la supplie.

On rigole tous les trois et Beth dit :

- Je sens que l'ambiance va être drôle aujourd'hui.

- Je l'espère sinon on va tous se noyer dans des saladiers de confits de fraises.

Et on rigole de plus belle. Oui, cette journée va être une bonne journée.

Beth et Gabin s'attellent aux petits biscuits, il en faut tellement que lorsque cette tache sera terminée, un poids s'enlèvera de ma poitrine. Pendant ce temps que je peux me concentrer sur ma pièce montée. Maintenant, c'est la partie des détails, ma préférée, mais également la plus longue.

A la fin de la journée, Beth à quitté la cuisine pour aller travailler sur son livre, elle aussi elle a une deadline à respecter. Mais Gabin est toujours là avec moi. Je peaufine des détails sur la pièce tout en demandant :

- Gabin ?

- Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

- Rien ne t'inquiète pas, je dis en tournant une boule de pâte à sucre dans mes mains. La confection de ses petits bonhommes va finir par me rendre folle. Mais il y a une chose qu'on n'a pas faite aujourd'hui et qu'il faut absolument avoir faite.

- Oui, je suis d'accord.

- Parfait on est sur la même longueur d'onde.

Gabin s'approche de moi et vient m'embrasser délicatement.

- Qu'est-ce que tu fais. Tu me déconcentres, je dis encore émoustillée par notre proximité, alors qu'il laisse traîner sa main dans le bas de mon dos.

- Je ne t'vais pas encore embrasser aujourd'hui, c'est bien de ça dont tu parlais ?

- De notre liste Gabin, notre liste, je clarifie en souriant.

- Oh oui, ça me paraît plus logique maintenant.

- Tu es content maintenant que tu m'as volé un baiser.

- Très. Et je compte bien continuer quand tu en auras fini avec ce gâteau de malheur qui prend tout ton temps.

Je secoue la tête essayant de recentrer mes idées sur le gâteau et non plus sur cette bouche qui me tente un peu trop.

- Justement assis toi. Pour la chose à faire sur la liste aujourd'hui, j'ai une question à te poser. C'est assez indiscret alors tu as le droit de ne pas le faire.

- Tu me fais peur, mais dis toujours.

- Il faudrait raconter le noël de notre enfance. C'est pour ça que je comprendrai si tu ne veux pas en parler.

- non, je crois que c'est bon. Ça va un peu mieux depuis que je suis arrivé ici. Je crois que je pourrais le faire.

- Parfait, tu veux que je commence.

- Oui, s'il te plat.

- ça va être très court. Pour notre noël, il n'y avait pas de sapin. Enfin si, mais il était riquiqui et n'avait pas de décorations. Il était pire que celui que tu as choisi, c'est pour dire. Le matin de Noël, notre cadeau était un peu plus de brioche ou de pain, ou même de chocolat chaud. La dernière option était mon choix évidemment. J'avais le droit à un supplément de nourriture et c'est tout. En somme, c'était une journée normal pour les autres enfants et moi. Il n'y avait pas cette excitation que je voyais dans la cours de récréation.

Je prends une pose pour me replonger dans ces souvenirs triste et essaye de trouver un moment joyeux que je pourrais raconter.

- Je me souviens que souvent après le petit-déjeuner. On avait toute notre journée de libre avec les autres enfants, on pouvait faire ce qu'on voulait. Ils étaient beaucoup moins stricts et regardants. Ça faisait du bien. On jouait au père Noël. Et chaque année, j'étais le rêne.

- Le rêne ?

- Oui, et je tenais mon rôle très à cœur. J'en suis très attachée, si tu veux tout savoir. Allez, à toi, j'ai terminé.

- Non, je ne veux plus.

- Pourquoi ?

- ça me paraît injuste de partager ces moments de bonheur intense avec toi qui n'en a pas toujours eu le droit.

- Premièrement, c'est loi qui te demande de me les partager. Je vis un peu par procuration. Ensuite, j'ai réussi à trouver du bonheur dans ces endroits où je n'étais pas toujours heureuse. Et pour finir, je vis des vrais Noël maintenant. Sans mon passé, je n'aurais pas connu ton père et je n'aurais pas eu ces bons souvenirs. Et tu ne serais pas là en face de moi en train de douter.

- C'est bon, j'ai compris, tu as des arguments valables.

- allez, lance toi.

- Alors pour mes Noël, on allait souvent chez les grands-parents du côté de ma mère, les autres n'étaient pas vraiment... Agréable. Ce noël-là était un peu difficile. On venait à peine d'apprendre le cancer de ma mère. Alors on a fait comme si c'était le dernier, ce qui n'était pas le cas, je te rassure et c'était extraordinaire. Mamie avait mis les bouchées doubles, tout était grandiose. Même si elle n'était pas très Noël avec papi, il avait décoré chaque centimètre carré de la maison. Tous les trois, on en a pris plein les yeux. Pendant la soirée, on s'est offert les cadeaux, je me souviens avoir eu une console. J'en vais jamais eu une avant, c'était beaucoup trop cher. Ce noël-là était vraiment spécial. Même s'il s'est un peu fini dans les larmes. Tout le monde était heureux.

- Et tes grands-parents, tu ne fais plus Noël avec eux, depuis que ta mère est partie.

- Ils... Ils l'ont rejoint. À peine un an plus tard, mon grand-père a eu une crise cardiaque. Il n'a pas survécu. Et mamie venait de perdre l'amour de sa vie et son unique fille, elle est partie dans son sommeil quelques jours après.

- Je suis désolée.

Je me lève pour le rejoindre et le prendre de mes bras quand je vois les premières larmes couler.

- C'étaient des gens bien, ils auraient mérité de vivre plus longtemps.

- Je sais.

- merci, de m'aider à me les remémorer. La plupart du temps, je fais en sorte de les oublier parce que c'est trop dur. Mais en fait ça fait du bien de replonger dans les bons souvenirs.

Je le sers un peu plus contre moi et nous restons comme ça pendant un temps infinis.

La liste d'un noël (presque) parfaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant