Je traverse le froid hivernal pour me rendre au restaurant. Après les nombreuses émotions de la journée d'hier, je n'ai pas la force d'en commencer une nouvelle. J'admets que l'épisode de l'arbre m'a un peu secouée. Heureusement, il ne m'a rien fait, mais quand j'y repense ça aurait pu être grave.
Mais au final, nous l'avons redressé et maintenant, il est tout beau, accompagné de quelques guirlandes. Quand on passe dans la rue, on ne peut que le voir.
Heureusement, je ne suis pas seule à la boutique ce matin, Beth m'accompagne et j'ai hâte d'arriver parce que plein de potins m'attendent.
- Alors c'est quoi toutes ces choses que tu n'as pas voulu me dire hier soir ? Je demande avant même de dire bonjour à mon amie.
- Ok, alors première, tiens toi prête pour ce que je vais te dire...
Je lui prends ses mains dans un geste dramatique, parce que je sais que ce qu'elle va m'avouer va me faire rire et est à l'antipode du sérieux.
- Je n'en peux plus d'eux et de leur romance, Madi, tu entendrais les bruits qu'ils font, j'arrive plus à en dormir la nuit. S'il te plaît, s'il te plaît, me ferais tu le bonheur de m'aider à échapper à mes souffrances en m'offrant ton toit pour le reste de la semaine.
- J'en serai ravi mais mon toit n'est pas vraiment adapter à la vie à deux, je crois que tu vas devoir t'habituer au fait que tes parents s'aiment vraiment, vraiment beaucoup.
- Pitié non. Attendre ses bruits ça m'hérisse le poil, j'en ai des frissons de gêne.
Elle commence à imiter des bruits qui ressemblent plutôt à des râles animal et c'est à ce moment là que notre premier client entre. Ce n'est autre que Gabin, évidemment.
- Tout va bien ici ?
Beth s'en va dans la cuisine, les joues rouges en me laissant me débrouiller pour expliquer ce qui vient de se passer.
- Ah, euh oui, en fait un de nos passe-temps favori est d'imiter les animaux de la savane, j'improvise en m'appuyant sur le comptoir pour faire passer ma gêne et éviter de croiser un seul regard. Si ça se produit, je suis capable d'exploser de rire et de ne jamais m'arrêter après.
- Vous êtes vraiment bizarre ici, dit Gabin, exaspéré.
- C'est l'air de la montagne monsieur, je-fais-la-gueule-au-monde-entier, il va falloir s'y habituer.***
Le temps passe, les clients arrivent et je m'exile dans la cuisine pour préparer les gâteaux que je vais présenter à Jack en fin de journée. Hier soir, allongé dans mon lit, je n'ai pas pu fermer un seul œil tellement les idées fusées, j'ai tout noter dans un cahier. Ça ne ressemble pas à grand-chose vu l'heure qu'il était, il ne faut pas être étonnée.
Les choses sérieuses commencent. Mine de rien, on approche de Noël, je sais que les jours vont être chargés la semaine prochaine et surtout celle d'après. En somme, c'est un mois de décembre. Mais ça veut dire, qu'il faut que je mette les bouchées doubles maintenant si je ne veux pas me trouver surchargée de travail, ce qui risque très certainement d'arriver d'une manière ou d'une autre.
Je redessine mes croquis que j'ai faits pendant la nuit au propre et réfléchis aux ingrédients qui vont mettre utiles. Je n'ai pas de temps à perdre alors une fois le plan technique terminé, je me mets immédiatement au travail. Beth est déjà très généreuse de s'occuper toute seule du bar pour que je puisse expérimenter mes gâteaux, je ne voudrais abuser de son temps.
Tout ça m'emmène malgré tout jusqu'au midi, mon ventre gargouille, le bruit sourd des clients qui parlent fort pour couvrir toutes les voix se fait entendre dans la pièce principale et je n'arrive plus à me concentrer. Il faut que je fasse une courte pause.
- Où est le café, j'entends derrière moi alors que je me fais réchauffer un plat de pâte.
- C'est réserver au employer Gabin, je dis en reconnaissant sa voix. Tu n'as pas le droit d'être là.
- Ta chère collègue, qui aime les animaux ne veut pas me servir, j'attends depuis une heure et rien, alors je le fais moi-même, je n'ai pas votre temps.
- Tu crois que je fais quoi. Je bosse aussi, je réponds légèrement agacée par son manque de considération pour mon travail.
- Tu dessines, c'est plutôt bien comme boulot.
- C'est de l'art. Ce n'est pas de ma faute si tu n'as pas l'aura artistique. Et puis c'est la collection de Noël, c'est du sérieux.
- Si tu le dis, je n'aime pas Noël de toute façon.
- Je n'avais pas remarqué, je rétorque avec un faux sourire sur les lèvres. Dans le placard troisième étagère.
Au moins, il aura ce qu'il veut et il me laissera en paix. Je n'en peux plus de son air « je suis meilleur que tout le monde. »
- Pourquoi je suis obligé de faire mon café moi-même et pas les autres clients ? Renchérie Gabin occupé à sa tache.
Je pensais qu'il allait s'emmurer dans le silence comme d'habitude, mais visiblement, ce n'est pas le cas. Décidément, il ne fait jamais les choses quand et comment je le veux. Mais bon, je prends sur moi et réponds à sa question pourtant très simple, je pensais qu'il aurait trouvé la réponse tout seul d'ailleurs.
- Je lui ai raconté notre rencontre et Beth est très protectrice. Du coup, elle a décidé que tu étais sur liste rouge. Elle ne peut rien te faire réellement comme tu es le fils de son patron et qu'elle apprécie Jack comme à peu près tout le monde dans la ville, donc elle te fait souffrir autrement.
- Ok, je comprends. Mais c'était de ta faute, c'est toi qui m'es rentré dedans.
- Pardon ! Je m'offusque. Je crois que tu visualises pas bien la scène, parce que si je me souviens bien, moi je voyais rien, c'était à toi de faire attention, je dis en le pointant du doigts. Je criais « attention à moi, attention à moi » J'ai perdu tout une commande, et une partie de ma nouvelle collection à cause de toi. Du coup, ça me retarde et voilà en j'en suis maintenant.
- J'étais au téléphone.
Il s'adosse au bar, bien décidé à rester. Je m'attendais à avoir un autre genre de pause. Une dans laquelle je me repose réellement. Mais visiblement, je suis condamnée à rester dans la même pièce que Gabin. C'est un peu de ma faute aussi. On passerait moins de temps ensemble si je n'avais pas eu l'idée de cette liste qui plaît autant à Jack.
- C'est quoi le concept de ta collection au juste, reprend Gabin pour changer de sujet.
Je me retiens de continuer sur la pente glissante de notre rencontre. Mais j'aime tellement parler de mon travail que je ne rechigne pas. Les mots sortent tout seule de ma bouche. C'est dans ces moments là, que je me rends compte à qu'elle point j'aime mon métier.
- Je revisite chaque gâteau et pâtisserie qu'on voit au moment des fêtes, mais à ma façon, dans mon style. Certains sont plus élaborés, d'autres plus accessible aux enfants, à ceux qui faites noël seuls et j'en passe. Le principe est de proposer une grande diversité, pour un prix minimum. Comme ça, tout le monde y a accès, dans ses goûts et son budget. Ce soir, je propose toutes mes idées à ton père donc je n'ai pas de temps à perdre.
- Vous êtes proches tous les deux, pas vrai ?
- Ouais. On s'est tout de suite trouvé. Je n'allais pas vraiment bien à cette période, lui non plus, par rapport à ta mère, je suppose, il ne s'est jamais vraiment confié à moi. Tous les deux, on s'est tiré vers le haut et voilà où on en est maintenant. Plus heureux que jamais.
- Merci, de faire ce que tu fais pour lui, il en avait besoin, c'est vrai.
- Ce n'est pas grand-chose. Il est un peu comme la famille que je n'ai jamais eu.
Je suis gênée d'avoir ce genre de conversation avec lui. Je ne le connais qu'à travers les mots de Jack comme le garçon gentil et attention. Et à travers mes yeux depuis quatre jours comme un homme irrespectueux et triste. Je ne veux pas aller plus loin dans cette discussion alors quand il me dit qu'il est désolé de ce qui m'est arrivé par le passé, je rétorque :
- Merci, c'est gentil, mais tu n'y es pour rien, et ce n'est pas maintenant que mon passé va changer. Je ne t'en dirais pas plus, je t'aide juste à aimer noël, à rendre ton père heureux, on n'est pas amis. Et je ne suis pas sûr que tu veux me voir pleurer.- Sans-façon.
- Alors à ce soir, pour notre activité du jour.
- Ok.
Pour la première fois, il n'a pas dit non.***
Jack arrive en fin d'après-midi, j'ai eu le temps de finir ce que je voulais lui proposer, alors tout est parfait. Je peux enfin souffler, en espérant qu'il aime, même si je n'ai pas beaucoup de doute sur la question.
Il rentre dans la cuisine accompagné de son fils.
- Tu vas voir, elle cuisine à merveille, c'est un délice pour les papilles.
- J'ai encore du travail, rétorque Gabin qui ne veut visiblement pas être là.
- Tu t'arrêtes là pour aujourd'hui, tu auras tout le temps de continuer demain, tu bosses comme un acharné, ta patronne peut attendre un peu.
J'ouvre la première boite qui contient des bûches individuelles aux couleurs sobres, suivit de celle aux couleurs de Noël. Les réactions se font sans attendre, Jack expressif, exige que je les vende. Gabin offre seulement un hochement de tête que je prends comme une phrase complète. C'est si rare qu'il montre quelque chose sur son visage impassible que j'en suis honorée.
Dès que j'ouvre une boite, les réactions sont sans équivoque. Seulement une pâtisserie, celle que j'aimais le mis n'est pas retenue, jugée trop standard et pas assez à mon image selon les garçons. Je suis contente qu'ils soient du même avis que moi.
Je sors de la cuisine ravie, avec une tonne de gâteaux à manger car on ne va pas les mettre à vendre tout de suite, il est encore un peu trop tôt pour que les clients s'y intéressent. Et ça serait un gros gâchis de nourriture.
- Maintenant toi et moi, on a une liste de Noël à préparer, je dis en direction de Gabin.
- Sérieusement, je m'attendais plutôt à un truc du genre patin à glace. Je ne vais pas découper dans des magazines pour tes beaux yeux.
Je ne réponds rien, mais je ne peux pas m'empêcher de sourire, et lui aussi quand il se rend compte de ce qu'il vient de dire. Je crois que ces mots sont sortis tout seul, mais je n'y pense plus, trop concentré sur notre mission de la plus haute importance.
On passe à autre chose et on s'installe à une table pour faire notre liste de Noël. Je sors mon matériel de mon sac et Gabin fait les gros yeux.
- On peut juste écrire ce qu'on veut et la donner à nos proches.
- Il faut que les lutins soient contents comme ça, tu seras récompensé.
- Tu me déprimes.
- Je sais.
On passe une bonne heure à écrire trois lignes, sur les choses simples de la vie que nous souhaitons, mais surtout à décorer la feuille de papier blanc qui est maintenant bariolée de plein de couleurs pour Gabin et rouge et verte pour moi. Je crois qu'il n'a pas trop réfléchi en prenant les crayons. J'avais éliminé le noir d'office pour être sure que sa lettre soit joyeuse mais je ne m'attendais pas à ce qu'il joue autant le jeux. Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel sont présente dans des déclinaisons différentes.
À la fin de cette journée, je repars avec le cœur léger. J'ai découvert une nouvelle facette de sa personnalité, celle qui s'amuse à mettre des paillettes roses au lieu des rouges pour t'embêter. Maintenant, ma carte n'est plus réellement rouge et vert, mais rouge rose et vert. Et je la trouve très bien comme ça. C'était très sympa, ça faisait un moment que je n'avais pas rigolé autant.
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La liste d'un noël (presque) parfait
RomanceDans ce roman on suit Madi une femme accro à noel qui vie dans une petite ville de montagne. En plus de sa passion pour Noël Madi adore pâtisser c'est pourquoi elle travaille dans un restaurant. Son patron, Jack est comme un père pour elle. Mais ce...