Chapitre 26

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Comme d'habitude, je suis réveillée bien avant que Gabin. Il dort paisiblement à côté de moi. Pendant ce temps-là, ma tête ne s'arrête pas. Je sais que je devrais être heureuse, je le suis au fond, mais mes pensées ne veulent pas cesser. Elles tournent en boucle au point de me rendre folle.
Noël est terminé, ça y est. C'est le moment de l'année que j'attends le plus. Tout ça pour que ça part en deux jours. Deux jours qui étaient absolument fabuleux, mais ma foi, j'aurais aimé avoir un peu plus de temps.
Maintenant, la vie va reprendre son cours, comme avant ce 1er décembre quand Gabin m'a foncé dedans, que je l'ai insulté – dans ma tête –, que je ne me doutais pas que c'était le fils de l'homme le plus important de ma vie. Et surtout que je ne savais qu'il finirait par passer toutes ses nuits chez moi, que grâce à lui, j'allais un peu apprécier mon appartement qui fait plus studio. Mais que surtout mon cœur saignerais quand il quittera la ville. Nous allons perdre la magie que nous avons créée ensemble, celle qui s'est construite autour de nous. Je ne serais plus la même. Son arrivée m'a complètement changée, pour le mieux, j'en avais besoin.
Cependant, si ça ne tenais qu'à moi, je changerai tout pour qu'il n'ait pas ce boulot qu'il n'aime pas à Paris, pas cette vie qu'il s'est construit malgré lui à Paris. Ça ne tiendrait qu'à moi, il ne vivrait pas à Paris. Mais ici, avec nous. Son père, et puis moi. Moi qui ne sais pas ce que je suis pour lui. Ce qu'il est pour moi. Je sais que nous sommes quelque chose, mais j'ai peur de poser des mots dessus. J'ai peur qu'il m'abandonne. J'aime tellement cette ville que je ne suis pas prête à la quitter. Ma vie est ici. Mais Gabin, c'est épanoui ici. Je ne peux rien lui demander. Je ne suis rien en quelques sortes. Je ne prétends pas avoir une place assez importante pour lui demander de bouger pour rester auprès de sa famille.
Jack. Il va retomber dans cette boucle lui aussi. Grâce à l'arrivée de Gabin, on a tous retrouvé la vie. Celle qui mérite vraiment d'être vécue. Celle qui fait qu'on a le sourire en se réveillant. Mais ça va s'arrêter et on ne pourra rien faire contre ça.
Il faut que je relativise. Il ne peut pas faire comme s'il ne s'étaient rien passé entre nous. Je ne peux pas le faire non plus. On a la chance de vivre au 21 siècles. Les téléphones existent, et même les facetimes. On pourra s'appeler n'importe quand et faire comme si nous étions l'un à côté de l'autre. Ça ne durera qu'un temps sûrement. Juste une transition avant d'âtre prêt à tout arrêter. Mais il reviendra en décembre l'année d'après, et celle d'après encore. Et tout sera différent, on sera gêné, parce que notre relation n'aura pas duré, qu'elle se sera peut-être mal terminée. Et alors, pendant tous le mois de décembre, j'éviterai Jack pour éviter de croiser Gabin.
Et merde ! Je me projette encore à imaginer des scénarios qui finissent toujours mal. Il faut vraiment que j'arrête de réfléchir, ou pas à ça en tout cas. Positif, il fait penser positif, Gabin et là pour quelques jours encore alors il n'y a pas de soucis à se faire tout de suite.

Assise sur un tabouret autour du bar du restaurant, je dis à Gabin :

- je sais que notre liste est terminée, mais comme c'est la fin du mois et qu'il faut en profiter un maximum, je me suis dit qu'on pourrait prendre nos activité préférés et les refaire.
- Tu penses ? J'étais justement en train de me dire que j'étais débarrassé, c'est dommage de me proposer ça.
- Ah oui ? Je trouvais ça bien. Pour se dire au revoir.
- Je trouve ça bien, t'inquiète pas. À partir du moment où tu ne me fais pas remonter sur des patins à glace, je te suis partout. Même dans une forêt en montage alors qu'il neige.
- Tu es fou.
- De toi, je l'entends marmonner.
Mon cœur s'emballe encore une fois. Je ne pourrais décidément pas passer un seul instant sans que mon organe vital ne s'active pour me faire perdre la raison un peu plus encore. Ça serait plus facile encore si Gabin ne disait pas ce genre de choses, mais il faut croire qu'il ne sait pas le faire.
- Je finis de mettre au point mon dossier et c'est parti.
- C'est génial ! Je réponds avec le sourire, prête à me lever pour passer un petit temps en cuisine.
- Et Madi ?
- Oui.
- On ne se dit pas en revoir. Ça va continuer. Ça sera sûrement diffèrent, mais on sera toujours...
- Ensemble ? J'essaie.
- Ensemble, c'est ça.
Je me retourne le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux.

Moins d'une heure plus tard, je me retrouve en haut de la piste verte. Je ne sais pas pourquoi, sûrement à cause du « ensemble », je l'ai laissé choisir l'activité. Qu'elle idée ! C'était évident qu'il allait choisir le snowboard. Je me répète une même phrase depuis que nous sommes sur la route, une sorte de mantra « j'avais bien aimé la dernière, j'avais bien aimé la dernière fois. »
C'est terrifiant de voir cette hauteur. Et dire que les enfants s'entraînent sur ça. Certains sont en train de descendre une piste noire en ce moment même ou pire que ça, ils sont en train de faire du hors-piste. Et moi, je suis là en train de me demander si j'y vais ou pas.

- On part à trois, me prévient Gabin.
- Ok, ça me va.
Il hoche la tête, je le veux en train de se préparer à faire le décompte, mais je ne m'attends pas à ce qu'il va dire :
- 3, crie-t-il.
Et il part.
- Eh, ce n'est pas du jeu ! Je crie à mon tour.
Je me lance à mon tour, parce que je n'ai plus vraiment le choix, je préfère toujours l'avoir dans mon champ de vision. Au moins, j'ai un guide.
Arrivée en bas, je ne suis pas tombé une seule fois et j'ai plutôt bien apprécié la descente. Encore une fois. En fait, il faut juste se lancer et faire confiance au gens pour qu'ils se poussent quand j'arrive.
Alors je remonte le petit bout de montagne à la suite de Gabin, revigorée. Ça va être une bonne fin de soirée.



La liste d'un noël (presque) parfaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant