Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légende

Chapitre 5

Mon frère, ce leader né, a perdu de sa prestance en apprenant que notre famille est en danger. Il se sent coupable et j'ai l'impression qu'il a perdu dix ans. Il paraît sans défense, je suis obligée de prendre toutes les décisions à sa place. Je suis un peu exaspérée par son comportement, mais je ne laisse rien paraître. J'ai dû faire des choix difficiles, dire à des proches qu'ils ne pouvaient pas venir. Il était hors de question que Léandre m'accompagne alors qu'il est dans cet état. Je lui ai promis que je les ramènerais. J'ai voulu dire à Ignace qu'il était préférable qu'il ne vienne pas et pourtant il a insisté avec pour argument qu'il parlerait à son frère. Je n'ai pas voulu polémiquer avec lui. Il était évident que Gaspard ne pouvait pas venir, il doit se remettre de ses blessures et j'ai demandé à Mélya de rester avec lui. En Nostraria, elle est considérée comme une traîtresse et c'est pour les mêmes raisons que j'ai interdit à Eryk de nous accompagner. Il a bougonné, mais m'a avoué comprendre ce choix. Fëanáro non plus ne peut pas venir, c'est encore un petit dragon et il risque d'attaquer sans qu'on lui ait demandé s'il me sent menacé. Nous devons totalement gérer la situation.

J'ai dû évaluer le nombre d'armes par personne pour ne pas paraître trop menaçant, mais ne pas être sans défense. Et nous avons dû parler de la date du départ... Je voulais partir immédiatement et Léandre a appuyé mon choix. Ayden a été catégorique, pas aujourd'hui. Nous devons avant tout nous reposer. Nous partirons donc demain. Je vais devoir créer un portail qui nous mènera directement aux portes du palais. C'est la première faculté des faes que j'ai appris à maîtriser.

Maintenant que nous avons établi le plan d'arrivée, nous devons parler de ce que nous ferons une fois à l'intérieur.

— Il n'y a pas mille solutions, je vais le tuer.

— Un régicide ce n'est pas aussi simple que ça Hestia. Crois-en mon expérience.

Toutes les têtes se tournent vers Eryk. Il hausse les épaules comme si cette affirmation était des plus évidentes. Ignace fronce les sourcils.

— Tu as essayé de le tuer ?

— Pas moi personnellement, mais j'y ai contribué... Enfin, la rébellion.

Toute l'assemblée hoche la tête. Eryk nous a donné toutes les informations dont il disposait sur la Nostraria et Horos à son retour. La rébellion a commencé quelques années avant mon arrivée au palais et Eryk en est l'instigateur. Ils ont rallié Léandre à leur cause quand le roi m'a faite prisonnière. Leur but premier était de détrôner Horos par tous les moyens, sans succès.

— On doit d'abord récupérer ta famille puis on verra pour le tuer après. Le premier objectif c'est ta famille, dit Ayden.

— Dès qu'on les a, tu crées un portail, commence par dire Cali. Alex, tu les ramènes ici. Ignace, tu repartiras avec eux si ta discussion n'a pas porté ses fruits. Ayden et moi on reste avec toi pour te prêter main forte, Hestia.

— Dès qu'ils sont en sécurité, je crée un portail, j'atterris derrière lui, je lui tranche la gorge et on repart aussi sec.

— Tu es sûre que tu auras assez de force ? s'inquiète Eryk.

C'est vrai qu'utiliser mes pouvoirs Faes me fatigue plus que d'utiliser mes aptitudes.

— Ce ne sera pas un problème.

Je surprends leurs regards inquiets. Je suis la seule capable de créer des portails et il serait idiot d'être obligé de rester sur place. Je continue :

— C'est bon, je sais gérer... Je me suis entraînée. De nombreuses fois. Je connais mes limites et je ne les dépasserai pas.

En effet, depuis que la rune de sanctification s'est collée à mes côtes, je me suis forcée à essayer encore et encore d'utiliser mes pouvoirs Faes. Je ne sais pas encore tout faire et j'échoue à tenir des illusions sur le long terme, mais je me débrouille dans certains domaines. Je suis très douée avec les portails que je crée et les détruis après les avoir traversés. J'essaie de créer des illusions, mais quand je le fais les autres s'en plaignent parce qu'ils sont mes seuls cobayes.

Ils continuent de parler sans que je suive réellement la conversation. Je comprends qu'ils essaient de trouver des points faibles au roi de Nostraria. Ignace donne quelques informations, mais elles datent de plus de vingt ans. Eryk ne connaît pas les faiblesses de notre ennemi, mais il connaît sa force de combat. Il sait exactement combien de gardes seront postés auprès du roi et combien pourront arriver en renforts dans un temps donné. Mélya et Gaspard ne sont pas d'une grande aide, ils n'étaient pas affectés à la garde du roi, il connaissait mieux le prince... Mais ils n'osent pas parler de Lui.

 ❋ 

Une fois la réunion finie et notre plan établi, je me dirige vers ma chambre. Il est déjà tard et je n'ai pas la force de manger quoique ce soit. Je préfère aller me morfondre dans mon lit en attendant le lendemain. J'ai dû rester forte pour leur prouver que je vaux quelque chose, j'ai dû me montrer forte pour mon frère. On ne pouvait pas être deux à s'effondrer. Et demain, je vais devoir me montrer forte face à Son meurtrier. Comment est-ce que je vais pouvoir le regarder dans les yeux et garder mon calme ?

Sans que je ne le veuille, je sens mes yeux me piquer et les larmes s'accumuler. Je refuse de les laisser couler parce que cette folie n'est pas encore finie et que je ne peux pas me permettre de craquer à nouveau. J'ai déjà perdu trop de temps pliée de douleur en pleurs.

Je vais sur mon balcon où m'attend sagement mon dragon. Le froid de l'hiver me fait frissonner, je n'ai que mon pull sur le dos. Je m'assois dans la neige face à Fëanáro, le froid s'insinue rapidement dans mon pantalon, mais je reste là. Je colle mon front à celui du dragon et je ferme les yeux, profitant de sa présence jusqu'à ce que je sois totalement congelée. Une connexion spéciale s'est créée entre nous, j'ai l'impression que son âme est liée à la mienne. Il porte la rune de sanctification sur le front et le jour où j'ai perdu le lien avec mon âme sœur, le dragon a autant souffert que moi. Sans que je comprenne comment, j'ai lié nos vies.