Chapitre 31

1.2K 107 27
                                    

En remplaçant le bandeau, j'ai pris le temps de le relever un peu afin de voir où je mets les pieds. Le sol est fait de terre battue et la main d'Éros me paraît brûlante dans la mienne. Je garde les yeux braqués vers le bas, mon champ de vision est extrêmement réduit. Une odeur d'humidité et de moisissure m'assaille le nez à chaque pas. Cette puanteur pénètre par tous mes pores. De temps à autre, Éros juge bon de me demander de lever les pieds, parce qu'il y a une racine ou un rocher sur le chemin. J'ai fait exprès de me prendre l'une de ces racines pour leur faire croire que je suis vraiment désorientée.

Des pas se joignent aux nôtres. J'essaie de reconnaître les chaussures du nouveau venu, mais je n'y avais pas du tout fait attention. Il est à côté de moi et non pas à côté du prince, ce qui me donne envie de tourner la tête vers lui, mais ça ne servira à rien... Soudain, un doigt touche mon épaule. Je fais un écart pour m'éloigner de cette personne.

— Ne me touche pas !

Je lâche le prince et pousse le soldat en espérant toucher son torse du plat de ma main avec ma pleine force. Je rencontre un corps solide sans pour autant savoir quelle partie du corps j'ai atteinte. Le soldat émet un bruit étouffé.

— Elle m'a détruit l'épaule, se plaint Ezra.

Étrangement, c'est avec soulagement que je me rends compte que ce n'est que lui.

— Je croyais que tu ne voulais pas te la coltiner. Qu'est-ce que tu fais là ? demande le prince.

— C'est assez intrigant de ne pas la voir nous lancer des regards assassins.

Le prince souffle par le nez de mécontentement.

— Je t'ai demandé d'éviter de la toucher.

— J'adore braver les interdits, lance Ezra sur un ton condescendant.

Ma mine dégoûtée fait rire ce dernier. Une main m'attrape à nouveau avant de me tirer dans une direction que je n'arrive pas à déterminer. L'écho de pas dans mon dos m'indique qu'Ezra nous suit.



— Là, je pense que c'est bon... annonce Ezra.

J'ai l'impression que ça fait des heures que nous marchons. Je sais que nous sommes sortis du tunnel parce que je marche sur la neige et parce que la lumière du jour traverse le bandeau. Comme si Ezra venait de me rappeler au souvenir du prince, ce dernier me lâche violemment la main.

— Ouais, c'est vrai.

— Ouais, ça fait au moins une borne qu'on aurait pu lui retirer le bandeau...

Le tissu est arraché de mon visage rapidement et je cligne des yeux quand la lumière frappe mes iris. Tout est trop lumineux. Ezra et Éros m'observent tous les deux. Je remarque que le cortège de soldats nous a dépassés et qu'ils ne nous attendent aucunement. Éros plie lentement le tissu sans même le regarder et le fourre dans sa poche. Je détourne le regard à gauche puis à droite. Nous sommes toujours en pleine forêt. Ici, la neige semble avoir légèrement fondu.

— Nous sommes en Nostraria ?

— Oui... enfin à la maison, dit Ezra en tapant le dos d'Éros.

Pour rejoindre Sperenta, nous allons donc bifurquer légèrement vers le sud-ouest, ce qui signifie qu'à cette période la neige va réduire au fil du voyage.

— On est plus très loin du camp, annonce Ezra.

Il attend que je fasse un pas pour se placer, comme à son habitude, à ma gauche. Ce qui est étonnant, c'est qu'Éros se place dans notre dos pour avancer.

Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant