Chapitre 49

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Les jours suivants passèrent si vite, ils devinrent rapidement des semaines. J'ai été absente pendant plus d'un mois. Un mois durant lequel, le pays a dû tourner sans moi. Un mois passé que je n'ai pas vécu. Un mois durant lequel les habitants ont cru perdre le nouveau régent, à peine 6 semaines après la mort d'Ignace. J'ai d'abord dû constater le nombre de pertes qu'a subi notre armée, ça n'a pas été facile de lire ces centaines de noms, mais ce n'était pas négociable. Je me devais de lire chaque prénom et nom de famille en leur honneur. Dans mon cercle proche, Gaspard est mort... Un jour, Wôeneques m'avait dit qu'il aurait un grand destin et je dois bien avouer que me sauver deux fois fait de lui mon héros, si c'est à titre personnel. Eryk et Alex ont été grièvement blessés dans la bataille, mais s'en sont remis plus vite que moi, ce qui me vaut des moqueries de la part d'Alex. Mélya a hérité d'une belle balafre au niveau de la pommette qui lui donne un air encore plus revêche qu'à l'époque. Ayden, Léandre et Cali n'ont eu que des blessures superficielles qui ont pu être soignées grâce à leurs aptitudes avec facilité. Ma sœur n'a rien eu, elle a fait ce que je lui avais demandé, c'est-à-dire se cacher le plus loin possible avec plusieurs soldats.

D'après ce que j'ai entendu, Éros a été couronné roi et a libéré ma mère dès son retour au palais de Nostaria. Penser à lui m'est difficile. Quand je ferme les yeux, je ne peux m'empêcher de le voir arme au poing au-dessus de mon cœur prêt à transpercer mon armure et ma peau pour satisfaire son père. J'ai donc décidé de ne plus le voir pour le moment. Un accord de paix a été signé par Éros et Ayden pendant mon absence et je suis rassurée que ça se soit fait sans moi. Je n'aurais pas été capable de revoir Éros aussi rapidement. L'idée de rassembler Nostraria et Edryae une bonne fois pour toutes a donc été reportée, pour ne pas en déplaire à Ayden. L'objectif à présent est de m'atteler au maximum aux tâches qui m'incombent et de devenir la reine dont Edryae a besoin. Je compte me dévouer corps et âme pour les habitants de mon pays.

Dès mon réveil, j'ai eu une pensée pour Alora et lui ai envoyé un courrier pour lui donner les nouvelles et m'assurer qu'elle allait bien. Sa réponse n'a pas tardé et nous avons commencé à avoir un échange épistolaire régulier. Je recevais une lettre d'elle presque chaque semaine et c'en était de même de son côté.

Aujourd'hui, je dévisage avec un sourire en coin la dernière lettre qu'elle m'a envoyée. Je relis plusieurs fois les mots remplis de bonheur qu'elle m'écrit. Elle se fait une joie de m'annoncer officiellement sa grossesse. Je n'en reviens pas. Elle va avoir une enfant avec Chris. Je ne peux que me réjouir de leur chance, malgré la pointe de jalousie qui me vrille le cœur. J'aimerais vivre le même bonheur qu'eux.

Je me lève de mon bureau avec pour but d'annoncer la bonne nouvelle à quelqu'un, mais je m'abstiens et me rassoie en me rendant compte que je voulais parler de ce bulletin à Éros. Je ravale ma frustration et place la lettre de mon amie sur le côté, attrape une plume et du papier pour lui répondre.

Une fois ma lettre rédigée je ne l'envoie pas de suite, à la place je décide de sortir de prendre l'air dans la forêt entourant le château de Belseau. Le temps s'est réchauffé, le printemps s'est bien installé dans l'ensemble du pays et mon anniversaire arrive à grands pas. J'ai cru comprendre que mes amis avaient prévu de m'organiser une fête qu'ils espéraient garder secrète, mais c'était sans compter sur la discrétion légendaire d'Alex.

Je pense à ma mère, après mon réveil elle a passé plusieurs semaines au château, mais au bout d'un moment elle m'a annoncé vouloir se retrouver. Elle a donc décidé de s'installer dans une petite commune d'Edryae pour vivre comme bon lui semble. Elle y a ouvert une boutique d'herboristerie et je ne peux que la soutenir dans ses choix, mais j'ai tellement peur qu'elle se sente seule, que l'absence de mon père lui soit trop pesante. Avec mes obligations, je ne peux pas la voir aussi souvent que je le souhaiterais. Heureusement, ma sœur est là et aide ma mère avec sa boutique aussi souvent qu'elle le peut.

Quant à Léandre, il a rendu les armes et a décidé de se former auprès d'un guérisseur réputé qui vit affreusement au sud, dans la forêt d'Ocaranost. La guerre l'a quelque peu ébranlé et me retrouver à moitié morte en sang l'a encore plus tourmenté. Avant la bataille, il m'avait prévenu, il connaissait les résultats d'une telle boucherie. Je l'ai peut-être légèrement poussé à abandonner le statut de soldat. En partant, il m'a confié vouloir devenir assez doué pour être le guérisseur royal. Il sait qu'il aura toujours une place auprès de moi. Cali n'a pas hésité une seconde à le suivre et j'ai donc dû remplacer mon sergent-chef. Alex est arrivé telle une fleur en me suppliant de lui confier le poste qu'occupait sa sœur, mais je lui ai refusé en lui proposant de devenir un membre à part entière de mon conseil restreint qui se compose à présent d'Ayden, d'Alex, d'Eneko et de Soélie. Tandis que pour le grand conseil j'ai décidé de rassembler un représentant de chaque espèce vivant en Edryae pour que chacun ait sa voix dans le pays. Eryk est devenu maître espion. Il forme les nouvelles recrues les plus prometteuses au métier de l'espionnage et refuse de s'impliquer dans la politique du pays.

Lors de ma marche, je ne peux m'empêcher de repenser à ma relation avec Éros. Une pointe de mélancolie m'assiège. C'est étrange... je me rends compte qu'il n'a pas assisté à mon couronnement et que je n'ai pas assisté au sien. Un battement d'ailes se fait entendre au-dessus de moi et je lève la tête. Fëanáro me dépasse telle une flèche et il fait demi-tour pour venir se poser juste devant moi. Au passage, il réussit à détruire de nombreuses branches d'arbres. Il me dépasse de loin à présent. Il fait trois fois ma taille et est incapable de passer les portes du château. Un abri énorme est en construction à quelques mètres de la bâtisse pour qu'il ait un endroit où se réfugier par temps de pluie ou lorsque les températures chuteront à nouveau. Je me souviens des ossements que j'avais vus sous la montagne du dragon. À l'époque, je ne m'étais pas réellement rendu compte que Fëanáro ferait la même taille. Il est bien plus imposant que les ossements, ses muscles sont saillants. Il est impressionnant et je sais que la rumeur de sa présence s'est répandue dans le pays et dans les pays voisins. De temps en temps, je retourne dans la grotte sous la montagne du dragon pour voir l'évolution des autres dragons. La dernière fois que je m'y suis rendue, Fëanáro a passé le portail avec moi et s'est pris d'affection pour un de ces congénères. C'est pourquoi je compte l'y emmener de temps en temps. Ils sont tous énormes et resplendissent de milliers de couleurs.

La reine des faes m'a transmis une missive me félicitant d'avoir accompli ce pour quoi j'étais sur cette terre. Son mot m'a quelque peu déstabilisé... Je n'ai pas l'impression d'avoir accompli quoi que ce soit. C'est Gaspard le vrai héros et son nom a été gravé sur une pierre dans la capitale d'Edryae, Evada. Il trône au milieu d'un millier d'autres noms. La totalité des soldats morts pour Edryae depuis le début de la guerre, c'est-à-dire presque 30 ans, se retrouve sur ce mur. Ça me semblait normal de leur rendre hommage et les habitants ont accueilli cette initiative avec entrain.

- Où est-ce que tu es ?

La voix d'Ayden me vrille l'esprit.

- En forêt. Tu as besoin de quelque chose ?

- Que tu ne partes pas en forêt quand le conseil restreint se retrouve.

Mince ! J'avais totalement oublié le conseil restreint. Nous nous retrouvons une fois par semaine pour parler de l'évolution du pays et de ce qui doit être fait. J'offre une légère caresse à mon dragon avant de me détourner avec précipitation en direction du château.

- Tu vas être en retard, me lance Ayden.

- Une reine n'arrive jamais en retard !

Je lui ressors la phrase qu'il a osé me sortir deux semaines auparavant quand nous avons failli arriver en retard à une autre réunion. Quand il est avec moi, ça l'arrange bien, mais si je suis seule il oublie ses paroles. Je perçois son rire au travers de notre lien.

Je repense de temps en temps aux aveux d'Alex sur les sentiments de son frère, mais Ayden ne me parle de rien et n'abordera sans doute jamais le sujet étant donné qu'il connaît mes positions sur la situation. Il a conscience que je ne l'aime pas de la sorte et que je ne me remettrai jamais complètement d'Éros. De toute façon, aujourd'hui je n'ai pas atteint le stade où je serais capable d'ouvrir mon cœur à quelqu'un d'autre. Rien que l'idée de ne pas être avec mon âme sœur me révulse, mais je fais avec cette peine invisible aux yeux des autres. Je comprends mille fois mieux Ignace qui refusait de se marier avec quelqu'un d'autre que la reine Aya. Je comprends qu'il ait décidé de ne pas refaire sa vie sans elle.

Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant