Ça fait deux jours que nous marchons et je sais que la traversée de la frontière est imminente. Je m'empêche de faire des vagues. Je me contiens pour qu'ils se méfient de moins en moins de moi. J'essaie de paraître le moins menaçante possible. Ezra m'a déjà rappelé trois fois que j'allais revoir Anna-Livia ce soir. Il ne connaissait peut-être pas ma relation avec la jeune femme, mais l'a deviné dès ma première réaction à l'évocation de son prénom.
Sans mentir, je suis curieuse de découvrir comment le groupe arrive à se faufiler dans mon pays sans que je ne m'en rende compte. Il est possible que la frontière ne soit pas gardée dans sa totalité. Les postes de garde s'espacent quand on s'éloigne des points les plus rapprochés des châteaux. Cependant, nous n'avons pas dépassé les cinq jours de marche, ce qui signifie que nous sommes au point le plus rapproché du château de Belseau et cette affirmation ne me rassure aucunement.
Je marche en silence à côté d'Ezra, je n'essaie même pas de le provoquer comme précédemment pour qu'il m'oublie. Je crains qu'en me rappelant à leur bon vouloir, ils me privent de mes sens et donc de l'occasion de voir leur stratagème pour pénétrer sur mes terres. La discussion des soldats dans mon dos m'interpelle donc je tends l'oreille pour les écouter. Ils tentent de chuchoter vainement.
— Ils devraient lui tirer des secrets d'État.
— Ils ont déjà essayé, je pense.
— Tu as entendu des hurlements ?
— Non.
— Donc ils n'ont pas assez essayé.
Ces salauds sont en train d'insinuer qu'on aurait dû me torturer pour que je parle. Heureusement que je me contiens, parce que je serais prête à me retourner pour leur crever les yeux avec mes ongles.
— Ouais, on arrive bientôt à la frontière. J'espère qu'aucun soldat édryen ne sera là.
— Moi aussi, j'ai pas envie de me débarrasser du corps.
— C'est clair et il ne faudrait pas faire une bourde comme ce garde qui l'a mal enterré.
— Ah ouais, ça avait rouvert les hostilités.
— En vrai, c'est pas si dérangeant quand aucun des deux camps n'attaque, on est plus tranquille sur le front qu'ici à porter les tentes.
— C'est clair ! Mais vu la personnalité qu'on emmène, ça ne risque pas de rester longtemps comme ça.
— Tu penses que les édryens vont nous attaquer ?
Une troisième voix intervient.
— T'es con ou quoi ? Bien sûr qu'ils vont réagir. On a leur reine. Ça fait à peine une semaine qu'elle est couronnée, elle n'a même pas eu le temps d'assurer sa lignée.
Ils se mettent à rigoler et je me renfrogne. En effet, je n'ai eu le temps de rien faire, mais je n'aurais même pas dû être dans cette position actuellement. Ignace devrait être encore en vie... Je pense par conséquent automatiquement à mon père et les larmes menacent de couler. Je lève les yeux au ciel pour stopper cet afflux d'émotions, c'est tout sauf le moment pour que je me laisse aller à la tristesse. Je déglutis péniblement. Ezra tourne la tête vers moi.
— Qu'est-ce que tu fous ?
— Occupe-toi de tes affaires ! Je lui lance rageusement.
— Tu pleures ?
— C'est à cause de ton visage, il me donne des crises d'urticaire.
— Ah. Ah. Ah ! Très drôle ! Tu devrais divertir le roi avec un tel humour.
VOUS LISEZ
Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légende
FantasyAttention, ceci est le tome 3 du Joyau de Nostraria. Hestia plongée dans le deuil de son âme sœur Éros depuis plusieurs mois, lutte pour trouver un sens à sa vie. Déterminée à ne pas laisser son chagrin la consumer entièrement, elle se prépare à af...