J'ai froid... Tellement froid. Mon corps refuse de m'obéir. Je suis juste là. J'aimerais demander de l'aide, qu'on me réchauffe, mais je n'en fais rien. Je n'ai conscience de rien, si ce n'est que la mort me tend les bras. Je suis dans un abîme de noirceur.
J'ouvre les yeux, mon regard tombe sur la bibliothèque de ma petite maison d'enfance. Je tourne là tête à la recherche d'une réponse à une question que je n'ai pas posée et que j'oublie instantanément. L'orage gronde dehors. Je me lève lentement. La porte de l'entrée s'ouvre avec fracas, je me précipite pour voir de quoi il s'agit. J'écarquille les yeux en voyant mon frère. Il porte Éros comme il peut. Ce dernier tient à peine sur ses jambes et trois estafilades marquent son torse. Ma respiration se bloque alors que j'entends ma petite sœur hurler. Ma mère passe devant moi en courant et je la suis du regard. Elle entre dans notre salon, mon père est déjà sur le canapé avec les mêmes traces de griffes qu'Éros. Je fronce les sourcils. Je n'arrive plus à respirer, j'essaie de faire entrer l'air dans mes poumons. Ils refusent de fonctionner correctement. Mon regard se porte à nouveau sur mon âme sœur. Je tombe à genoux sans comprendre ce qui se passe, mes yeux se posent sur mes mains ensanglantées. D'où vient tout ce sang ? Je déglutis péniblement.
Je suis au-dessus du corps d'Éros. Comment suis-je arrivée ici ? Je comprime ses blessures comme je peux. J'essaie vainement d'utiliser mes aptitudes pour le guérir. Elles ne me répondent pas. Pourquoi ne répondent-elles pas ? Les estafilades sont immenses et si profondes. Pourra-t-il seulement s'en sortir ? Les plaies disparaissent d'un coup. Le soulagement s'empare de moi. Une bouffée d'air frais arrive à passer le barrage de ma trachée. Le sang a totalement disparu. Il porte son uniforme blanc, mais une tâche bordeaux commence à apparaître au niveau de son torse. J'arrache violemment les pans de sa chemise. Son sang commence à maculer le plancher. Il en perd tellement et si rapidement... La plaie se trouve au niveau du cœur. Mes poumons me lâchent à nouveau. Je sens les larmes couler le long de mes joues. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi ? Je n'arrive plus à penser.
Une voix masculine me sort de ce cauchemar.
— Chut ! Ça va aller. Je suis là.
Je n'arrive pas à savoir qui me parle. Je me sens transportée. J'ai l'impression d'être dans du coton. Mes oreilles ne sifflent plus et je n'ai plus aucune douleur, pourtant je n'arrive pas à ouvrir les yeux. Je n'arrive pas non plus à bouger mes membres. Une nouvelle voix m'atteint violemment. Elle est agressive et tonne comme le tonnerre. C'est un autre homme.
— Qu'est-ce que tu as fait ? Ne la touche pas.
— Je ne vais pas la lâcher quand même.
Je sens alors qu'on me bouscule. Des bras humides s'enroulent autour de mon corps et je vacille à nouveau, mon esprit s'éloigne.
❋
— Va-t'en ! Nous ne voulons pas de toi ici. Pas après tout ce qui s'est passé.
Ces cris me donnent envie de me rouler en boule dans mon lit, mais je n'arrive pas à bouger. Je reste donc là à subir les assauts qui vrillent mon esprit.
— Je veux juste m'assurer qu'elle va bien.
Cette voix me paraît sincèrement inquiète, tandis que l'autre est survoltée.
— Tu ne la verras pas.
— Mais je...
— Ce n'est pas parce que tu l'as ramené à son frère que tu n'es pas prêt à finir le travail maintenant.
— Tu ne peux pas m'interdire de la voir.
— Tu n'es pas mon roi !
Mon esprit se met à gamberger vers des histoires de roi et de reine, de prince et de princesse. Elles se terminent toutes dans le sang et la désillusion.
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Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légende
FantasyAttention, ceci est le tome 3 du Joyau de Nostraria. Hestia plongée dans le deuil de son âme sœur Éros depuis plusieurs mois, lutte pour trouver un sens à sa vie. Déterminée à ne pas laisser son chagrin la consumer entièrement, elle se prépare à af...