Chapitre 26

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La nuit est glaciale. Nous avons installé le matelas le moins abîmé par le temps, que nous avons trouvé, dans le salon. Éros a créé un feu qui crépite dans la cheminée, mais le froid s'insinue quand même par la fenêtre que nous avons essayé de barricader. Mes pieds sont douloureux après avoir subi des talons toute la journée. Éros m'a surpris en train de contempler les ampoules qui ont fleuri sur mes talons. Il n'a fait aucun commentaire, mais il est revenu quelques minutes plus tard avec des vêtements poussiéreux et une paire de bottes à ma taille. Malgré l'état des habits, ils ont le mérite de ne pas être recouverts de sang.

En ce moment, j'essaie vainement de dormir sur le petit matelas que nous partageons. Il a attaché sa main à la mienne pour éviter que je ne fuie durant la nuit. Il est trop proche, je peux sentir sa chaleur au travers de la couverture. Il est à quelques centimètres de moi et je suis bien incapable de dormir dans ces conditions.

Sa respiration est lourde. Je le maudis de réussir à dormir dans cette situation. Il émet un léger grognement et son bras m'attrape au niveau de la taille, mon poignet attaché à lui ne peut que suivre le mouvement. Je suis surprise et n'ose pas bouger. D'un mouvement fluide il me rapproche de lui et mon dos se retrouve complètement collé à son torse. J'expulse l'air qui se trouve coincé dans mes poumons. Son visage vient se blottir dans le creux de mon cou. Je sais qu'il dort et que c'est totalement inconscient de sa part. Cette pensée me fait fermer les yeux et alors que j'essaie de profiter de ce bref moment, un sanglot m'échappe. Ce son aussi discret soit-il, réveille le prince. Je le sens émerger dans mon dos et d'un coup mon poignet est emporté à sa suite, parce qu'il se lève avec précipitation.

Il est debout et je suis assise, le bras tendu entre nous. Il me dévisage avec incompréhension.

— Pourquoi tu me collais à ce point ?

— Moi ? C'est toi qui m'as agrippé les hanches et attiré à toi.

— Arrête de me mentir.

Sa colère fait passer mon vague moment de nostalgie. Je me lève pour me retrouver à sa hauteur. Je reste sur le matelas pour gagner quelques centimètres et me mets en plus de ça sur la pointe des pieds pour le regarder dans les yeux.

— Tu crois que je cherche à me coller à toi comme une pauvre fille en manque d'affection ?

— Oui, c'est ce que je crois.

— Je ne suis pas désespérée à ce point.

— Ah oui ?

— Je peux sortir avec qui je veux.

— Ah, j'ai bien remarqué, ne t'inquiète pas, mais tu n'en feras rien parce que tu es trop obsédée par moi.

— Tu n'as rien remarqué.

— Si, j'ai vu le regard qu'Ayden porte sur toi.

— Cette conversation n'a aucun sens.

Il ouvre la bouche pour répondre quelque chose, mais il est interrompu par un bruit à l'étage. Nous levons tous les deux la tête au même moment. J'observe les lattes du plancher en fronçant les sourcils.

— C'était quoi ça ? Tu n'as pas fait le tour de la maison ?

— Bien sûr que je l'ai fait. Et elle était vide. Ça doit être un animal.

Je hoche la tête sans grande conviction. Un deuxième bruit se fait entendre et je sursaute. Il coupe la corde qui nous lie d'un coup sec de lame.

— Reste-là, j'arrive dans deux minutes.

Je hoche la tête et attends patiemment en regardant avec insistance l'obscurité du couloir par lequel il vient de disparaître. Je tends l'oreille en me demandant si un combat va éclater. Un bruit dans mon dos me force à me retourner. Une femme longiligne et évanescente me regarde de ses yeux délavés avec un air détaché. Comment est-elle arrivée ici ?

Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant