Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légende

Chapitre 46

L'idée que le roi voit ma larme couler m'est insupportable, mais je ne peux l'essuyer rapidement. Un mouvement attire mon attention dans le dos du prince et du roi. Gaspard marche avec détermination, il arrive dans le dos de Varas kare alors qu'elle admire le spectacle qu'offre mon exécution.

— C'est bien Éros. Continue, dit le roi.

Je me force à regarder Éros, alors que dans ma vision périphérique j'aperçois ce que fait mon ami. Il se glisse derrière la créature et lui tranche la gorge d'un coup sec. Je l'entends à peine agoniser. Éros fronce les sourcils alors que j'humidifie mes lèvres. Il se stoppe dans son geste et je me baisse d'un coup pour le faucher. Il tombe lourdement au sol.

— MAIS RELÈVE-TOI, NIGAUD !!!! Hurle le roi Horos.

Tout à coup, l'enfer s'abat sur nous. Des flammes créent un cercle parfait pour nous enfermer. Un cri effrayant rugit et chaque personne présente lève les yeux pour voir le dragon en colère qui vole en cercle au-dessus de nous.

Je profite de cette surprise pour pointer une épée que je viens d'invoquer grâce à mes aptitudes sur le cou du roi Horos. Une deuxième lame apparaît dans ma main libre et je la pointe vers le cou d'Éros qui vient de se relever. Le roi frappe une fois dans ses mains.

— C'est vrai, j'avais oublié que tu savais faire ça toi aussi. Et un dragon... Tu as réussi à me surprendre. Mais ça ne te sera d'aucune utilité contre Éros en colère.

Je braque mon regard une demi-seconde sur ce dernier. Le roi profite de ce moment d'inattention pour me donner un cou dans le genou. Déstabilisée, je baisse mes armes et Horos me pousse dans les bras du prince. Il me rattrape par les épaules et me détaille avec insistance alors que mes épées de fumée disparaissent. Ils m'ont déconcentré... Éros me jette au sol et se tourne vers son père. Surprise par ce geste, je reste pétrifiée.

— Mais qu'est-ce que tu fais ? demande le roi.

— Avant de la tuer, j'ai une question à vous poser. Il ne laisse pas le temps à Horos de dire quoique ce soit. Comment la connaissez-vous ?

Il penche la tête vers la droite comme s'il épiait sa proie. Fëanáro hurle à nouveau, mais je le stoppe d'un geste à la main et il reste en vol statique au-dessus de nous. Gaspard s'avance vers moi et je lui montre le siège sur lequel le roi était pour que mon ami reste caché. Ils ont l'air de l'avoir oublié ou de ne pas le juger assez important pour s'en inquiéter.

— Pourquoi devrais-je te répondre ?

— Parce qu'il y a beaucoup de zones d'incertitudes en ce qui la concerne et que j'aimerais qu'on m'éclaire.

— Tu vois, c'est exactement pour ça que j'ai dû intervenir. Tu laisses tes sentiments prendre le dessus. C'est si décevant.

— Intervenir ?

— Noyer ses sentiments dans l'œuf, tant qu'il en était encore temps.

— Vous m'avez lavé le cerveau ?

— Ce n'est pas grand-chose... Ose dire que tu n'étais pas mieux quand elle n'était pas dans ta vie. Elle aurait dû mourir il y a bien longtemps.

Je me relève en faisant le moins de bruit possible pour éviter d'attirer l'attention sur moi. J'attrape mon épée laissée au sol. Beaucoup de choses me paraissent plus claires à présent. Éros a perdu ses souvenirs par la faute du roi. Il est donc encore coupable d'un des nouveaux maux qui régissent ma vie et celle de son fils...

Éros a un mouvement de recul face au dire de son père. Il semble réellement atteint par ses propos.

— Vous me considérez donc si peu pour que mes souvenirs ou sentiments vous importunent... C'est à cause de vous si la mort de ma mère m'a si peu atteint ?