Chapitre 44

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Ils se sont abattus sur nous avec une telle force et une telle brusquerie que je ne m'en remets toujours pas. Tellement de corps jonchent déjà le sol. Mon épée en main, je suis recouverte de sang de la tête aux pieds. J'ai arrêté de compter le nombre de personnes que je pourfendais de mon épée. Je n'ai encore eu aucun moment de répit et je n'ai pas repéré le roi Horos. Comment tuer un homme invisible ?

J'attrape un homme vêtu des couleurs de Nostraria, rouge et noir. Il gémit à mes pieds.

— Où se trouve le roi Horos ?

— Il est resté derrière... du sang s'écoule de sa bouche. Les têtes couronnées ne se battent pas sur le front.

Il s'étouffe sur ses derniers mots à cause du sang qui s'accumule dans sa gorge et je décide d'abréger ses souffrances en lui tranchant la gorge. Je le lâche et me relève alors que les combats font rage autour de moi. Les tentes brûlent avec ferveur, les cris des soldats qui m'entourent me heurtent un peu plus à chaque seconde qui passe. C'est la première fois depuis qu'ils se sont jetés sur nous que je peux réfléchir correctement, la première fois que la soif de sang et de vengeance ne réfère pas chacun de mes gestes. J'ai perdu de vue mon frère et Cali depuis bien longtemps. Je n'ai revu personne de mon cercle proche depuis que les combats ont commencé.

J'inspire profondément une bouffée à l'odeur âcre de corps brûlés et de sang. Je n'en ai jamais vu autant de ma vie. Léandre avait mille fois raison quant à l'horreur de la guerre. À présent, je dois repérer l'endroit où les dirigeants nostrariens patientent en observant leur massacre.

Une femme en rouge et noir se jette sur moi avec une lueur de folie dans le regard. Je me baisse, elle passe à côté de moi. Je me retourne et plante mon épée dans son dos avant qu'elle ne puisse contrer. Son corps s'abat sur le sol humide et rougit. Une flèche atteint avec force mon épaule gauche. La douleur me paraît lointaine, j'ai déjà tellement de plaies sur le corps que mes terminaisons nerveuses ne savent plus où donner de la tête. Je me retourne pour trouver le tireur, qui a déjà été tué par un soldat édryen. Un autre homme se précipite vers moi, mais un loup brun l'intercepte et le secoue dans tous les sens. Je dois m'éloigner de cette folie pour repérer le roi, c'est ma seule et unique mission. Je crée un portail pour m'éloigner du champ de bataille.

J'atterris à l'orée du bois non loin des massacres. En me retournant, je me rends compte qu'un ennemi m'a suivi, mais que Gaspard l'a tué avant même que le soldat nostrarien ne m'atteigne. Mon ami se tient debout dans la lueur bleutée du portail que je m'empresse de refermer. Il est aussi sanglant que moi, mais il n'a aucune plaie visible.

— Tu es blessée ? me demande-t-il.

Il voit la flèche dépasser de mon épaule et écarquille les yeux tandis que je hoche la tête. Mais ce n'est pas ma seule blessure. Sous la couche de sang de mes ennemis, je sais que trois entailles marquent mon abdomen, ma cuisse droite et mon bras gauche.

— Et toi ?

— Quelques coupures, mais rien de grave. Je vais te la retirer et guérir ça.

Il indique d'un mouvement de tête la flèche qui transperce mon épaule.

— Je ne vais pas t'en empêcher.

Il s'approche de moi et me demande de m'asseoir. Je lui obéis et place entre mes dents un de mes fourreaux en cuir. Le goût métallique du sang me dégoûte, mais je sers le cuir sans émettre de commentaire. Il casse la flèche et j'ai l'impression que des milliers d'aiguilles se plantent dans l'entièreté de mon épaule. Je contracte la mâchoire. Il l'arrache d'un coup et je retiens un cri. C'est pire que les milliers d'aiguilles. J'expire bruyamment alors qu'il s'excuse. Une fumée brune se dégage de ses mains et je sens déjà la plaie se refermer lentement. Je retire le fourreau quand la douleur s'estompe.

Le Joyau de Nostraria, tome 3 : la naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant