3 :Imprévu

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Anna

Deux ans plus tard.

J'enfile cette mini-jupe beige et mon fin haut orange laissant voir une de mes épaules espérant ne pas mourir de froid. J'enlève les bigoodies de mes cheveux, oui je fais parti de ces gens qui préfèrent galérer à mettre leur t-shirt plutôt que de les enlever avant. Si je continue à me déhancher sur du Rihanna plutôt que de me préparer, Daisy va m'appeler en criant.

Il manque quelque chose. J'attrape mon rouge à lèvre rouge et le fais glisser sur mes lèvres, orange et rouge,c'est, coloré, mais qui le fera si moi je ne le fais pas.

- Anna, dépêches-toi ! Me crie Daisy au téléphone comme je l'avais prévu.

Je n'eus pas le temps de répondre quoi que ce soit car elle raccroche aussitôt. Dans le hall, j'essaye de le mettre le plus rapidement mes bottines marrons à talons et crie :

-J'y vais !

Sophie et Marc accoururent et me serrèrent dans leurs bras.

- Fais attention ma chérie, dit Sophie.

Ils m'appellent ainsi, mais moi, je ne les appelle pas papa et maman ou je ne les désigne jamais comme mes parents, car ils ne le sont tout simplement pas. Ils ne cessent de me répéter que je dois faire mon deuil et que je m'habitue, que ça viendra tout seul mais ils ont tout faux.

- Je t'en prie, ne bois pas d'alcool et fais attention, dit Marc après m'avoir lâchée.

Toute personne trouverait ça mignon, il veut juste prendre soin d'elle, en effet seulement c'est surtout parce qu'il voit son ancienne fille morte en elle. Dans cette maison, je ne suis que l'ombre de cette Jade.

- Oui, dis-je en affichant un foutu sourire puis sors d'ici.

Daisy est là adossée à la voiture de son frère garée devant chez moi.

- Tu es enfin là, j'ai cru que tu ne sortirais jamais.

- Je ne trouvais pas ma jupe, lui expliquai-je tout en montant derrière.

- Je parie qu'elle était devant toi.

- Non, je t'assure, elle était in-trou-vable.

Son frère laisse sortir un petit rire avant de dire :

- Et elle était où ?

- Heu.. je ne sais plus, mentais-je parce qu'en réalité je l'avais finalement trouvé à sa place. Je crois que des lunettes ne seraient pas de trop parfois.

Daisy soupire de désespoir et Ali reprend :

- Bon les filles moi je ne viens pas avec vous, je serais chez un pote qui habite pas loin alors vous m'appelez quand c'est fini ou s'il y a un problème.

- Oui oui, lui répond Daisy blasée. Mais tu sais j'aurais pu conduire j'ai la conduite accompagnée hein.

- Oui mais je ne veux pas d'accident, se moque-t-il.

- Tu parles je sais mieux conduire que toi.

- Mais bien sûr.

- T'as révisé les paroles, me demande-t-elle en se tournant vers moi.

- Oui, même les gestes, regardes.

Je me mets à battre le rythme en balançant ma main de haut en bas. Elle me suit en faisant des cercles en rythme avec son poing fermé.

- Et bien c'est parfait puisqu'on est arrivé, nous coupe Ali.

- Merci d'avoir fait le taxi, dis-je avant de sortir.

Nous nous faufilons parmi la foule pour ne pas être tout derrière.

- C'est peut-être moi mais cela ne devait pas être en plein air si ? Dis-je dans l'oreille de Daisy pour qu'elle puisse m'entendre malgré le bruit.

- Je ne sais pas du tout, me répond-t-elle.

J'étais pourtant persuadée que le concert était en salle. Tout le monde commença à crier et à lever les mains en l'air. Sur scène un type, mais pas Bryan Satyri. Des filles lèvent des pancartes et d'autres crient sans doute son prénom, Eden. Daisy et moi nous regardons, l'air perplexe.

- C'est qui lui ?

- Hein ?

- C'est qui lui ?! Crie-t-elle plus fort pour que je parvienne à entendre.

- Je ne sais pas mais certainement pas Bryan.

- On fait quoi, on se casse ?

Franchement je n'ai pas du tout envie de rentrer chez moi et de faire face à mes pensées, pas aujourd'hui.

- On reste, on verra bien. Au pire ça fera une anecdote, reprend-t-elle.

Je lui souris et lui crie:

- Oui faisons semblant de connaître les paroles.

Elle se met à rire.

- J'espère que ce sera quand même du rap américain, reprend-t-elle.

J'hausse les épaules en guise de réponse. Des lumières apparaissent sur scène et la musique démarre. Je sais déjà que ce n'est pas du tout du rap américain mais plus le genre chaud et doux. Le genre de musique où tu ne fais que te déhancher lentement. Daisy me regarde et je lis dans son regard un truc du genre, merde c'est vraiment tout l'inverse de ce qu'on avait prévu.

And you know I can't see the light

As they take off their clothes

Baby, you're a parasite

But you look like a rose

Drugs still being sent

It makes everything look innocent

I said I was making her weak

She wants to be a monster to me, yes

Baby you're my enemy and my country at the same time.

You're more harmful than a cigarette, but not bad enough for me to stop.

I have fallen again into your beauty,

a melodious and monstrous beauty,

luminous yet mocking,

harmonious and dangerous.

Contre toute attente, j'aime plutôt bien et me prête au jeu. Moi aussi je finis par balancer doucement mes hanches de gauche à droite. Je ne le connaissais pas mais il est plutôt doué, il a réussi à plonger tout le monde dans cette atmosphère particulière, propre à lui. Il entame sa deuxième musique et le son de sa voix nous colle presque à la peau.

She's so fine.

These words are yours,

Baby never, ever leaves me.

Will you love me?

Interesting.

Drop that shit for me

Mais le reste de la musique résonne péniblement dans mon crâne. Je m'accroche au bras de Daisy qui dansait mais cela ne résout rien. Je sens peu à peu mes paupières se fermer sans pouvoir rien faire. 

Nos âmes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant