5 :Invitées

46 3 0
                                    

Eden

Je me suis encore trompé. Ces couleurs commencent sérieusement à m'agacer.

Une fois qu'elle à le dos tourné, je la suit calmement.

- C'est bon je l'ai récupéré, mais je suis désolée, je n'ai pas assez. Il ne fait pas froid, c'est déjà bien, dit-elle à cette autre fille brune et au teint chocolat.

Celle-ci me désigne légèrement du doigt et elles me fixent toutes les deux pendant quelques secondes.

- T'as pote vas devenir ma styliste, lâchais-je.

- C'est vrai ?!

- C'est n'importe quoi ! Disent-elles en même temps.

- Arrête ça et barre toi de là ! Me crie-t-elle dessus.

Cette Anna, il me semble, n'a pas changé. Je me rappelle d'elle comme si c'était hier.

- Quatorze ans, limite quinze, marmonnais-je si bas qu'elles ne m'entendirent pas.

- Hein ?

- Et bien ma danseuse si tu préfères, fis-je mine de répéter.

- Vous vous connaissez ? Nous interroge la brune.

-Non.

- Si.

- Pas du tout, je ne savais même pas qui tu étais il y a trois heures.

- Certes ; mais maintenant tu le sais.

Elle regarde cette autre fille qui à l'air juste épuisée. Anna, je suis toujours pas sûr, le remarque et se tourne violemment vers moi et crache déterminer :

- Une semaine.

- Laisse-nous dormir chez toi ce soir et je t'aiderais à faire ce que tu veux pendant une semaine, reprend-t-elle.

Je reste dubitatif à sa soudaine proposition.

- Mon frère qui nous servait de chauffeur est bourré et on habite à une heure de route, explique la brune.

Je n'aime pas ramener des gens chez moi. En fait, je crois même que je déteste ça. Mon apparte est bien c'est pas le problème, mais j'ai toujours été réticent à ce que les gens viennent chez moi. Mon apparte est mon endroit de paix, mon nuage survolent tous mes problèmes.

Seulement, cette fille m'intrigue. Elle est la seule qui ne me saute pas au coup ou qui ne me parle pas avec cette voix mielleuse, au contraire. Elle m'envoie balader comme ce jour-là quand elle est venue chercher un joint. J'en ai vu des gens depuis mais aucun n'est aller à l'encontre de mes paroles ou intentions. Je déteste ça.

- C'est toi qui l'a dit, répondais-je enfin.

Elle soupire le visage toujours autant froissé.

- Je reviens tout de suite, reprenais-je.

Je me dirige vers Godzilla, c'est comme ça que je le surnomme.

- Ne me suit pas jusqu'à chez moi. Je te le répète encore et encore, je n'aime pas ça alors arrête de faire le sourd.

- Je ne fais que mon travail, je dois vous protéger, réplique-t-il.

- Je n'est besoin de personne pour me protéger, je t'assure mec, puis même si tu ne viens pas tu seras payé quand même.

Certes il est incroyablement musclé et grand ce qui intimide nombreux mais c'est le genre à compter que sur ça, il ne sait absolument pas se battre, c'est une catastrophe.

- Et s'il vous arrive quoi que ce soit, persiste-t-il.

Je viens pourtant de lui dire qu'il y aura le même nombre inscrit sur sa paye alors pourquoi il s'obstine à faire le mec qui prend au sérieux son boulot.

- C'est certainement pas toi qui empêcherait le mal de se produire, sache que si quelqu'un veut m'agresser il le fera que tu sois là ou non alors lâche-moi.

J'attrape mon sac à dos et me barre pour de nouveau les rejoindre.

- Suivez-moi.

Elles me suivent en silence jusqu'à ma bagnole, une Mustang GT500 blanche de 1967. Elle grimace encore je ne sais pourquoi mais sa pote, elle, sourit en voyant ma voiture.

- Wow, sympa ta voiture, dit-elle. Au fait, moi c'est Daisy.

- Eden, dis-je en mettant ma main sur mon torse avant d'ouvrir la porte de la bagnole.

Elles entrent à leurs tours s'asseyant sur la banquette arrière. Je démarre et allume la radio pour faire abstraction du silence malaisant.

- Et bein, tu écoutes même tes chansons dans ta voiture, dit-elle comme pour me faire comprendre que j'ai trop pris la grosse tête pour pas grand chose en plus.

Je change de radio immédiatement.

- J'y peux rien si mes sons passent à la radio.

Je la vois lever les yeux au ciel dans le miroir.

- Est-ce que ça fait longtemps que tu fais de la musique ? M'interroge Daisy alors que je passe un feu vert.

Je ne sais pas trop quoi répondre. J'en fais depuis petit, depuis mes huit ans mais le succès est monté en flèche il y a un peu moins de deux ans.

- Deux ans, finis-je par répondre.

J'esquisse un sourire quand je vois Anna essayer de remettre un minimum en place ses cheveux blonds. Cette fille ressemble à une folle.
La brume embaume le parking et je m'y gare.
- On est arrivé, annonçais-je.

Elles descendent en silence et j'enlève le contact. Elles se regardent mais n'émettent aucun bruit ce qui me laisse une sensation étrange.

Après être monté au troisième étage avec l'ascenseur, j'ouvre la porte d'entrée. Je la referme derrière moi, les laissant sur le palier le temps que je balaye tous les sachets de substance du plan de travail pour les mettre dans un tiroir du meuble à l'entrée. Je retourne leurs ouvrir.

- Vous pouvez dormir ici, dis-je en désignant la porte à droite au fond du couloir.

- Merci, me répond Daisy.

J'observe Anna attendant un mot de sa part mais rien alors je m'enferme dans ma chambre une fois qu'elles ont franchi la porte que je leur ai indiqué. Je remarque au sol la nuisette noir que portait cette fille hier. Je l'ai mise dehors tôt, elle a dû l'oublier. D'ailleurs moi aussi j'avais besoin d'oublier hier mais finalement j'ai fini par dormir à vingt heure. Je voulais oublier mes problèmes mais je n'y arrive pas. J'ai l'impression de ne plus ressentir aucune émotion, plus aucun sentiments. Est ce que je peux encore être vraiment qualifié d'humain si je suis juste vide à l'intérieur, si il n'y a que mon enveloppe corporelle qui est présente? Plus rien à l'air de me faire vibrer. Je pars pourtant tout le temps vers l'inconnue mais il me semble ne pas encore avoir trouvé l'inconnue qui me fera renaître, revivre, émettre le rire de quand j'étais enfant.

Nos âmes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant