12 :Sentiment passagers

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Anna

- Je n'ai pas envie de rentrer, je veux rester ici, affirmais-je.

- Tu as entendu tu ne dois pas rentrer tard et il est déjà presque vingt-deux heures.

- Tu ne veux pas de moi, c'est ça hein ?

Je n'avais jamais remarqué que son profil était aussi beau. Encore plus avec cette expression sérieuse au volant, ça lui donne un côté séduisant.

- Crois-moi si ça ne serait que de moi tu resterais toute la nuit à mes côtés, me répond-t-il en tournant la tête vers moi avec un grand sourire si bien qu'on ne voit plus ses yeux.

Je retire mes converses noires et abaisse le siège. J'étire mes bras joyeusement et me laisse tomber sur celui-ci.

- Je peux savoir ce que tu fais ?

- Et bien je vais dormir. Moi, je ne rentrerais pas chez moi et toi tu auras le plaisir de dormir dans le même endroit que moi on est tous les deux comblé, n'est ce pas ?

Je n'arrive pas à le lâcher. Même mon siège comme ça, je m'oblige à trouver une position où je peux le voir.

- Tu es vraiment différente quand tu bois, rit-il.

Je me relève brusquement agrippant son bras avec mes deux mains avant de dire vexée :

- Comment ça !

Il continue de rire et cela suffit à me calmer et me faire sourire.

- C'est pas grave si tu ne m'aimes pas comme ça, je te pardonne.

Je l'embrasse sur la joue et m'allonge de nouveau, fermant les yeux cette fois même si mon sourire me trahit. Je ne le vois pas, mais je suis presque sûr qu'il a tourné la tête surpris. Il semble avoir dit quelque chose mais je suis déjà à moitié endormie pour comprendre.

*

J'ai mal au crâne et j'ai froid. J'ouvre les yeux et je vois que je suis dans les bras musclés d'un homme. Je lève la tête et je réalise que c'est Eden. Qui cela aurait pu être d'autre en même temps. Je ne dis rien. De toute façon, je n'en ai pas la force. Quand il sonne à la porte de chez Marc et Sophie, je referme les yeux, faisant mine que je dors. Je ne veux pas encore qu'il me sorte leur faux discours inquiet.

- Oh la voilà enfin. Marc va la porter jusque dans sa chambre. En tout cas, nous te remercions de prendre soin d'elle comme tu le fais.

- C'est mon rôle après tout.

- Nous ne l'avons appris qu'aujourd'hui, je veux dire qu'elle ne nous a jamais dit qu'elle avait un petit ami. Mais c'est une bonne chose. Nous ne sommes pas rassurés de la laisser sortir seule, vous comprenez que notre petite Jade nous est précieuse. Alors je compte sur vous pour en prendre soin et veiller sur elle.

- Heu.. oui bien sûr vous n'avez pas à vous en faire.

- Je vais la porter, affirme Marc.

Je m'agrippe au tissu de son pull pour ne pas qu'il me lâche.

- Je vais le faire.

- Oh très bien, c'est à l'étage la porte à droite.

Je sens que nous entrons dans la maison. Ses bras me serrent plus fort. Je rouvre les yeux alors qu'il monte les marches en bois blanc. Tout à coup j'ai envie de pleurer. Ou d'hurler. Il observe sa chambre sur le seuil de celle-ci. Son regard se pose sur les photos de famille où je ne suis pas, sur ces posters qui ne me correspondent pas, sur ces décorations pas à mon goût puis sur mon carnet et ma trousse dans un coin, prenant le moins de place possible. Il me dépose délicatement sur son lit et mon dieu je regrette de ne pas avoir résisté, de ne pas m'être agrippée plus fort pour qu'il ne me laisse pas. Il sait sans doute que je ne dors pas pourtant, je m'obstine à garder les yeux fermés. Je sens la couette se coller à ma peau lorsqu'il me recouvre de celle-ci. Le matelas s'affaisse quand il s'assoit sur le bord du lit.

- J'ai compris maintenant, chuchote-t-il. Tu sais, c'est toi qui m'impressionne Anna.

Sa main enlève les quelques cheveux recouvrant mon visage. Je ne sais pas à quel point il est près de moi, mais je sens son souffle près de mon oreille.

- Je suis désolé.

Je le sens se relever et s'éloigner. J'ai envie de lui dire de rester en fait je serais même prête à le supplier, à pleurer, mais je sais que ce n'est que l'alcool et que demain tout sera passé.

Et voilà, il ne reste maintenant plus qu'aujourd'hui avant mon anniversaire. Je redoute ce jour comme la peste. Mais il doit arriver tous les ans, et c'est toujours pareil.

- Je vais acheter un gâteau pour demain, tu le veux à quoi, au chocolat ?

- Non, aux fraises.

- Aux fraises ?

- Oui.

Je suis en train de déjeuner sur la table du salon, noyant mon regard dans mon bol de lait chaud.

- Pourtant d'habitude on prend au chocolat, insiste-t-elle péniblement.

- Et bien t'as qu'à prendre au chocolat de toute façon je n'en mangerais pas !

Je me lève agacée et retourne en haut. Pourquoi ne comprend-t-elle pas! Cela fait presque un an que je suis ici et c'est elle qui ose dire de faire mon deuil, c'est vraiment le monde à l'envers. J'étale le crayon noir dans ma muqueuse puis mets du mascara. J'enfile l'uniforme du lycée tout en sachant d'avance que je vais devoir affronter les regards pesants de certains passants. Ma jupe quadrillée bleue marine est toute froissée. Quant à ma chemise je n'en parle même pas. Il ne pleut pas mais je peux voir le vent tordre les branches d'arbres dehors alors par dessus j'enfile ce pull col v gris foncé sur lequel se trouve l'écusson de lycée. Je suis en avance comparé à d'habitude. Mais une chose ne change pas, je n'ai toujours pas hâte d'y être. Je m'assois sur mon lit, fixant mon reflet terne dans le miroir en face. Nobody dans les oreilles je saisis le kit de piercing pas cher que j'avais acheté il y a longtemps rangé au fond d'un tiroir. Je m'approche plus près du miroir et enfonce l'aiguille dans la chaire de mon nez. Je la remplace ensuite par un fin anneau métallique. Je la pose immédiatement car sinon je serais bien capable de m'en faire d'autres. Je prends mon sac et décide que pour aujourd'hui je ne porterais pas mes converses mais mes DR Martens.

Je claque la porte d'entrée derrière moi sans dire un mot. Le vent agresse ma peau et je ne regrette pas d'avoir tressé mes cheveux en deux nattes.

- Votre femme ne serait pas très contente de vous voir reluquer une lycéene. Espèce de connard, lâchais-je avant de sortir pour franchir le portail.

Daisy accourt vers moi suivi de Ryler et un autre type qui marche derrière elle.

- Anna mon dieu tu vas bien! Dit-elle en m'étouffant dans ses bras.

- Oui ce n'était rien de grave.

- Les professeurs n'ont pas voulu nous dire un mot de ce qu'il s'était passé alors tu comprends je me suis fait un sang d'encre.

- Une voiture ne m'avait pas vu, mentais-je.

Je me rends compte que je ne fais que inquiéter Daisy, je ne lui cause que des tourments.

- L'essentiel c'est que tu ailles bien, rétorque Ryler.

- Mais comment ça se fait? J'espère que le conducteur a été sanctionné!

- Je ne sais pas. Il n'a pas fait exprès après tout.

- Oui mais tu aurais pu y laisser la vie.

J'aurais en réalité bien aimé. En y repensant lui aussi aurait pu y laisser sa vie, à cause de moi. J'ai dû fixer le sol trop longtemps car Daisy me chuchote en me reprenant dans ses bras:

- Anna, la voiture toi tu l'avais vu, n'est ce pas?

Je sens mon corps se figer. Elle me regarde interminablement mais elle sait qu'elle n'aura pas de réponse.

- Au fait moi c'est Connor, se présente l'autre type planté à côté de Ryler.

Au même moment Daisy me fait un clin d'œil seulement je ne saisis pas pourquoi. 

Nos âmes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant