Chapitre 35: Poison déguisé

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Anna

 Le froid congèle mes mains à l'instant où je sors de l'immeuble. Pourquoi il faut toujours que la vie soit ainsi, qu'elle soit si cruelle. J'ai vu à ses yeux, à sa voix, que je le dégoûtait, qu'il ne voulait plus jamais me voir. Mes larmes tâchent la manche de son pull qu'il m'avait donné quelques heures plus tôt. Je le savais pourtant. Mais j'ai voulu y croire, c'est ça le problème avec les humains, on veut toujours croire. L'espoir fait vivre mais il fait aussi mourir. Finalement, même si c'était lui mon âme sœur, même si c'était lui qui possédait la fin de mon fil du destin, ça ne pourra jamais marcher, pas dans cette vie là. Je peux m'en prendre qu'à moi. Peut-être même que je l'ai mérité. J'aurais dû couper les liens avec lui, pour de bon, je crois que j'aurais eu sans doute moins mal. Je constate que j'ai mordu ma lèvre un peu trop fort parce que maintenant elle saigne.

L'amour n'est qu'un poison qui prend l'apparence d'un remède. Rien ni personne ne pouvait me guérir, me rendre heureuse au long terme comme je l'ai été ces derniers jours, encore moins une âme brisée comme celle d'Eden. Parce que oui j'ai voulu croire que deux âmes brisées pouvaient s'aider. J'ai aussi voulu croire qu'il viendrait me chercher si je restais debout devant l'immeuble une minute de plus. Pourtant il n'est pas là. Je renifle une dernière fois et essuie mes larmes même si de nouvelles viennent s'immiscer à la seconde suivante. Il faut que j'avance, il faut que je traverse, alors pourquoi mes jambes restent bloquées comme une ancre au fond de l'eau? J'espère encore qu'il crie mon nom. Allez bouge! Il ne viendra pas alors bouge! De mes poings je tape mes jambes jusqu'à ce que j'arrive enfin à lever un pied. Si je marche je sais que je m'arrêterais alors je me mets à courir sans vraiment regarder les alentours. Je regarde uniquement le chien que promène une vielle femme. Il ressemble à Jumbo.

- Attention!

Je m'arrête soudainement quand je vois l'expression de cette femme devenir grave. Je n'ai pas le temps de faire quoi que ce soit que je me retrouve au sol. Ma vue se brouille rapidement. Je n'ai la force que de voir les pneus noirs d'une voiture tout près de moi. La neige est froide, très froide, si froide que je ne sens plus mes jambes. Peut-être que la mort m'était inévitable, c'est finalement quand je voulais vivre qu'elle vient me chercher. Tout compte fait, il n'est pas venu. Je me rends compte trop tard qu'en réalité deux âmes brisées ne peuvent malheureusement pas s'aider.

Nos âmes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant