13 :Larmes aux yeux

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Anna

- J'en ai marre, je n'attends plus que les vacances. Pas toi?

- Je m'en fiche.

Mais pourquoi suis-je ici déjà? Ryler a encore entraîné Daisy dans ses plans foireux.

- Et bien parles moi de ce que tu aimes. Il y a sûrement des choses qui font apparaître de petites étoiles dans tes yeux.

- Heu..non.

Connor explose de rire sans doute à cause de mon ton radical, cela nous attire d'ailleurs les avertissements de Mme Bouquin. Quand même elle porte vraiment bien son nom, elle travaille dans une bibliothèque et son nom de famille est Bouquin, je pense que c'était une destinée.

- Alors il n'y a vraiment rien?

Il observe les dessins qui décorent les nombreux espaces blancs dans mon cahier de science.

- On va dire l'art, reprenais-je très peu sûre de moi.

- Pour dessiner comme ça tu as dû commencer très tôt non?

- Oui, je dessine depuis que je suis petite. En fait pour moi je dessine depuis toujours, aussi loin que je me souvienne je tenais déjà un crayon en main.

- Je vois, c'est un peu pareil pour moi avec le base-ball. J'aurais bien aimé savoir dessiner moi aussi mais personne n'a ce don dans ma famille.

- Moi non plus. Tu sais ce n'est pas un don juste de l'acharnement, et puis quand je dessine je suis comme enveloppée dans une bulle imperçable.

- Tu vois, je ne sais pas pourquoi mais je pensais que tu tenais ça de ta mère.

- Et bha non. C'était plus le chant elle.

- C'était? Elle ne chante plus?

Je baisse les yeux sur ma feuille. Ma gorge se noue. Cela fait longtemps pourtant, je ne devrais plus avoir autant de mal à en parler.

- Non, en fait, elle est morte.

Connor baisse à son tour les yeux pour éviter mon regard. Confus, j'ai l'impression qu'il cherche

soigneusement ses mots pour ne pas dire quelque chose de maladroit alors je reprends:

- Ne t'inquiètes pas ce n'est rien, ça fait neuf ans maintenant.

Neuf ans aujourd'hui. Ce jour, le quatorze octobre, le début du néant.

- Ne me mens pas Anna, ça fait peut-être neuf ans mais ça t'affecte, et c'est normal.

- Non, c'est du passé maintenant.

- Alors pourquoi tu as les larmes aux yeux?

Sa remarque me laisse muette. Pourquoi je cherche à mentir comme ça? Pourquoi il faut toujours que je me force à me cacher? J'ai le droit de montrer mes émotions moi aussi après tout, pourtant je déteste ça. Cela ne fait que me rappeler que je suis juste faible. Me mentir à moi-même est sans doute plus simple. Je ne l'avais pas remarqué mais une larme a tâché la feuille de mon cahier ouvert. Je cligne des yeux rapidement et passe ma manche sur mon cahier ce qui fait légèrement baver les quelques mots qui y sont inscrits avec l'encre noire de mon stylo. Je range mes affaires et me lève brusquement.

- Mêles toi de ce qui te regarde. Rappelles-toi que ce n'est pas parce que tu es le délégué principal que tu dois toujours te mêler des affaires des autres.

Il reste silencieux. Je regrette déjà ce que j'ai dis. Il n'a rien fait, encore une fois c'est moi le problème. Je claque la porte de la bibliothèque et je suis certaine que Mme Bouquin a dû froncer les sourcils puis soupirer d'agacement. Je me dirige vers l'entrée et dit à un pion qui se trouve devant:

- J'ai un rendez-vous chez la psy.

- Tu as un billet de sortie?

- Non. En fait ce n'était pas prévu et je n'ai pas pu le faire signer.

- Mais tu sais bien que tu ne peux pas sortir sans.

- Je sais, je ne voulais pas y aller, mais ma tutrice vient de m'envoyer un message comme quoi c'est vraiment important. S'il vous plaît.

Il me regarde avec tellement de pitié que j'ai l'impression qu'il lit en cet instant toutes mes pensées horribles qui ont la fâcheuse tendance à revenir sans cesse.

- La prochaine fois tu fais bien un billet sinon je ne te laisserais pas sortir d'accord?

- Oui, merci.

Je n'ai pas totalement menti à vrai dire. J'avais bien un rendez vous avec ma psy mais comme d'habitude je passe mon temps à l'éviter et mens à Marc et Sophie en disant que je vais bien la voir. Le pion referme le portail derrière moi et au même moment je reçois un message de Eden. Celui-ci me demande à quelle heure je finis. J'hésite un instant avant de lui répondre mais je suppose qu'être avec lui est mieux que d'être à la maison.

Moi: Je viens de finir ma journée.

Eden: Ne bouge pas, j'arrive.

Eden: Tu ne t'en vas pas hein.

Eden: Ne me répond pas surtout hein

Je vois sa Mustang blanche arriver. Il se gare un peu plus loin alors je me lève du rebord sur lequel j'étais assise et rejoins la voiture.

- Tu sais j'adore quand tu réponds pas à mes messages, me lance-t-il quand j'ouvre la portière.

- T'as qu'à arrêter d'écrire des messages en conduisant.

- Comment ça se fait que tu sortes à midi trente?

- Je vois pas en quoi ça te regarde.

- Toi aussi ça t'emmerde les études?

Je ne suis pas venue ici pour parler de ça, sérieusement.

- Comment ça toi aussi?

- Et bien je suis déscolarisé.

J'ouvre ma bouche stupéfaite. Je la referme sentant ma bave arriver.

- Tu es au lycée?!

Moi qui croyais qu'il avait dans la vingtaine. Enfin en le regardant bien son âge est dur à évaluer.

- Je devrais être en terminal. T'as l'air choquée.

Je cesse de le fixer avec de grands yeux et dis:

- Je parie que tu étais le cancre de ta classe.

- C'est pas totalement juste.

Son air amusé s'estompe, ce qui me laisse lire cette lueur vide dans son regard.

- Bon on va où là ? Changeais-je de sujet.

- M'acheter des fringues maintenant que mon dressing est vide.

- Une vraie fille.

Il attrape mon poignet d'une main et me tire vers lui sans détourner les yeux de la route. Je suis maintenant assez proche pour sentir son parfum masculin mélangé à l'odeur de son déo. Il tourne la tête doucement avant de dire avec un sourire en coin.

- Alors fais de moi un homme.

- On verra si je peux rattraper ça, répondais-je sans me laisser déstabiliser par notre proximité. Mais avant je veux me changer.

- Pourquoi, je le trouve très sexy cet uniforme moi.

- Justement.

- On peut passer chez moi si tu veux mais je n'aurais pas grand chose à te prêter.

- Je prendrai ce qu'il y a.

- D'ailleurs, notre deal devait durer une semaine mais on va devoir l'écourter. J'étais censé avoir deux semaines de repos mais je reprends les répéts' bientôt alors ça va être compliqué.

Etrangement, cela m'attriste un peu, parce que cela veut dire que la routine va reprendre, que je n'aurais plus rien pour retarder l'heure à laquelle je dois rentrer. 

Nos âmes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant