Eden
Alors qu'elle est partie, je suis resté sur le sol pendant une bonne dizaine de minutes. Elle m'a laissé presque hébété. Je me souviens parfaitement de ses yeux noisettes qui me scrutaient et de son soutien gorge blanc caché sous sa chemise que je pouvais voir grâce à ces deux premiers boutons ouvert. Et voilà que cette nuit j'ai rêvé d'elle. Moi qui ne rêve d'habitude jamais, mis à part ce cauchemar qui revient sans cesse. Ce rêve était putain de bien. Elle était assise à l'îlot de cuisine me regardant cuisiner pour elle. Il était tard, tellement tard que la nuit semblait s'être figée nous laissant dans une pénombre infinie. Elle s'est approchée de moi et a passé ses mains chaudes autour de ma taille pour que nos corps qui s'attiraient soient enfin réunis. Je me souviens de la façon dont elle me dévorait du regard. D'ailleurs c'était plus que réciproque. Mon téléphone vibre dans ma poche alors que je me dirige au point de rendez-vous. Je ne regarde pas le message car je sais que c'est juste pour savoir si j'arrive bientôt. Le mec est déjà là adossé au mur de cette ruelle humide.
- Personne t'as vu? Me demande-t-il.
- Non c'est bon.
S'il tient tant que ça à sa réputation auprès de sa gentil famille, pourquoi ne pas arrêter tout ça? Enfin, je ne vais pas me plaindre.
- Quatre-vingt, crachais-je.
Il sort un billet de cinquante et trois billets de dix de sa poche arrière que j'insère dans mon portefeuille en cuir noir. Je lui tends les deux sachets d'héroïne qu'il m'a demandés et alors que j'allais partir, je sentis quelqu'un passer juste derrière moi. Je reconnais les cheveux blonds d'Anna et l'odeur de son parfum acidulé qui couvre celui de la drogue. Putain de merde. Depuis quand je connais son odeur par cœur. Une fois qu'elle est sortie de la rue, j'en sors aussi et l'interpelle en la rattrapant.
- Hé!
- Hé attends moi, reprenais-je voyant qu'elle ne se retourne pas.
- Hé, Anna!
Je passe ma main devant son visage pour capter son attention mais son visage est neutre, mais pas comme d'habitude.
- Laisse-moi, me dit-elle enfin.
- Non.
Mon ton amusé ne lui fait rien. Elle ne me lance même pas un de ses regard noir.
- Je ne suis pas d'humeur, s'il te plaît.
Je m'arrête stupéfait. Comment ça s'il te plaît? Je trouvais son visage un peu plus pâli que d'habitude mais là j'ai la certitude que quelque chose ne va pas.
- Excusez-moi, m'interpelle une jeune fille d'un peu près seize ans. Est ce qu'on peut prendre une photo?
Je jette un coup d'œil à Anna mais elle a déjà repris sa marche. Je prends rapidement le téléphone de la rousse et passe un bras autour de ses épaules avant de prendre plusieurs photos à la suite.
- Je suis désolé, je suis pressé.
- Ce n'est rien en tout cas je vous remercie, dit-elle avec un grand sourire.
Je lui sourie en retour et réponds:
- Maintenant tu pourras faire jalouser tes amies.
Elle émet un petit rire et je lui fais un signe de la main avant de m'éloigner.
- Anna attends moi!
- Qu'est ce que tu veux, soupire-t-elle, fixant une flaque d'eau sur le sol.
Bizarrement je la trouve différente. Pourquoi ne me crie-elle pas dessus? Pourquoi sa voix est sans intonation particulière?
- Est ce que ça va?
Son visage ne se froisse pas tout de suite. Avant ça il se crispe comme pour lutter contre l'émotion qui veut s'y installer.
- Vas te faire foutre!
Elle veut partir seulement je lui attrape le bras et la tourne face à moi.
- Je ne t'oblige pas à me dire ce qui ne va pas mais je ne te laisse pas seule dans cet état là.
- Et t'es qui pour dire ça hein! On ne se connaît pas alors laisse moi, je n'ai pas besoin de toi.
- Ecoutes, c'est vrai que je ne suis personne mais on se ressemble bien plus que tu ne le crois et je sais qu'il ne faut pas être seul dans ces moments là. Dans les moment où on se sent juste triste, vide.
Je me trompe peut-être mais j'étais pareil qu'elle avant, je le suis toujours un peu d'ailleurs et je sais qu'être entouré évite de faire des actes regrettables. Je lâche son bras mais elle n'a toujours pas lâcher du regard la flaque. Elle jette un coup d'œil à la route juste à côté de nous et je devine très vite ce qui lui traverse l'esprit. En une fraction de seconde elle est au milieu de la route regardant calmement la voiture qui fonce sur elle.
- Anna! Criais-je.
Je me précipite moi aussi sur celle-ci. Je me jette sur elle et l'enroule dans mes bras parce qu'aussi étrange que cela puisse paraître je veux la voir vivre, sourire, me regarder comme elle l'a fait dans mon rêve. Nos corps pressés l'un contre l'autre nous nous regardons mais seulement pendant quelques secondes car après nous n'avons tout les deux plus la force de garder les yeux ouverts. J'entends le bruit de nombreuses personnes se regrouper autour de nous et le bruit de Big Ben qui sonne midi. Je peux encore sentir la pluie tomber sur mon visage et mes vêtements trempés collés à ma peau.
***
48 heures plus tard.
- Vous pourrez sortir aujourd'hui mais veillez à bien désinfecter et refaire vos bandages comme je vous ai montré.
- Mmh.
- Vous vous sentez mal monsieur? Me demande l'infirmière tout en rangeant son matériel.
- Non, tout va bien.
- Très bien alors je vous souhaite un bon rétablissement.
Elle referme la porte derrière elle et je me retrouve seul. Je ne cesse de regarder le lit vide à côté du mien. Elle était couverte de sang. Si moi j'arrivais encore à parler, elle avait perdu connaissance. La porte s'ouvrit de nouveau et je lève la tête rapidement en entendant la voix de l'infirmière qui s'occupe d'elle. Elle s'est réveillée aujourd'hui mais je n'ai pas eu le temps de la voir.
- Je reviendrais vous voir tout à l'heure, lui dit-elle avec un large sourire.
Anna ne lui répondit rien. Elle fixe ses pieds debout devant la porte refermée. A quoi peut-elle bien penser.
- Tu es enfin réveillée marmonnais-je rompant le silence. Tes examens se sont bien passés?
- Est ce que tu sors aujourd'hui? Reprenais-je voyant aucune réponse.
- Pourquoi t'as fait ça?
Sa voix est calme. Je réfléchis un instant mais je ne peux pas lui dire la vérité. Parce que je me suis attaché à elle car je l'aimais dans un rêve n'est pas une réponse appropriée.
- Je ne sais pas trop. Peut-être parce que je voyais l'ancien moi en toi. Ou peut-être parce que je t'apprécie.
Ses yeux rencontrent enfin les miens.
- Mais je n'ai pas besoin de toi. L'ancien toi est mort maintenant alors ne le cherche plus, et quant à moi, je ne t'apprécie pas alors la prochaine fois ne me sauve pas.
- L'ancien moi n'est pas mort, affirmais-je en soutenant son regard. Et il n'y aura pas d'autre fois, s'il y en a une je te sauverais encore. Tu sais ce n'est pas parce que tout va mal aujourd'hui que tout ira mal demain.
- Crois moi tout ira mal demain, et après-demain, et encore après. Il n'y a plus d'issue. Il n'y a plus de remède, seulement des poisons mortels alors je préfère mourir de cette façon que de voir le poison se répandre un peu plus chaque jour comme il le fait déjà.
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Nos âmes brisées
Romansa⚠️TW: drogue, suicide. Je n'aurais jamais pensé que le jour de mes huit ans tout allait devenir si dur. J'ai accepté pensant guérir mais vivre dans l'ombre d'une morte est trop pesant pour moi. Voilà que maintenant ma plaie est encore plus ouverte...