21 : départ

25 3 0
                                    


Anna

Deux mois plus tard.

Il est à peine six heures du matin quand je suis en train de fermer ma valise. Je prends avec moi un sac à dos en plus où je mets des encas, une bouteille d'eau, mes écouteurs, un carnet, une trousse, mon chargeur et quelques autres affaires qui pourraient me servir. Durant deux mois je ne suis pas sortie de cette chambre. Ma seule activité était d'observer par la fenêtre l'automne se dissiper peu à peu pour laisser place à l'hiver qui commence à s'installer. Je n'ai en aucun cas contredit Marc ou Sophie, c'est à peine si je leur parlais. Tous les jours sans exception, Marc entrait dans la chambre et sans exception j'étais toujours assise sur la chaise que j'avais déplacé devant ma fenêtre. Parfois le vent balayait de quelques mètres les feuilles mortes sur la route vide, parfois la pluie s'accumulait le long et noyait le peu de cailloux qui pouvaient s'y trouver. Quand je descends en bas avec mes affaires, ils m'attendent près de la porte d'entrée.

- Anna, tu fais attention là bas, tu écoutes bien et tu ne t'éloignes pas des professeurs, me dit Sophie en mettant son manteau beige.

Marc ouvre la porte pour que nous sortions puis il s'occupe de mettre ma valise dans le coffre alors que je m'installe sur le siège arrière. La voiture prend quelque temps à démarrer à cause du froid. Après tout, nous sommes maintenant en décembre. Quand elle démarre enfin, je commence à ressentir un sentiment de paix et de soulagement. Pendant un peu moins d'une semaine, pendant cinq jours je ne les verrai pas. Ce voyage scolaire va me faire le plus grand bien, je vais pouvoir arrêter de penser à eux et aux examens que j'ai raté. J'ai révisé comme une folle, je suis restée éveillée la nuit pour tenter d'encrer dans ma mémoire les formules que je devais apprendre, pourtant je n'ai pas eu la moyenne. Ils ne le savent pas, je ne leur en ai pas parlé par peur qu'il refuse que je parte. De toute façon, ils ne l'apprendront pas de moi. Quand je rentrerai de Shibuya j'ai décidé de partir de chez eux et de ne plus revenir pour de bon cette fois. Je commencerai par dormir dehors le temps que je trouve un boulot puis j'essaierai de payer mon propre loyer. Une nouvelle vie m'attend et ce voyage en est le commencement, c'est une nouvelle ère de paix solitaire qui va débuter.

- On est arrivé.

Je reprends ma valise et mon sac avant de dire sur un ton faible:

- Bon, est bien à plus tard.

- Fait attention Anna, me répètent-ils encore une fois avant de me serrer dans leurs bras.

- Merci, leurs chuchotais-je même s'ils ne m'ont pas entendu.

Ils ne le savent pas mais ces mots sont les derniers que je leur adresse de car j'ai tout de même laissé une lettre sur le bureau qu'ils découvriront en rentrant. Je me devais de les informer de ne pas appeler la police pour disparition. Certes vivre là-bas était étouffant et dur pour moi mais je me dis que si moi je souffre d'avoir perdu mes parents alors eux je n'imagine pas la douleur d'avoir perdu leur enfant. L'enfant qu'ils chérissaient plus que tout, mais aimer ne suffit pas pour cesser la maladie et c'est le plus injuste, l'amour ne guérit pas, il apaise seulement. Je leur tourne les talons ma valise à la main. En entrant dans l'aéroport j'aperçois un regroupement autour d'un professeur alors je devine que je dois moi aussi m'y rendre.

- Bon il est six heures cinquante je vais faire l'appel. Marius, Connor, Ryler..

A la fin de la liste, ce fut à mon tour de confirmer ma présence.

- Anna tu es là je ne te voyais pas, s'approche Daisy le sourire aux lèvres.

- En fait, je viens d'arriver.

- Je suis si contente que Sophie et Marc t'aient laissé venir. Tu te rends compte Shibuya, reprend-t-elle excitée.

- N'oublies pas les seize heures trente d'avion, lui rappelais-je. Enfin, ça ne devrait pas te poser trop de problème à toi.

Un large sourire se dessine sur mon visage quand je lui donne un coup d'épaule.

- Je ne vais pas me mettre à côté de Ryler.

- Bien sûr que si et c'est même moi qui vous prendrez en photo quand vous dormirez l'un contre l'autre.

- Je n'ai pas envie, dit-elle en baissant les yeux, en plus je me dois de me mettre à côté de ma meilleure amie.

Elle me serre dans ses bras mais je reste impassible.

- Mais moi je ne peux pas.

- Comment ça, réplique-t-elle les yeux grands ouverts.

- De un tu meurs d'envie de le rejoindre alors tu vas le faire et de deux, je cherche une excuse rapidement lorsque Connor se dirige vers nous, je me mets à côté de Connor donc tu n'as simplement pas le choix.

Elle me regarde surprise.

- Les filles, il faut que vous présentiez votre carte d'identité.

Les yeux de Daisy balancent de moi à Connor.

- Un problème, reprend-t-il.

- Je ne sais pas où c'est, tu me montre? Lui dis-je en le tirant par la main.

Il n'a pas le temps de répondre que je l'éloigne dans un coin.

- Connor, commençais-je, tu ne voudrais pas passer le vol avec moi?

Un sourire s'installe aux commissures de ses lèvres. Un instant je crus ressentir des papillons dans le ventre mais je m'étais simplement trompée avec un vieux souvenir.

- Bien sûr, affirme-t-il enthousiaste.

- Merci au moins Daisy ne se sentira pas coupable et Ryler et elle pourront régler leurs querelles.

Son sourire se réduit légèrement.

- Ce ne serait pas trop tôt, il ne fait que de me parler d'elle. J'y vais ou pas me répète-t-il à longueur de journée.

- C'est pareil de mon côté, je te rassure.

- Anna, allez montrez votre carte, intervient alors Madame Poubible.

Je présente alors celle-ci à l'homme debout vers le guichet. Quand tout le monde est passé auprès de cet homme nous pouvons enfin entrer dans l'avion qui n'attend plus que nous. Je suis Connor jusqu'à deux sièges libres et m'assois sur celui de gauche contre le hublot. Derrière nous se trouvent Ryler et Daisy et même si l'ambiance a l'air tendue pour l'instant, je sais que dans quelques minutes des cœurs planeront autour d'eux.

- Tu ne réponds pas? Me demande Connor en regardant mon téléphone vibrer sur mes genoux.

- Non, ce n'est rien, dis-je en glissant sur raccrocher.

Et voilà, ma lettre a été lue. Maintenant plus rien ne me raccroche à eux, ils ne sont plus qu'un souvenir. Sophie a sûrement tâché le papier par ses larmes, quant à Marc il s'est sûrement précipité dans ce qui me servait de chambre et découvert que les affaires soit disant indispensables pour ce voyage ne sont autre qu'indispensables pour vivre seule. 

Nos âmes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant