9 :Mal être

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Anna

Il est neuf heure trente et je suis assise sur une chaise en face du bureau de ma psy. Je tripote l'attache métallique de mon bracelet sans relever la tête.

- Bon Anna, tu ne veux pas m'écouter un peu, dit-elle.

Je réprime se rire de stupeur qui veut sortir. Je ne fais que ça l'écouter.

- Est-ce que tu as mangé correctement cette semaine ?

Mon silence persiste. Seul le bruit de son stylo glissant sur une feuille de son carnet est présent.

- Est-ce que tout se passe bien à la maison ?

Je sens que si je ne bat pas des cils rapidement, les larmes que je tente de retenir depuis tout à

l'heure vont s'échapper.

- Mais lâchez moi à la fin, je n'en peux plus de vos questions ridicules ! Réfléchissez pourquoi je suis ici et peut-être que vous aurez vôtre foutue réponse ! Et ce n'est pas chez moi !

Et voilà, ça recommence. Je sens mon sang bouillir en moi. Je ne maîtrise pas ma tristesse. Je ne l'extériorise pas par des larmes mais par des montées soudaines d'agressivité. C'est ma façon à moi d'exprimer mon mal être. C'est comme ça.

- Je vois, reprend-t-elle en notant davantage de choses sur sa feuille.

Je déteste être ici. J'ai l'impression d'être une expérience ratée à laquelle on fait passer des tests pour ensuite noter ses failles.

- Anna, est-ce que tu as des idées noires en ce moments ?

Je mords l'intérieur de ma joue si fort que le goût du sang se mélange à ma salive.

- Je saigne.

Elle soupire et me dit :

- Va te rincer la bouche aux toilettes.

Je ne sais pas si je parlais vraiment du sang qui imbibe ma bouche ou de la plaie ouverte qui dévore mon coeur. Je me lève, prends soin de prendre mon sac avec moi et me dirige aux toilettes. Je recrache l'eau rouge dans l'évier et m'essuie d'un revers de manche. Je n'y retourne pas. Il est dix heures, il est inscrit onze heures sur mon billet d'entrée. De toute façon, je ne pense pas aller au lycée aujourd'hui. J'arpente donc les rues humides aux alentours. Les feuilles orangées dévêtissent les arbres peu à peu pour s'écraser sur le sol. Elles seront ensuite piétinées jusqu'à ne plus exister. Je trouve un coin enfoncé derrière un parc. Au fond de ce recoin sombre, je m'assois et écris un message à Daisy :

Je ne viens sûrement pas alors ne m'attends pas.

Aucune notification mise à part celle qui indique le niveau faible de ma batterie. Je sens mes yeux se fermer malgré le bruit des passants et de l'eau qui goutte depuis un tuyau à côté de moi.

Je ne reconnais pas où je suis. De grands murs m'entourent, ils sont si hauts qu'on en voit pas la fin. Une femme est assise à ma gauche. Celle-ci me tient dans ses bras. Elle relève lentement la tête et voit qu'il s'agit de ma mère. Je la vois comme si elle était revenue d'entre les morts. Mon père s'approche de nous et lui tend la main. Ils vont me laisser, encore. Tout deux debout, ils me sourient et ma mère prend la parole avant de séloigné serrant tendrement la main de mon père :

- Fait comme tu peux Anna.

Ils ne sont plus que des silhouettes marchant dans la brume, sans moi. Je cours derrière eux mais pourtant je n'arrive pas à les rattraper. Jamais. Je me réveille en sursaut. C'est étrange, encore une fois j'ai la sensation de pouvoir encore sentir la présence de ses bras qui m'enveloppaient. Encore une fois, je peux presque sentir son odeur. Mais ce n'est qu'un mirage. Mes rêves ne sont que des rêves. Je me relève et remarque deux hommes à l'entrée de la ruelle. L'un porte la capuche de son sweat noir et l'autre une simple veste de jogging. Un échange d'argent à eu lieu. Le mec capuché insère les billets dans son portefeuille et l'autre reçoit deux sachets de poudre blanche à la place. Je passe derrière eux et même si je ne tourne pas la tête, je sais que l'un des deux à tourné les yeux vers moi. Il se met à pleuvoir. Encore. L'eau est en train de s'accumuler lentement le long des routes. Le ciel est sans doute triste aujourd'hui.

- Hé !

C'est la voix de ce type. Eden il me semble. Je ne me retourne pas et continue de marcher. Je n'ai absolument pas envie de le voir, je n'ai envie de voir personne, même pas mon reflet.

- Hé attend moi.

- Hé Anna, persiste-il.

Je lui ai dit mon prénom ? Sûrement.

- Laisse-moi.

-Non.

- Je ne suis pas d'humeur, s'il te plaît.

Je n'arrive même pas à lui crier dessus. Je suis tout simplement épuisée.

- Excusez-moi, intervient alors une fille qui doit avoir mon âge. Est-ce qu'on peut prendre une photo ?

Eden me regarde mais je préfère partir pendant qu'elle le retient. Il a le même sweat que le mec qui était au fond de la rue. C'est un simple pull noir, pourtant je suis sûr que c'était lui. Pourquoi se faire du fric comme ça alors qu'il est déjà plein au as. Je n'ai pas envie de rentrer, mais je n'ai nulle part où aller. Il pleut et même si j'aime la pluie, l'humidité est en train de me donner la chair de poule. Je pourrais aller dans une librairie pas loin.

- Anna attends moi!

- Qu'est ce que tu veux? Finis-je par soupirer.

- Est-ce que ça va ?

Je me raidis. Mon cœur s'accéléra et je sens que mon visage grimace pour ne pas pleurer.

- Va te faire foutre !

Je lui tourne le dos et repart, mais il attrape mon poignet et même si je tente de l'ignorer, il me tourne de force face à lui.

- Je ne t'oblige pas à me dire ce qui ne va pas mais je ne te laisse pas seule dans cet état là, reprend-t-il.

- Et t'es qui pour dire ça hein ! On ne se connait pas alors laisse moi, je n'est pas besoin de toi.

Je sens ma voix faiblir un peu plus à chaque mots qui sortent. Je me sens mal. Triste. Vide à n'en plus finir.

- Ecoute..

Ses lèvres continuent de bouger mais les mots qui en sortent ne me parviennent plus. Quand il retire sa main de mon bras, je suis de nouveau libre de mes mouvements. J'entends crier une dernière fois mon nom avant que mes pieds ne franchissent la ligne qui sépare le trottoir de la route. Je mise sur cette voiture noir pour qu'elle achève mes souffrances.

Nos âmes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant