Huit

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Elle


Affirmer que je n'ai pas le coeur meurtri de quitter Raqem et ceux qui me sont chères, serait un mensonge désuet, futile, grotesque.

Combien ses couleurs dorées et ocres vont me manquer. Son calme, sa plénitude, sa chaleur... Tout va cruellement me manquer, jusqu'au plus profond de mes entrailles.

Je n'ai jamais mis un pied en dehors de mon village si ça n'est pour explorer le désert aux alentours. En réalité, je ne connais pas vraiment le monde, même si je me persuade du contraire.

Lui, m'en parlait souvent. Du monde. A chaque fois qu'il revenait à Raqem, il m'apportait avec lui des récits passionnants sur ses voyages, sur les paysages du Nord, que j'imagine, à couper le souffle. Il m'en décrivait la verdure, la hauteur des arbres, les parfums des plantes, et la blancheur de cette poudre qui jaillit du ciel pour en recouvrir les montagnes.

Il a placé dans mon coeur une fascination grandissante pour ce reste du monde que je convoite, et les merveilles qu'il y renferme.

Cependant... Il n'est plus là pour m'en parler désormais.

Plus là.

Et malgré le temps qui s'écoule et qui file, le monde continue de me fasciner avec plus d'intensité. M'insufflant l'idée qu'un jour, je quitterai Raqem, en lui promettant de revenir.
Parce que Raqem est ma deuxième mère et je donnerai ma vie pour elle. Elle est ma terre natale et malgré que je l'aime, l'inconnu m'attire vertigineusement.

Pour partir, il m'aurait fallut être un fils.

L'homme peut explorer le monde, lui.

Être une femme ne me permet pas d'arpenter le monde en solitaire pour un tas de raisons, que j'accepte. Bien que le feu en moi m'anime de n'en faire qu'à ma tête. Dompter cette voix profonde dans ma tête me permet d'éviter le déshonneur de ma famille .

Et quoi pire que le déshonneur?

La mort.

Je m'estime bien lotie, je peux monter à cheval et me balader dans le désert. J'ai aussi mon arc et mes flèches.
Voici mon seul réconfort. Je ne suis pas à plaindre contrairement à certaines filles du village qui n'ont jamais appris à faire autre chose que des taches incombant aux femmes. Certaines n'ont jamais franchis les portes de Raqem et se sont mariées très jeunes pour enfanter à l'âge ou je me rebelle encore contre les lois de ma mère.

Un sourire point sur mon visage quand j'y pense. Quelle fille rebelle je fais.

Quoi qu'il en soit Raqem tout entière me manquera atrocement. Et à cela, j'omet volontairement, le déchirement que je ressentirai en y laissant ma mère, mon frère...

Nassim. Cet enfant que j'adore bien plus que je m'aime moi. Son innocence est la seule douceur que je m'autorise. Et je prie pour qu'il ne perde jamais cette candeur qui me permet de sourire sincèrement encore. Parfois.



Le roi d'Anjalar est resté auprès de ses troupes depuis bientôt une semaine. Et je n'ai fait que l'apercevoir depuis notre dernier échange. Il ne m'a plus approché. Pas une fois. Quant à moi, je n'ai jamais essayé de le confronter non plus.
Après tout, chacune de ses paroles ne sont que source de contrariété pour moi.

Il a vu mon visage, et la cicatrice que je ne montre pas aux étrangers. Je déteste l'idée qu'il ait pu y avoir accès. Je le déteste tout entier.

Cependant même quand il est loin, ce roi est capable de me tourmenter. Toujours. J'ai entendu de la bouche de mon oncle, qu'il recherchait un homme. Un certain Jalil le stratège.

La cavalière des sablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant