Les toiles rouges

Chapitre 19

Kyler Jones

Cela fait maintenant quatre jours que ma sœur est sortie de l'hôpital, j'ai l'impression de revivre. Après tant d'années, séparés, nous pouvons enfin renouer les liens qui nous unissaient quand nous étions petits. Ma sœur a bien grandi, quand elle s'est fait enlevé elle n'avait que onze ans et moi quinze, et maintenant elle a vingt-et un an.

J'ai mis un peu plus de trois ans à la retrouver, puis elle est tombée dans le coma durant sept ans. Bientôt, elle fêtera ses vingt-deux ans. Moi j'ai eu vingt-cinq ans il y a quelques mois.

Jake nous a rendu visite il y a deux jours pour nous apporter une lotion capillaire pour que je teigne les cheveux de ma sœur pour ne pas qu'elle se fasse reconnaître dans la rue. En effet, des portraits de ma sœur à onze avait été placardé pendant trois ans, jusqu'à ce qu'elle ne sombre dans un sommeil profond. Je ne doute pas un instant que certains pourraient bientôt parler d'elle dans la rue, car un journaliste qui suivait l'enquête de sa disparition est venu la voir à l'hôpital pour constater qu'elle était bien parmi nous. L'avantage d'être une Normale.

— Kylou, j'ai comme un mauvais pressentiment... me chuchote ma sœur allongée près de moi dans mon lit.

— Que veux-tu dire par là ?

— Je... je ne sais pas... J'ai l'impression qu'il va se passer un truc horrible...

Sa phrase me replonge dans un terrible souvenir.

***

Je joue au loup dans le jardin avec Clarisse et Louna. Il fait un temps magnifique, le soleil nous réchauffe en ce bel après-midi de printemps. Mes petites sœurs âgées de sept et huit ans me courent après, les traits tirés par la joie. Elles poussent de grands cris lorsque j'arrive à les attraper pour leur faire des chatouilles. Nous ne nous sommes pas trop éloignés de la maison, car le terrain de notre jardin est gigantesque, pour ne pas inquiéter nos parents. Au loin nous pouvons apercevoir la grande et sombre forêt dans laquelle nous sommes interdits d'aller se promener, car elle grouille de lupuscatus. J'aime beaucoup là où nous vivons. En pleine compagne, au milieu de la nature, quoi de meilleur ?

— Kyler ?!

Lyah m'appelle, certainement pour que nous venions manger.

— On arrive. Réponds-je assez fort pour qu'elle m'entende.

Je tourne les yeux vers mes deux autres petites-sœurs qui continuent à courir en riant. J'aime tellement les voir sourire et rire aux éclats. Je leur tends mes mains tendrement.

— Venez les filles, Lyah nous a appelés.

Chacune attrape une de mes mains puis Louna s'arrête essoufflée.

— Ҫa ne va pas ? L'interrogé-je, soucieux.

Je n'aurais peut-être pas du les fatiguer autant, j'aurais peut-être dû leur dire de s'arrêter de courir il y a une dizaine de minutes.

— Je suis épuisée.

Je m'en veux. Je la prends dans mes bras sous le regard attentif de Clarisse. Celle-ci s'allonge par-terre, jalouse.

— Moi aussi je suis épuisée, je ne peux plus marcher du tout.

Je lui souris puis la porte à son tour. Quelle comédienne celle-là. Elle est celle qui me fait le plus rire, pas parce qu'elle est la plus jeune, enfin je ne crois pas, mais à chaque fois qu'elle voit, soit Louna, soit Clarisse soit Evan faire quelque chose, elle veut les imiter pour attirer mon attention. Elle est trop mignonne. Elles sont toutes les trois adorables. C'est très rare que nous nous disputions, nous sommes une fratrie très unie au grand bonheur de nos parents fiers d'avoir enfanté des petits anges.