Les toiles rouges

Chapitre 33

Bob Richardson

On ne peut pas dire que je m'attendais à ça... être fiché au premier plan d'une mission macabre. Je m'attendais plus tôt à servir de renfort. Mais c'est bien tout le contraire : Mark veut que j'effectue moi-même l'interrogatoire.

Cela signifie que je vais devoir torturer la jeune femme en face de moi.

Je n'ai certes aucun scrupule à malmener Aurora, mais brutaliser une jeune femme dont la seule faute est d'avoir un frère chef de section d'un gang est tout simplement inimaginable. En plus, cette fille, malgré les dizaines de boursouflures sur son visage, n'a pas l'air d'avoir fait de mal à une mouche, je dirais même qu'elle est plus qu'innocente dans cette affaire. Je savais que j'allais devoir torturer, voir du sang, me défouler... mais pas sur une femme... ce serait mettre tous mes principes de côté. Les mêmes principes que je snobe vis-à-vis de l'artiste tueuse.

J'ai fait de mon mieux pour dissimuler ma nervosité derrière mon masque jusqu'à maintenant, mais je ne doute pas un seul instant que la fille a aperçu le léger tremblement de ma voix monocorde et de mes doigts gantés.

— Comment t'appelles-tu ?

La jeune femme a l'air horrifié depuis que j'ai fait signe à Kurt d'entrer avec le mec. Ont-ils une relation particulière ? Ou bien, est-ce juste son camarade.

— Bob, débrouille-toi pour la faire parler, mais ne fait pas ta lopette !

Je hoche la tête et attrape les cheveux de la fille ligotée à sa chaise.

— Comment tu t'appelles ?

— Je m'appelle Vatefaire Enculer-Groscon. Oui je sais, très long nom de famille, on me le fait souvent remarquer.

Je la gifle et tire plus fort sur ses cheveux. Bientôt, quelques mèches vont se retrouver détachées de son crâne si elle ne répond pas sérieusement.

Bob, ressaisis-toi, t'es un homme, bordel de merde ! Ce n'est pas une petite gamine qui va me faire perdre ma précieuse place au sein des Fratres-Sanguinum !

— Si tu ne réponds pas correctement tu vas le regretter amèrement, ça tu peux en être certaine.

Je suis son regard posé sur la silhouette dissimulée sous un sac maintenant posée à-même le sol.

— Vous allez sortir le grand jeu des menaces sur mon ami n'est-ce pas ?

— Tu es très perspicace dis donc !

— Je crois que je commence à m'y habituer.

— Vraiment ? J'ignorais qu'il était possible de s'habituer à une telle chose.

Elle hausse les épaules du mieux qu'elle le peut et reporte son attention vers moi pour cette fois-ci maintenir son regard noir durement.

— Bon, vous m'interrogez, oui ou merde ? Je m'appelle Sarah Foster, j'ai 22 ans, j'avais une sœur avant, mais elle est morte, c'est bon ?

Exaspérante.

Menteuse.

Probablement manipulatrice.

Ces descriptions la représentent à merveille.

— Sottises m'exclamai-je avant de la gifler de nouveau.

— Vous êtes forts en torture c'est impressionnant !

— Tu n'as encore rien vu, c'est pour ça que tu dis ça, soufflé-je, penaud.

— Vous oubliez quelque chose, encore.

— Quoi donc ?

— Je n'ai encore rien ressenti jusque-là.