Les toiles rouges

Chapitre 40

Tate Scott

On s'est fait roulé.

Putain de merde ! Je suis trop con !

On aurait dû partir, Eilleen et moi quand on en avait l'occasion. Au final, maintenant, on se retrouve pris au piège.

Des Fratres-Sanguinum, toujours vêtus de leur long manteau sombre et de leur masque de tête de mort sont arrivés de partout, les armes braquées sur nous. Pourtant, personne ne tire. Nous écoutons le sermon insupportable de Mark Johnson, nous fixant dans le blanc des yeux, tous autant haineux les uns que les autres.

Honte à moi de l'avouer, mais je commence à sérieusement avoir peur. Une peur ne faisant qu'accroître de minute en minute, s'intensifiant deux fois voire trois plus à chaque coup d'œil rapide vers mon amie.

— Maintenant vous allez nous suivre bien gentiment à l'étage supérieur. Vos camarades y sont probablement déjà.

— Va te faire foutre salaud, hurlé-je à son intention.

Pour toute réponse, il tend son arme face à moi et tire sans hésitation. La balle atterrie dans la tête de l'homme qui se tenait à ma gauche. Il s'en est fallu de peu pour que je sois sa cible.

— Méfie-toi, Scott, j'aurais tout aussi bien pu tirer à ta droite. Que cela serve de leçon. Vous venez de perdre un homme bêtement.

Je n'avais pas remarqué qu'Eilleen s'était glissé tout près de moi à la fin du monologue de Mark. Elle me prend la main et je serre mes doigts autour de son membre délicat. Elle a les doigts long et fins. De jolies mains fines. Petite, donc très agréable à tenir. Mais je ne crois pas que se soit le moment pour songer à ce genre de détails.

Nous suivons nos assaillants jusqu'à l'étage où il y a le hall d'entrée.

— Je vous conseille de bien obéir si vous voulez rester en vie le plus longtemps possible.

Un homme qui sort de nulle part chuchote à l'oreille de Mark. Même avec le masque qu'il porte sur le visage, on a aucun mal à deviner l'esquisse d'un sourire vainqueur sur sa figure.

— Vos alliés sont déjà installés. Et vos hôtes vous attendent. Ne rêviez-vous pas en secret de rencontrer le fameux Sorcier des Ténèbres ? En plus, apparemment, il n'en manque aucun à l'appel, y compris un certain couple...

Mon souffle se coupe net. C'était pourtant évident qu'ils y serraient puisque Layke avait ordonné leur libération, mais on ne peut pas se permettre de laisser quelque chose leur arriver... S'ils meurent, nous mourront... enfin, je crois... Il y a toujours notre Contrat. Seulement, ils passeraient sous le commandement des prochains héritiers de Thanoras et Mhoravide. S'il y en a... puisqu'à cause d'Aurora, toutes les autres générations Freiss ont été exterminées. Reste seulement leurs enfants... déjà pourvu de pouvoirs. D'ailleurs, que sont-ils exactement ? William serait-il en mesure d'arrêter sa sœur ?

Je sens des doigts fins s'entrecroiser aux miens. La chaleur des mains d'Eilleen me détend et m'apaise. Elle-même, qui tremble comme un petit chapinou apeuré, commence à se calmer et à reprendre du courage, alors je me dois de l'imiter.

— Allez vous mettre contre le mur de gauche, nous enjoint Mark, lorsque nous pénétrons dans une gigantesque sale aux murs brun clair, une sale très démodée.

Nous suivons ses instructions, leurs armes sont toujours braquées sur nous. Les nôtres toujours pointées dans leur direction, nous attendons le moment opportun. Le problème est néanmoins toujours le même, qu'ils prennent certains d'entre nous en otage... ou encore pire.

En face de nous, à l'autre bout de la pièce, j'aperçois nos maîtres. Les longs cheveux verts ondulés d'Aurora ont été coupés dans un carré asymétrique qui lui va à merveille, et de son côté, son mari a le crâne rasé et une petite barbe poivre et sel sous le menton. Quelques rides parsèment leur visage probablement pas dû à la vieillesse mais à un stress long et douloureux. Le couple se tient droit, les mains jointes.