Le Yin et le Yang [T1- TERMINÉ]

XXVIII. Messages

« Parfois j'ai mal pour des douleurs qui ne sont pas les miennes » - Suzuya 

Fate

Main dans la main, Erhan et moi marchons silencieusement dans les couloirs pour rejoindre la cour extérieure.

Je serre automatiquement sa main plus fort dans la mienne quand je sens le bout de ses doigts trembler.

Les dernières paroles qu'on s'est échangées ne veulent plus quitter mon esprit.

"Les aimants s'attirent pourtant le temps nous repousse."

Alors depuis tout ce temps il pensait encore à moi ?

Que lui est-il arrivé durant toutes ces années que nous avons passé loin l'un de l'autre ?

J'aimerai lui poser la question. Mais je suis assez patiente pour attendre le non moment pour le faire.

"Tu as toujours été mon aimant, mais pas quand il le fallait." 

Était-il en train d'avouer ce qu'il a toujours ressenti pour moi mais qu'il s'efforçait de cacher ?

Mon corps frissonne à nouveau alors que je me rappelle de cet instant où il a chuchoté ces mots au creux de mon oreille.

Je ne veux pas être aussi stupide qu'avant, mais pourtant, je n'ai pas l'impression de me tromper sur ce que je suis en train de supposer.

La dernière phrase disait:  "Maintenant nos opposés s'attirent et je ne veux plus me séparer de toi".

Je me demande ce qu'il veut bien entendre par opposé.

On a toujours été différent lui et moi, pourtant j'ai le sentiment qu'on se ressemble bien plus qu'on ne le pense.

Alors que nous sommes toujours en train de marcher vers la sortie, je ne peux stopper mes pensées quand les dernières minutes que j'ai passé enfermée dans cette salle de classe refont surface dans mon esprit, en voyant les derniers étudiants s'échapper d'ici au plus vite.

Le temps ne m'a jamais paru aussi long qu'à cet instant.

À chaque coup de feu, je voyais le corps d'Erhan tomber à terre. Blessé, et sans personne pour l'aider. Inerte.

Alors je fermais les yeux pour sortir cette pensée de mon esprit, mais dès que je le faisais, d'anciens souvenirs revenaient pour me rappeler à quel point j'étais faible.

À quel point je ne pourrais jamais rien faire pour aider ceux que j'aime.

Et j'ai soudain été replongé dans les souvenirs de mon passé. Ceux que je souhaite chaque jour effacer de mon esprit mais qui reviennent toujours quand il le faut le moins.

Je me revoyais, jeune, dans cette même position et un casque sur les oreilles pour ignorer la réalité. Pour m'échapper dans un monde où tout était plus calme. Où la musique était le pansement à tous mes maux. 

J'avais même pensé un jour à devenir un artiste comme ceux que j'écoutais. Je voulais à mon tour porter ma parole. Sauf qu'ils savaient déjà mettre les mots sur mes maux. Ils savaient mettre des couplets sur le flux de mes pensées. Et ils savaient écrire des refrains pour mener mon destin.