Chapitre 27

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Elijah

  Sa respiration s'est stabilisée. Il a par moment été secoué de sanglots plus violents que d'autres mais a fini par s'endormir, ce qui n'est pas mon cas. Je ne cesse de me repasser dans la tête cette soirée catastrophique qui aurait dû se dérouler autrement. Les mots que je lui ai dit sont confus, certains détails aussi, mais l'essentiel est là, et je m'en veux atrocement. Lui aussi d'ailleurs, si j'en crois la fermeture de son visage quand je suis rentré.

J'aurais voulu qu'il m'en veuille, qu'il hurle, mais non, il m'a réconforté avant de finalement se renfermer sur lui-même comme avant. Et ça me fait mal. J'avais pris mon temps pour avoir sa confiance, pour qu'il se confie à moi, et, s'il me l'avait partiellement accordé, aujourd'hui elle n'est plus et ça me donne envie de tout casser. Il me donne quelque chose pour me le reprendre ensuite ? C'est injuste. Mais j'ai pas le droit de lui faire ce reproche.

Je me tourne dans n'importe quel sens, essayant tant bien que mal de trouver le sommeil mais c'est impossible avec mon cerveau qui n'a de cesse de me montrer des choses affreuses et de faire se dérouler des scénarios ignobles dans lesquels une personne de ma famille est impliquée.

Finalement, les heures passent, et peu à peu la lumière de la journée s'infiltre dans mon salon. En me retournant, j'ai une vue sur le visage de Cole qui, alors qu'il devrait être apaisé, laisse transparaître de l'inquiétude, de la tristesse et beaucoup de fatigue, si j'en crois ses sourcils froncés, la peau de ses joues encore sèche à cause des larmes et ses cernes.

Il faut que j'aille courir. Il faut que j'aille faire jouer mes poings. J'ai la rage.

Je décide alors d'aller à la fac, dans l'aile du campus qui est réservée aux sportifs. Je m'habille en quatrième vitesse et sans même laisser un mot, je m'en vais. C'est le moment que choisit mon cerveau pour m'inonder des réminiscences de Nick et moi empruntant ce même chemin. Je me rends compte que nous devions aller le voir aujourd'hui et que je n'ai même pas la force d'y aller. Je n'ai pas envie de voir mes espoirs s'envoler en le voyant. Je n'ai pas envie que des médecins me disent qu'il ne remarchera plus jamais, que plus jamais il ne pourra jouer au foot, que nos désirs d'être ensemble jusqu'à la mort soient compromis. Sans même m'en rendre compte, mes pas s'accélèrent et j'arrive sur le campus en courant à moitié. J'ouvre la porte si violemment qu'elle vient taper dans le mur.

Trois personnes de l'équipe de hockey sont là, et ils me regardent comme si j'étais un putain d'extraterrestre. Leur expression de circonspection me donne envie d'en utiliser un pour taper sur les deux autres. C'est justement pour ça que tu dois aller dans la salle le plus vite possible.

— Tout va bien mec, me demande un des abrutis.

Évidemment que non, ducon. T'as été fini à la pisse ou quoi ?

Je passe à côté d'eux sans même leur lancer un regard et je pense qu'ils comprennent le message. Lors de ma première année, j'avais encore plus de mal à gérer mes émotions, et même si Nick, mon frère et mon coach m'aidaient à me canaliser, c'était très compliqué. J'ai failli être viré de l'équipe et même de la fac à cause de plusieurs épisodes de violence envers des gens qui n'avaient rien demandé. Puis mon coach a décidé de me faire passer capitaine, avec l'espoir que ça me donne une raison supplémentaire de me faire aider, ce qui a plus ou moins marché. Bref, sur le campus, tout le monde me connaît et pas pour les bonnes raisons. Une bonne partie pense que je suis juste un connard arrogant qui ne sait pas communiquer autrement qu'avec ses poings, ce qui n'est pas vraiment faut.

Je me positionne en face du sac de frappe et commence à me défouler dessus sans échauffement ni gants.

Cole

Un jour, tu sauras (MM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant