Chapitre 29

18 5 0
                                    

Chapitre 29

Sven

Ingrid et moi marchons dans les rues de Stockholm, ma main fermement accrochée à la sienne. Je jette des coups d'œil affolés de tous les côtés, frustré de ne pas avoir mon épée avec moi. Tous ces gens qui courent partout me donnent des vertiges. Ces voitures qui klaxonnent à tout va, ces motos qui roulent à vive allure tout près de nous me rendent nerveux. Comment pouvoir assurer sa sécurité dans cette frénésie ambiante ? De quelle manière pourrais-je reconnaître l'homme qu'elle fuit parmi cette multitude de visages fermés ?

— Sven, tout va bien ?

Les yeux tournés vers le cours d'eau, j'émets un grognement peu convaincant.

— Je pensais que cela te ferait plaisir de découvrir les environs. Personnellement, je trouve que ce pont offre l'un des plus beaux points de vue sur la ville.

Mal à l'aise, je reporte mon attention sur la petite suédoise. Ingrid lève le menton dans ma direction, un sourire irrésistible aux lèvres. Comme à chaque fois qu'elle me regarde ainsi, un sentiment inexplicable s'empare de moi. Je ralentis le pas avec l'envie impérieuse de m'arrêter pour l'embrasser. Puis, je me rappelle notre discussion de cette nuit et sa farouche opposition de retourner avec moi à Jelling. Alors à quoi bon lui ouvrir mon cœur pour qu'il se brise ensuite lors de mon départ ? En même temps, je comprends Ingrid et son désir de rester dans le confort de son époque. N'importe qui de censé n'hésiterait pas une seconde entre ces deux possibilités.

Mes lèvres s'incurvent vers le haut lorsqu'une bourrasque de vent vient faire virevolter la chevelure d'Ingrid. Avec douceur, je replace une mèche derrière son oreille, tandis qu'elle pose ses doigts sur les miens pour stopper mon geste, et plonge son regard azur dans le mien. Fébrile, je l'observe en silence.

— Sven, j'ai peur de la réaction de Nils.

Il me faut quelques instants avant de comprendre à quoi, ou plutôt à qui elle fait allusion. Oh, j'y suis. Son cousin et aussi meilleur ami. La tête ailleurs, j'en oubliais presque la raison de notre promenade matinale.

— S'il a accepté que ta mère nous donne sa nouvelle adresse, c'est qu'il a envie de te voir, je la rassure.

Ingrid hoche la tête avant de reprendre un rythme de marche normal. De temps à autre, je la scrute du coin de l'œil, elle aussi visiblement absorbée par ses pensées. Au beau milieu d'une artère bordée d'immeubles colorés, la petite suédoise s'immobilise devant un commerce.

— Est-ce que tu peux m'attendre ici s'il te plait ? Je vais m'acheter un téléphone.

Je m'exécute et profite de sa courte absence pour m'adosser contre le bâtiment et me familiariser avec l'environnement qui nous entoure. Du peu que je sais, nous nous trouvons dans le quartier de Södermalm, comme Ingrid me l'a expliqué un peu plus tôt. Je balaie le paysage du regard en m'émerveillant des couleurs chatoyantes des maisons qui varient de l'ocre en passant par le rouge. Les pavés sous mes pieds me donnent un court instant l'impression d'être au coeur de Jelling, là où les pierres commençaient peu à peu à recouvrir les chemins boueux.

Soudain, mon regard est attiré par deux hommes, assis non loin de là sur un banc. Le premier se penche vers le second pour l'embrasser sans se soucier d'être pris en flagrant délit d'immoralité. Stupéfait, je ne peux m'empêcher de les observer.

— Je viens de me rendre compte que j'ai complètement oublier de t'expliquer...quelque chose, déclare Ingrid en baissant la voix.

Je sursaute lorsqu'elle réapparait comme par enchantement à mes côtés. Absorbé par le couple à quelques dizaines de mètres de là, je ne l'ai même pas entendu venir. D'un coup de menton, je tente de lui montrer discrètement la raison de mon étonnement. Ingrid suit mon regard, puis fronce les sourcils avant d'émettre un claquement de langue réprobateur.

De feu et de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant