Chapitre 36

15 3 1
                                    



Ingrid

J'arpente la pièce avec l'impression qu'un marteau piqueur prend un malin plaisir à tambouriner l'intérieur de mon crâne. Les index placés de part et d'autre de mes tempes, je grimace en les massant. Comme si j'avais la moindre chance de faire disparaitre ma monumentale gueule de bois...

Je prends le téléphone à carte qui gît sur ma table de chevet pour contacter Nils. Par chance, il décroche presque aussitôt.

— Ingrid, maudit sois-tu ! J'ai oublié de mettre mon portable en mode silencieux.

Oupss, on dirait que je l'ai réveillé. Mon cousin n'est pas non plus du matin, enfin matin, c'est vite dit car, il est déjà onze heures passées.

— Ma mère a retrouvé une photo de mon ex et moi. Sven a confirmé que c'est bien lui qu'on a croisé l'autre jour dans la rue, et qui était hier soir à La Cage aux Folles.

— OK, tu as déjà mangé ?

Encore en pyjama, j'éloigne le combiné de mon oreille pour l'étudier plus attentivement. Ai-je bien entendu ? Est-ce que Nils n'a pas compris ce que je viens de lui annoncer ? À moins que je sois encore ivre et ait des hallucinations auditives ?

— Allô la lune, ici la terre ? Tu te souviens du salon de thé où on allait bruncher quand tu venais ici, en été ? Je te propose qu'on se retrouve là-bas pour discuter de tout ça. Leurs mimosas sont toujours aussi délicieux !

Un rire sans joie m'échappe.

— Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée de boire après tout ce que j'ai ingurgité cette nuit...

— Tu connais pourtant l'adage, non ? Il faut combattre le mal par le mal ! Et puis, je suis sûr que ça te fera du bien après ce que tu viens de découvrir. Allez à toute.

Nils raccroche sans plus de cérémonie. Je jette mon portable sur le lit avant de m'asseoir sur la couette et de soupirer de lassitude. Sven arrive au même moment. Les yeux rivés sur mes pantoufles, je fixe les lattes de parquet abîmées par le temps. Une part de moi en veut à Sven de m'avoir révélé ses soupçons. S'il ne m'avait rien dit, je croirais encore à l'heure qu'il est, que Lucas est loin de moi, en France.

— Ingrid, je...

— Excuse-moi pour tout à l'heure, Sven. Je n'aurais dû réagir de cette façon, je le coupe.

Il s'accroupit devant moi et noue ses mains aux miennes avant d'en porter une à ses lèvres pour l'embrasser. Un sourire triste incurve mes lèvres lorsque mes prunelles se fondent dans les siennes.

— Je suis terrorisée, je reprends. Que vais-je faire... quand tu ne seras plus là ?

Sven esquisse une moue triste en soutenant mon regard. Sa pomme d'Adam monte et descend frénétiquement. Quelque chose le travaille. Oui, mais quoi ?

— Ingrid, il faut que je t'avoue une dernière chose. L'autre jour, quand j'ai poursuivi... Lucas dans la rue, il se peut que j'aie par inadvertance prononcé ton nom.

Je le fixe sans comprendre où il veut en venir.

— Quand je l'ai rattrapé au fond de l'impasse, je lui ai demandé de s'excuser pour t'avoir fait mal. Je ne sais pas ce qui m'a pris, mais j'ai tout de suite senti que je venais de commettre une erreur. Ingrid, c'est ma faute si Lucas t'a retrouvé.

Un tourbillon d'émotions me submerge lorsque je lâche les mains de Sven d'un geste sec. En colère, je lui tourne le dos pour m'habiller. J'enfile un jeans, un sweat à capuche blanc et des tennis, tout en continuant à royalement l'ignorer. Son aveu me laisse pantoise. Pire, il instille le doute dans mon esprit. Est-ce possible que ce soit vraiment à cause de lui, que mon ex soit parvenu à me remettre la main dessus ? Tout est flou dans ma tête, je suis contente que nous sortions, cela me permettra de prendre l'air par la même occasion.

De feu et de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant