Chapitre 23

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Sven

Il fait nuit noire, et pourtant, j'ai l'impression d'être en plein jour. Ébloui par les flammes qui montent jusqu'au ciel, je cache mes yeux à l'aide de mes mains. L'incendie m'encercle. L'ardeur des flammes est telle que des gouttes de transpiration détrempent déjà ma chemise. Je tourne sur moi-même pour essayer de comprendre où je suis, mais je ne vois rien d'autres que des maisons en train de brûler. La fumée me brûle les yeux. Ma gorge pique. Je tousse et me couvre la bouche et le nez avec mes vêtements. Des mères courent paniquées, de tous les côtés, avec de jeunes enfants hurlants dans leurs bras. Tout n'est que désolation. Je n'entends que des cris, et des poutres en bois qui s'écrasent dans un vacarme assourdissant.

Terrorisé, je cours droit devant avec l'horrible sensation que je sais pertinemment où je me trouve. Mes jambes me portent sans réfléchir, mon cœur cogne à tout rompre. C'est un cauchemar, c'est certain. Je vais me réveiller auprès de la petite suédoise et nous allons reprendre notre périple à travers son pays. Je me répète mentalement que je serais bientôt rentré à temps pour empêcher l'impensable de se produire.

— Sven, mon garçon.

Je m'immobilise à quelques mètres des fortifications de Jelling. Le devin est devant moi. Ses doigts noueux dépassent de sa sombre cape, imbibés de sang. Le liquide rougeâtre coule jusqu'au sol pour se mélanger à la terre battue de nos rues. Je secoue la tête, en refusant d'accepter ce que mes yeux rougis voient. Les corps des hommes de mon armée gisent au sommet des tours de guets de la ville. Leur chair est criblée de flèches, quand elle n'est pas plaies béantes à cause des coups d'épées.

— Devin, dites-moi que ce n'est qu'un mauvais rêve, je vous en supplie !

— Tu ne dois pas t'en vouloir, Sven. Tu as fait ce que tu as pu pour revenir ici à temps, mais il est trop...

— Non, ce n'est pas possible ! Cela fait à deux trois jours que... que j'ai été transporté dans le futur ! Mon oncle n'a pas pu déjà avoir le temps de donner l'assaut !

Le devin tombe lourdement au sol. Un râle s'échappe de sa bouche dissimulée par sa tenue. Je m'agenouille pour l'aider à se relever, mais je sens ses forces le quitter.

— Devin, non, non, non ! Vous ne pouvez pas me laisser ! Sinon, qui va m'aider pour réussir à revenir ici et reprendre mes terres ?

— Tu n'as besoin de personne d'autre que toi et la lune pour mener à bien ta mission.

— C'est faux ! C'est à cause de cette maudite déesse Freya si j'ai disparu ! Et c'est vous, le messager des Dieux ! Je ne peux rentrer sans votre appui.

— Sven, lâche-t-il dans un dernier souffle. Tu te trompes de mission. Et tu le sais pertinemment.

*

Une haleine à l'odeur fétide me tire de mon cauchemar. Le cœur battant, j'ouvre les paupières et me retrouve nez à nez avec Odin qui visiblement a une envie pressante de sortir de la voiture. Agacé d'être réveillé de cette façon, je cligne plusieurs fois des paupières pour m'habituer à la lumière du soleil et reprendre mes esprits. Je me raidis en sentant la poitrine de la petite suédoise se soulever contre mon bras. Les battements lents et réguliers de son cœur m'indiquent qu'elle dort encore, tandis que les miens sont aussi rapides que la course d'un cheval fou.

Cette nuit, je l'ai forcé à trouver un endroit où s'arrêter. Alors que je somnolais contre la vitre, j'ai senti la charrette dévier de sa trajectoire. J'ai juste eu le temps de tourner le volant dans l'autre sens pour éviter qu'elle fasse un deuxième accident. Effrayée, Ingrid a ouvert les yeux en poussant un cri de surprise. Épuisée, elle s'était endormie sans prendre garde.

De feu et de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant