Chapitre 39

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Sven

Le cœur serré, je me lève pour rattraper Ingrid. Ma mère m'avait conseillé à la fin de notre réunion de ne pas l'affoler avec leurs soupçons. Pour la première fois depuis ma rencontre avec la petite Suédoise, je regrette de lui avoir dit la vérité. Cela m'aurait évité de me prendre en pleine face sa remarque assassine de bon matin. Et le pire, c'est que je ne peux pas lui en vouloir, car c'est la stricte vérité. Je lui ai promis d'assurer sa sécurité, or, j'ai failli.

La mâchoire contractée, je traverse, la tête haute, l'abri en saluant au passage tous les villageois. Le soulagement peint sur leurs visages en me sachant de retour, m'ajoute un poids supplémentaire sur les épaules. Je suis leur sauveur, je ne peux pas les décevoir. Hache à la main, je m'arrête lorsque je croise ma mère.

— C'est parfait, une vraie guerrière au bouclier.

— Vous croyez ?

Je reconnais la voix d'Ingrid.

— Oh oui, c'est certain. Vous n'avez plus rien à voir avec celle que vous étiez à votre arrivée.

Mes lèvres s'ourlent en un discret sourire lorsque je m'approche de ma mère, et Tove, la fille du boucher qui finissent de natter les dernières tresses sur la tête d'Ingrid.

— Je vois qu'on travaille dur par ici, je plaisante.

— C'était nécessaire, lâche ma mère pour seule réponse.

Je roule des yeux en l'air, irrité par sa remarque acerbe.

— Oh Sven, je ne t'avais pas entendu arriver.

Ingrid pivote, et je reste bouche bé en la contemplant. Toute trace de son époque a disparu. Elle ressemble à s'y méprendre à une vraie viking avec son pantalon en toile, sa longue chemise en lin... et sa côte de maille.

— Qui lui a donné une armure ? je demande d'un ton sec et froid.

Le regard ambré de Tove s'écarquille de terreur avant de faire la navette entre ma mère et Ingrid.

— C'est moi, me répond sans hésitation Ingrid. Je veux participer à l'effort de guerre.

Je pouffe derrière ma barbe jusqu'à ce que je comprenne qu'elle est on ne peut plus sérieuse. Les bras croisés sur la poitrine, ma mère et Torve me regardent avec incompréhension. Puisque qu'elles aussi se battent, manient la hache, l'épée et savent se défendre avec un bouclier, elles ne comprennent pas où est le problème.

— Tu es magnifique, je conclus pour éluder une conversation que je préfère avoir en privé.

Le visage d'Ingrid devient écarlate à mon compliment. Torve sourit discrètement, gênée d'assister à la scène. Egil choisit ce moment pour venir nous interrompre.

— Sven, on y va ?

J'acquiesce avant de reporter mon attention sur Ingrid. Je la rejoins, pose mon bras dans le bas de son dos et me penche à son oreille pour lui expliquer ce que nous comptons faire avec mes hommes.

— Nous allons partir toute la journée en éclaireur. Tu te rappelles ce que je t'ai dit avant ?

— Oh... Tu veux que je t'accompagne, c'est ça ? bredouille-t-elle d'une voix mal assurée.

Les lèvres pincées, je comprends que sa peur est en train de prendre l'ascendant sur ses bonnes résolutions prises il y a quelques instants, et c'est normal puisqu'elle ne s'est jamais battue de sa vie. J'ai bien essayé de lui montrer un ou deux mouvements de combat dans sa chambre qui pourraient lui être utiles en cas d'attaque, mais nos séances de lutte improvisées finissaient à chaque fois... dans son lit, par terre, ou même encore sur son bureau.

De feu et de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant