Chapitre 25

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Sven

Ingrid et moi grimpons les marches en silence, peu fiers. Notre plan consistant à expliquer à sa mère que je ne suis qu'un simple ami qui l'aide dans sa fuite, vient lamentablement de tomber à l'eau. Nous sommes d'accord sur un point : le baiser que nous venons d'échanger nous oblige à inventer une nouvelle histoire pour justifier ma présence à ses côtés. Et rapidement.

Ingrid marche devant moi, les yeux rivés sur ses chaussures. J'ai envie que nous parlions de ce qu'il vient de se passer. De comprendre ce que cela signifie, de savoir ce qu'elle attend de moi, mais une clé tourne au même moment dans une serrure au-dessus de nos têtes, et je comprends que notre petite discussion est remise à plus tard.

La petite suédoise se raidit lorsque la porte d'entrée du logement de sa mère s'ouvre. Ingrid ralentit son ascension, elle qui était tellement pressée d'arriver il y a à peine une heure de cela. Mes doigts cherchent les siens dans une discrète tentative pour la rassurer, mais ne rencontrent que le vide à la place. Ingrid retire aussitôt sa main, comme si je venais de la brûler.

En arrivant sur le pallier, Ingrid marque un temps d'arrêt face à sa mère. Les deux femmes se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Odin ne s'embarrasse pas de la gêne ambiante et entre le premier dans l'appartement pour réclamer quelques caresses. La mère d'Ingrid se baisse pour caresser l'encolure du chien-loup qui jappe de plaisir à ses pieds.

— Tout doux Odin, si tu continues comme ça, tu vas me faire tomber à la renverse ! l'enjoint-elle.

Ingrid émet un claquement de langue pour réfréner ses ardeurs. Odin se calme instantanément et s'assoit dans le couloir. Mère et fille rient d'un même éclat en voyant la queue de l'animal balayer le sol en frétillant. Sans le savoir, l'animal vient de briser la glace entre elles.

— Tu m'as manqué, lâche Ingrid, la voix cassée par l'émotion.

— Toi aussi. Il était temps que tu partes, lui rétorque sa mère d'une voix douce.

Ingrid ne répond pas, les yeux embués de larmes. Sa lèvre inférieure tremble quand elle se blottit dans ses bras pour sangloter contre son épaule.

Mal à l'aise, je me retourne pour leur laisser un peu d'intimité, et en profite pour détailler l'immeuble. Les explications d'Ingrid me reviennent en tête : Un maximum de logements dans un minimum d'espace, pour pallier au manque de place. Du bout des doigts, je touche une brique au mur. Un matériel que je connais bien et visiblement assez solide pour construire des tours de ce genre.

Une bonne odeur s'échappe de l'appartement ouvert. Rien que d'imaginer dévorer le sanglier qu'Ingrid m'a promis un peu plus tôt dans la journée, j'en ai l'eau à la bouche.

— Ça sent très bon, je lâche, assorti de mon plus beau sourire.

La mère d'Ingrid s'écarte de sa fille avant de secouer la tête.

— Avec toutes ces émotions, j'en oublie mes bonnes manières. Ellen, ravie de vous rencontrer, me salue-t-elle, la main tendue.

Je m'approche en la serrant le plus délicatement possible. Ingrid et moi nous nous sommes entrainés à cet exercice cet après-midi. Doser ma force m'a demandé quelques efforts, mais je crois pouvoir dire que l'exercice est plutôt réussi.

— Tout l'honneur est pour moi madame. Mon nom est Sven Gudriksson. Je suis un... ami de votre fille.

— C'est ce que j'ai pu voir depuis la fenêtre de mon salon, plaisante-t-elle en se tournant vers Ingrid. J'ai reconnu ta voix appeler... ton ami au loin. J'ai d'abord cru à une hallucination auditive mais allez savoir pourquoi, je me suis levée du canapé pour vérifier que je ne rêvais pas.

De feu et de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant