Prologue - Sarah (2017)

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⚠️: quelques passages spicy dans ce chapitre 🌶️🔥

                               ***

C'était le tout début d'une nuit de printemps. La lune à demi recouverte d'un voile nuageux tentait d'éclairer les déplacements pressés des derniers passants. Éreintés par une vie de banlieue parisienne imposant aux plus chanceux la routine du « RER, métro, boulot, dodo », ils fuyaient le cœur de ville afin de rejoindre des quartiers pavillonnaires plus tranquilles.

Pour Sarah, l'heure avancée sonnait la fin d'une énième journée de travail passée à panser les plaies des autres, tandis que les siennes gisaient à vif. Tout en pestant, elle attendait la fermeture complète du rideau métallique qui protégerait le cabinet infirmier des intrusions nocturnes. Depuis treize jours elle n'aimait plus la lenteur. Pire, elle redoutait l'inactivité qui venait réveiller sa douleur. C'est pour cette raison qu'elle enchainait les tournées, frôlant ainsi les cinquante patients jour dans un rythme effréné. Pour passer le temps, pour oublier.

Juste tout oublier...

Elle remontait l'allée en visant les dalles de grès qui menaient au parking des soignants. Une fine brise transportait le parfum des tulipes qui commençaient à éclore dans les platebandes. Les réverbères de l'avenue adjacente peinaient à baliser sa trajectoire mais sous leur lumière, pile devant elle, la silhouette d'un homme s'imposait dans la pénombre. Adossé à la devanture d'une laverie fermée depuis quelques heures, il l'attendait.

Lui  !

Plus attirant et redoutable que jamais.

Fais chier !

Elle évita son regard, ravala la bile qui lui grimpait dans la gorge et poursuivit droit devant elle.

— Sarah ! Attends, s'il te plait, laisse-moi m'expliquer.

Et déjà ses pas résonnaient sur le bitume, accourant vers elle, pareils à un nouveau fléau. Mais ce soir-là, elle ne souhaitait plus fuir devant lui, plus jamais. Alors elle s'arrêta et vint confronter ses sombres prunelles de salaud.

De putain de salaud à tomber...

De toute sa hauteur, elle le jaugeait, savourant le pouvoir qu'elle exerçait sur lui à cet instant tout en le mettant au défi de mentir, une nouvelle fois. Il avait ouvert la bouche mais aucun son n'en était sorti. Fautives, ses lèvres charnues s'étaient muées dans le silence.

Très bien. Parfait même.

Voilà qui avait facilité les choses. Car une idée sûrement stupide naquit en cet instant tout au fond de son âme piétinée. Et après une frêle seconde d'hésitation, plaçant son visage au plus près du sien, si près que l'embrasser aurait été si aisé, si tentant, elle l'avait défié de nouveau.

— J'ai envie de toi.

Une dernière fois...

Elle avait conscience qu'il venait de frôler l'arrêt cardiaque. Il paniquait, très certainement tiraillé entre les signaux affirmatifs que lui envoyait son entrejambe et les freins que lui dictait la raison.

— Allez, viens, avant que je ne change d'avis, lui avait-elle ordonné.

Elle lui avait attrapé la main et l'entraînait à contresens sur les gros pavés plats. Il l'avait suivi sans broncher. Elle déverrouilla le rideau de fer qu'elle venait à peine de fermer pour la nuit. C'était kamikaze, qui sait sur qui elle aurait pu tomber ? Une collègue insomniaque, sa cheffe débordée, une caméra de surveillance malencontreuse... Un paparazzi ayant suivi Giulian... Ses mains tremblaient tout autant que son corps. Elle délogea de son imagination les potentielles images sulfureuses fuitant dans la presse à scandale. À l'intérieur, les notes envoûtantes de la nuit disparurent pour laisser place à celles bien plus aseptisées de l'éther et du sol en lino. Sans prendre la peine de rallumer les lumières du hall d'accueil, ni aucune délicatesse, elle le guida jusqu'à sa salle d'examen. Au plafond, une simple ampoule sous un abat-jour en plastique diffusait maintenant une lumière jaune et fade, plongeant la pièce dans une ambiance lunaire. Il y faisait frais, presque trop. Le silence régnait et seules leurs respirations saccadées venaient le rompre à intervalles irréguliers. Il la sondait de son regard brun, tentant sûrement de percer les mystères de son âme indécise, de mesurer l'étendue de son coup de folie passager. Et d'aussi près, dans l'intimité de son cabinet, son parfum la percuta. Pareille à une vague prise de plein fouet, la puissante fragrance marine et sportive l'engloutit. Son corps entier l'appelait contre lui si bien que le sien se crispa en une tension terrible. Elle sentait l'adrénaline affleurer dans ses veines, s'épandre dans tout son être. Ses muscles se raidissaient et l'emmenaient vers un chemin qu'elle connaissait bien, qu'elle désirait de nouveau emprunter. A la différence que ce soir, Giulian ne serait qu'un moment de plaisir sans suite, c'était une première et cela ne s'annonçait pas si aisé. Mais elle était motivée.

Flammes Jumelles, putain de Karma ! (En Cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant