⚠️: Quelques passages pouvant heurter la sensibilité dans ce chapitre : ⚠️: viol, alcool, drogue, violence physique
***
Elle était fascinante, il était fasciné.
Il l'aimait comme un fou, ça ne pouvait pas marcher.
Elle aimait trop rêver et lui bien trop jouer.
Emplis de panique, de peur qu'elle ne le quitte, il retourna s'amuser.
Djéè
Ce passage qu'il fredonnait inconsciemment depuis son réveil lui raviva la mémoire de ce jour-là. Un de ceux qu'il préférait oublier à jamais mais qui avait aussi été le déclencheur d'une bonne partie de son actuel succès. Ce jour où, alors qu'il était affalé dans la chambre de Pedro à jouer à Fifa, Youss avait débarqué, surexcité. Tout son être était suranimé d'une étincelle de vie dont il connaissait la signification. Son poto préféré leur avait trouvé un nouveau plan de premier choix et s'en léchait les babines par avance. Dans ces moments-là, le suivre dans son délire était toujours une bonne idée. Pour la dose d'adrénaline et de plaisir qui en découlerait, d'abord, mais surtout que, tel un lion en cage affamé, un Youss dans cet état n'était pas bon à contrarier. Il y avait plusieurs fois semé des bouts de lui-même, perdu bien trop de temps et, surtout, de gros morceaux de leur amitié.
Une soirée venait de s'improviser dans le bâtiment d'à côté. Ce soir-là donc, Giulian remit une nouvelle fois à demain ses bonnes résolutions, ses projets et la destinée rangée qu'il comptait s'élaborer.
Quelques minutes plus tard un rythme sombre et langoureux vint se lover dans ses oreilles, et c'est dans une volute de fumée parfumée et colorée qu'il avait pénétré au cœur des ténèbres enchantées. L'air confiné embaumait la vodka, les phéromones et le tabac. Et d'autres espèces d'effluves non identifiées. On y trouvait là un joyeux melting-pot humain plongé dans une transe hip-hop/R&B. Pedro qui n'aimait pas la foule décida de rentrer chez lui. Giulian n'était pas fan non plus mais simplement, s'amuser pour un jeune homme de sa génération nécessitait quelques sacrifices qu'il acceptait lâchement. Youss, un verre à la main, le conduisit vers l'une des banquettes bon marché qui avaient été ajoutées dans le salon pour l'occasion. Sur la table, deux bouteilles d'alcool fort les attendaient.
Une chacun. Parfait.
Vers minuit il était juste complètement ivre et noyait sa vie dans l'excès de tout. Sarah, à cette époque, ne voulait plus de lui ni des débris de sa vie. Alors dans les bras de filles dont il ne connaissait rien, il oubliait tout. Il mourait un peu aussi. Il se raccrochait à ce qui le traînait toujours plus profond dans l'abysse.
Quelques heures plus tard Youss avait disparu et Giulian le retrouva dans l'une des chambres entouré de deux des filles qui les chauffaient un peu plus tôt. Puis des visages plus connus s'imposèrent dans le fond de la pièce.Sarah !
Elle semblait recroquevillée contre un mur et les deux gars qui lui faisaient face s'éclipsèrent sans faire de vague lorsqu'ils le reconnurent. Youss renfila son pantalon quelques secondes avant que le point de Giulian ne s'enfonce dans sa tempe. Sarah et la fille dont Youss s'apprêtait à profiter se saisirent de l'occasion pour s'échapper. Mais Giulian ne pouvait plus rien pour Jessica, déjà bloquée sous le poids d'une petite frappe qui n'était personne d'autre que le grand frère de Pedro.
Tenant à peine debout, Giulian se retrouva d'un coup d'un seul à se battre avec Youss dans la nuit tiède d'un été presque là. Puis ce fut le néant. Au réveil, il ne souffrait d'aucun manque. Il était rassasié. Fraîchement nourrit à l'alcool, à une fille ayant apparemment visité son lit, et à cette petite-poudre-blanche-magique-qui-fait-tout-oublier qu'il venait d'expérimenter avec succès. Le sang séché sur son t-shirt, le sien mêlé à celui de Youss et peut être aussi celui d'autres gars, était le seul vestige de cette nuit particulière.
Et malgré la scène cauchemardesque dont il l'avait extirpé malgré lui, Sarah ne voulait toujours pas lui reparler.
A cette époque, sa vie était comme une couche de peinture ; peu importait sa couleur, peut importait sa nature, trop sèche, trop dure ; elle s'effritait, et se brisait, inexorablement.
A cette époque, Giulian était empli de colère alors il se battait. Contre les fantômes du passé qui rongeait son père. Contre les factures que sa famille avait accumulé mais que du haut de ses 17 ans il ne pouvait gérer. Contre les placards vides. Contre ses cours de merde qui ne l'intéressaient pas. Contre les démons de sa cité... Toute sa vie était faite de choix, de décision qu'il était censé prendre alors qu'il n'en avait pas encore les épaules.Continuer ou abandonner. Avancer ou rester à terre. Se défendre ou attaquer le premier. Se défendre lui, son frère, mais aussi les siens, leur honneur, leur quartier. Il aurait été tellement plus simple de fuir. Mais il était acculé. Alors il projetait ses menaces sur les autres. Il noyait ses peurs dans la violence. Et chaque coup qu'il déversait, chaque objet qu'il brisait, lui permettait d'évacuer toute cette rage. De l'oublier elle aussi.
Coups de pieds, de poings, de barre de fer et de parpaing... ça, il maitrisait et ça le défoulait bien. Malheureusement, deux mois plus tard il fut condamné par le tribunal pour enfants pour violences en réunion et attroupement dans le cadre d'une guerre de clans dans le quartier et ça n'allait pas bien mieux. Pareil à une cigarette, son avenir partait en fumée, et à 18 ans, après avoir raté la moitié d'un trimestre et renversé des tables sur son prof de Français, il fut renvoyé de son établissement. Pour s'occuper il travaillait au Mac do trois demi-jours par semaine et complétait ses revenus avec un plan dégoté par Pedro.
Il lui avait également conseillé de coucher toute cette expérience sur le papier. Et c'est ce qu'il fit. Son passé, le présent, ses rêves, ses amours compliqués, surtout celui avec Sarah... Beaucoup de sujets l'inspiraient. Alors dès qu'un son lui venait en tête, il griffonnait son carnet, puis quand ça lui plaisait, il l'envoyait par texto à Pedro. Il avait commencé à écrire la plupart de ses futurs succès, dans l'ombre, à l'encre de ses tripes.
Avec sa première paie, Giulian s'était offert un micro et une carte son. Pedro ramenait l'ordinateur prêté par le lycée pro. Adoptant les pseudonymes « Djéè» et « DroPe », ils démarraient leur groupe « Made in Ghetto ». Leur premier clip de 1 minutes 34, publié sur la flambante et tout récente plateforme Dailymotion, fit plus de 700 000 vues en quelques semaines. Mais sa rage intérieure était toujours tapie dans l'ombre. Elle guettait chaque instant de faiblesse pour s'exprimer.
Sous ses conseils, Giulian rejoignit également Pedro à la salle de boxe. Ainsi il put déverser sa haine envers lui-même et frapper aussi fort qu'il le voulait. Il pulvérisait ces images qui ne cessaient de le hanter, ses sentiments qui ne voulaient pas se taire. Il essayait de libérer, en boxant, toute la fureur qui était restée bloquée et qui ne demandait qu'à s'échapper. Ça le soulageait un peu, ça camouflait, sur le moment, mais ça ne suffisait toujours pas.
Parce qu'il se cherchait mais haïssait ce qu'il découvrait à chaque pas en avant. Il reculait. Il avait quitté le monde de l'enfance depuis longtemps, depuis que sa mère les avait abandonnés et que son père avait déraillé. Il n'avait pas pu avoir d'adolescence pour les mêmes raisons. Quant à son avenir... Son avenir lui semblait encore plus compliqué.
Et elle. Sarah. Il avait juste envie de l'appeler, tout le temps, mais ne le faisait pas. Ça non plus il n'y arrivait pas.
—Si ça doit arriver, elle reviendra, lui avait sortit Pedro, surement saoulé de tout ça.
—Et sinon ?
—Sinon t'avancera gars.
A ce jour, seules deux femmes avaient compté dans sa vie. Sa mère. Et Sarah. Elles y auront semé autant l'amour que la douleur du chaos. Et si l'amour l'avait souvent rendu fou, c'était le chaos qui l'avait rendu roi.
Vingt ans plus tard, Sarah venait de lui rappeler qu'il ne devait son succès qu'à lui-même. Mais au fond de lui, il savait. Il savait qu'il lui devait tout. Il savait qu'il en était toujours aussi fou. Il savait qu'aujourd'hui, il avait enfin la possibilité de tout rattraper. De l'aimer...
Encore allongé à ses côtés dans le lit King size de sa villa, il attrapa sa main et glissa ses doigts entre les siens. Elle venait de se rendormir après qu'il ait visité son entre jambes avec sa bouche.
Elle était merveilleuse et il voulait qu'elle ne soit plus qu'à lui pour l'éternité.
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Flammes Jumelles, putain de Karma ! (En Cours)
RomanceDepuis leur rencontre il y a 20 ans, Giulian et Sarah ne cessent de revisiter cette ode à l'amour qui fait mal autant qu'elle guérit, de courir après l'amour d'une vie pour le perdre encore et toujours plus fort. Ce sont deux flammes jumelles, deux...