20 -Sarah-

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C'était il y a un peu plus de 7 ans... Quand bénéficiant d'un jour de repos, elle avait rejoint Arnaud au musée de la Fondation Louis Viton. Elle s'attendait à y découvrir de belles pièces de collection vestimentaires ou de maroquineries et non de grotesques enchevêtrements de formes, de couleurs et de matières.

Arnaud, adepte de l'art contemporain, tachait ce jour là de l'y convertir entre deux conversations existentielles centrées sur l'amour et la vie. Il appréciait ce style "capable de repousser les limites de la création artistique, faisant perdre son socle aux statues et leur cadre aux tableaux. Le seul art sans aucunes contraintes de support, bousculant tout code, jusqu'à la durée de vie des œuvres". Il l'estimait aussi "accessible à tous et pas seulement destinés aux intellos lettrés" et l'y avait donc trainé, "pour son bien à elle, et son plaisir à lui", avait-il dit lorsque Sarah avait tenté de se rebeller.

Fatiguée de ces déambulations loufoques au lendemain d'une garde de 3 jours, elle avait hésité à s'assoir sur une chaise de formica verte pomme, ne sachant pas si elle faisait partie ou non de la collection exposée.

"Tout va bien ? " s'était-il inquiété.

"Oui, je suis juste un peu fatiguée. Quand je ne suis pas à l'hôpital, on est sans cesse par mont et par vaux avec Giulian. Suivre une super star dans son quotidien est... intense."

"Tu aurais dû me dire que tu n'étais pas état, on aurait reporté."

"Non. J'avais besoin... d'un peu d'air... disons... plus personnel."

Il s'était détourné d'un tableau, représentant un caniche, se tapant, un ballon en forme de caniche lui aussi, pour venir la contempler elle, comme si elle avait été elle-même le toutou dérangé.

"Que s'est-il passé Sarah ?"

"Il... Il est rentré sur Paris ce weekend mais il a préféré allez trainer dans son quartier, et se battre dans la rue plutôt que de m'attendre... Une soirée Arnaud... Tout peu flamber tellement vite avec lui..."

Visiblement peiné, il avait soupiré avant de reprendre le fil de la visite.

"Il ne sait pas ce qu'il perd."

"Il a ses raisons, ses devoirs..."

"Arrête de sans cesse prendre sa défense, c'est un grand garçon. En fait non. Tu t'es de nouveau entourée d'une mer de gamins perturbés, alors que tu as envie de maturité et de stabilité émotionnelle pour te sentir complétement bien."

"Et donc juste en me regardant tu crois savoir mieux que moi ce don j'ai besoin ?"

Elle entendait son cœur battre sous ses tempes. Arnaud était sa référence, son point de comparaison et de vérité. Sa source de certitude dans la vie.

Cet homme passionnant s'était-il déjà trompé sur un point ? Se pouvait-il que Giulian ne soit pas la moitié qui la complétait pleinement ? pensait-elle à cet instant.

Il se tenait devant elle, l'observant toujours, assise sur sa chaise vintage, avec ce même regard qui l'habitait que lorsqu'il étudiait toutes les autres œuvres de la pièce.

"Tu as surtout besoin de quelqu'un qui ne te retiendra pas, qui n'aura pas peur de toi. Qui pratiquera le délicat équilibre entre te regarder voler et t'empêcher de tomber. Je ne suis même pas sûr que ce gosse sache quoi faire pour te garder..."

Que pouvait il y avoir comme intérêt dans une œuvre représentant une canette de Soda géante traversée par un stylo Bic, géant lui aussi ?

Bien moins d'intérêt que lui en tout cas... réalisait-elle.

Mais sa passion était contagieuse. Elle se pliait à l'exercice, impressionnée par son puit sans fond empli de savoirs. Et sur le bout du Bic, sur l'orange vif, une larme avait été peinte au vernis bleu électrique.

Flammes Jumelles, putain de Karma ! (En Cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant